Journées des coutumes et traditions au Burkina : Fini le syncrétisme religieux ?

Journées des coutumes et traditions au Burkina : Fini le syncrétisme religieux ?

Hier 15 mai à 6h 30 à Panghin, c’est-à-dire dans la cour du Mogho Naaba Baongo à Ouagadougou, il y a eu le «yisgou» la sortie solennelle de ce dernier, une sortie spéciale selon le Ouidi Naaba, premier ministre suivie de la 1ère édition à 10 heures de la Journée des coutumes et des traditions. Le Mogho Naaba a d’ailleurs donné des instructions aux sacrificateurs à cet effet. On notera qu’il a fait une reconnaissance au capitaine-président IB pour avoir institué cette journée. Partout au Burkina, chaque communauté de peuplement, notamment la soixantaine d’ethnies marquera ce jour d’une pierre blanche par des rites spécifiques. Et pour cause…

Ce mercredi 15 mai 2024, a été consacré «Journée des coutumes et des traditions» au Burkina Faso. Décidée en Conseil des ministres le 6 mars dernier  et le décret signé le 6 mai courant, cette journée vise à hisser les us et coutumes du Burkina au rang des religions monothéistes et révélées telles que l’islam, le christianisme…

Pour le porteur du projet, Me Titinga Pacéré, les commémorations de certaines fêtes léguées par la colonisation date de 1905, soit 10 ans après l’entrée des colons dans la capitale Ouagadougou. Noël, Pâques, Ramadan, Tabaski bénéficient ainsi de jours fériés. Pourquoi pas la Journée des traditions ? Cette journée dédiée aux choses culturelles aura aussi son jour férié et chômé : le 15 mai.

En prélude, le 13 mai dernier, s’est tenu un colloque à ce sujet. Pourquoi une Journée des coutumes et des traditions ? D’abord, parceque tout peuple doit s’adosser à ses valeurs intrinsèques celles du terroir pour avancer. Or, la colonisation a fait que la tradition africaine est en déperdition. Malmenées et souvent moquées, nos traditions se sont dissoutes dans des activités importées qui ne collent pas à nos réalités léguées par nos ancêtres.

Il fallait donc y remédier et requinquer donc ces coutumes et surtout les inculquer à la postérité pour les rendre pérennes. Enfin, la perte de repères culturels de la jeunesse, a des conséquences observables chaque jour et comme les lamentins, il faut retourner boire à la source.

Attention pourtant déjà sur les réseaux sociaux, on voit que certains réduisent les coutumes et traditions aux «wack», c’est-à-dire aux pratiques mystiques, par exemple à la capacité pour une personne de disparaître (Lilougou en mooré), de se muer en tourbillon (silmandé) ou en hyène (Katkilma), à se faire couper au coupe-coupe sans se blesser, à manger le feu ou des tessons de bouteille… bref à la «chimie noire». Il y a du ça, le mysticisme fait partie intégrantes de ces coutumes, mais ça va au-delà : les coutumes et traditions englobent tout un mode de vie selon chaque mosaïque de peuple. Le Burkina Faso est une Nation, mais culturellement, il est multiforme, même s’il y a des pratiques qui se rejoignent. Ainsi, il y a toujours la fibre religieuse qui transparaît : si les religions révélées professent un Dieu unique, qu’en est-il des pratiques dites animistes qu’on a ravalées au stade de païennes pour ne pas dire de mécréances ? D’abord, un rappel : Ces «païens» que sont nos ancêtres croyaient aussi à Dieu.

D’ailleurs, les sacrifices d’animaux aux dieux ou ancêtres sont toujours précédés par le nom de Dieu, preuve qu’il y a toujours un fil insécable entre religions monothéistes et ce panthéisme ancestral ! Dans ces coutumes et traditions, il y a par exemple des interdits, des sacrilèges qui entraînent une condamnation à mort (sauf sacrifice expiatoire) ou bannissement.

Dans la cosmogonie moaga, on dit que le chef coutumier d’un certain rang ne va pas aux obsèques ! Ou des croyances qu’on dit éculées qui font qu’un homme doit éviter de se faire frapper par une spatule au risque de devenir impuissant. Les jeunes moulés dans le tactile, la toile n’y croient pas, du moins n’ont plus ces notons obsolètes à leurs yeux !

Claude-Lévi Strauss, le père de l’Anthropologie structurale qui a étudié pendant des années les peuples dits primitifs, a dégagé le fait que chaque groupe d’hommes organisés en sociétés se devait de se doter de garde-fou pour sa survie.

C’est pourquoi, si cette journée est à saluer, il faudra veiller, et c’est ce que relève par exemple le Mouvement SENS, veiller à ce que les «gardiens des traditions ancestrales», puissent être les garants de valeurs non-dévoyées par du «folklore». Les dépositaires des traditions doivent faire preuve de vigilance !

Les garde-fous de Lévi-Strauss s’appellent de nos jours, cohésion sociale, vivre-ensemble, paix… Sinon journée des coutumes et des traditions ou pas, l’Africain est invariablement imbibé de syncrétisme religieux «il prie à la Mosquée ou à l’Eglise, son fétiche en poche», nous dit l’historien burkinabè, Joseph Ki-Zerbo ! 

Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

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