Jugement de Omar El Béchir au Soudan : Procès trompe-l’œil pour catharsis nationale

Jugement de Omar El Béchir au Soudan : Procès trompe-l’œil pour catharsis nationale

Vanité des vanités ! En l’espace de quelques mois, Omar El Béchir a quitté le boxer de président pour se retrouver dans le box des accusés. Voilà qui devrait servir de leçon sur les vaines et si fragiles effluves du pouvoir. Mais l’être humain est ce qu’il est. Le vécu de son prochain est aussi inutile pour lui que la peau muée est inutilisable pour le serpent.

En attendant, Omar El Béchir s’assoit sur le banc des accusés, avec comme couvre-chef remplaçant son splendide burnous du pouvoir, une avalanche d’accusations : corruption, enrichissement illicite, détention illégale de devises étrangères, assassinats de manifestants. Et bombe à fragmentation sur ce monticule de munitions explosives, l’accusation d’avoir reçu 90 millions de F CFA de l’Arabie Saoudite.

En ces temps de guerre froide entre les puissants du monde arabe, cette révélation aura sans doute son content de sanction sur le chef de celui qui est poursuivi par la Cour pénale internationale.

Et parlant de cette juridiction, il est curieux que les «nouvelles autorités» soudanaises aient refusé soigneusement que leur ancien chef foule le sol de La Haye. Car, évidemment, un jugement à domicile permet d’éviter certains dérapages incontrôlés de l’ancien chef rebelle.

En effet, recherché par la CPI notamment pour crimes de guerre au Darfour, ses camarades d’armes, qui l’ont livré aux émeutiers de la faim, ont préféré le sacrifier sur l’autel de la justice nationale, offrant un défouloir au peuple épris de justice, tout en évitant au reprouvé, le chemin de la juridiction supranationale. Et tout en évitant eux-mêmes le box, alors qu’ils sont coresponsables des faits et méfaits de l’ex-président.

Il n’est pas arrivé au pouvoir par la seule force de ses bras, de ses jambes et de ses cruautés à lui attribuées. Omar El Béchir n’a pas non plus gouverné seul dans ce pays qui a été mené de main de fer et qui a reçu plusieurs fois les coups de la répression aveugles et sans concession de la Force de soutien rapide.   Il y  a des exécutants, des complices, des «associés», des compagnons qui ont profité comme lui de la saveur du mur de miel du pouvoir et ont certainement trempé les mains dans le cambouis pour maintenir ce mur debout.

Ces mêmes hommes et/ou femmes sont toujours là. Ils sont agrippés au nouveau gouvernail du Soudan. Et ils n’ont certainement intérêt à ce que leur ancien patron aille jouer les «balances» dans la vaste cour aux oreilles indiscrètes des Fatou Bensouda et compagnie.

Il faut donc le garder dans le confort «douillet» du tribunal militaire de la maison où on peut le contrôler, orchestrer un jugement qui permettra à la fois  de contenter un peuple meurtri et qui a soif de justice, mais aussi de protéger les encoignures des intérêts de certains qui veulent continuer à profiter de l’ombre de l’arbre du pouvoir, après l’avoir débarrassé de la liane qu’ils avaient eux-mêmes contribué à nourrir. Procès exutoire, procès trompe-l’œil à Khartoum où on offrira El Béchir en mouton expiatoire pour calmer le hurlement de la meute. Alors que de vrais criminels seront dans le train de la transition, à l’abri de toute inquiétude. Ainsi va la politique ! Mais au moins, il y aura Justice. Et c’est déjà ça  de gagné !

Ahmed BAMBARA

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