Katanga de Dani Kouyaté, Etalon d’or : Une consécration de Shakespeare en mooré!

Katanga de Dani Kouyaté, Etalon d’or : Une consécration de Shakespeare en mooré!

 

 

Intemporel, mais surtout d’une contemporanéité historique, selon les mots du porte-parole du jury, Martin Zongo (qui a précisé que c’est Souleymane Cissé, disparu 3 jours avant le FESPACO, qui a été gardé comme président) Katanga de Dani Kouyaté, c’est une fiction qui rejoint des réalités dans les dorures des palais de la République. C’est un film qui campe les grandeurs et les misères du pouvoir. Le roi sage, probe soupçonneux et prudent n’a pas pu échapper à l’appétit vorace de son chef de sécurité.

Pas possible de ne pas songer à Machiavel : conquérir et garder le pouvoir. L’épouse de Katanga, Pogneeré, qui pousse son mari de chef de sécurité du roi à commettre le crime, c’est le Brutus-africain qui occise son cousin-roi dans son sommeil pour s’emparer du pouvoir suprême. Il y a du machiavélien dans Katanga. Le prince n’a que faire de l’état d’âme du petit peuple pourvu qu’il ait le pouvoir et que ce peuple le craigne. Et pour le pouvoir «Qui veut la fin veut aussi les moyens et ces moyens sont inséparables de quelques risques et même de quelques pertes». Bémol dans le film : Katanga qui a revêtu la peau du Brutus africain est faible ! Il ne supporte pas l’assassinat de son ami Bugum ni le sang versé pour le pouvoir et plonge dans la paranoïa.

L’influence des hommes dotés de pouvoir mystique traverse tout le film, c’est même un peu une partie très importante du scénario : sans les prédications du géomancien aux scorpions, le film aurait été autrement. En Afrique, en temps d’élections, ou lorsque le bonnet du chef flotte, ou si les temps sont troubles, c’est dans les cases sombres, les masures et la accroupis ou assis à même le sol devant des hommes dotés de savoir caché que chacun veut la trajectoire de ses planètes qui, pour connaître son destin politique, qui, pour contrer ou éliminer un adversaire. C’est dans ces lieux cachés que se jouent parfois le destin d’une nation aussi incroyable que cela puisse paraître !

Entre le pouvoir même moderne et le mystique, il n’y a pas de place pour du papier à musique : on va dans les lieux de prières, mais on croit aux «gris-gris», aux «décortiqueurs» d’avenir.

Katanga met enfin le fait que lorsque les femmes veuves victimes de violences politiques ou pas, pour peu qu’elles se décident, elles font tomber un tyranon. Enfin, le film enseigne que le pouvoir finit toujours par revenir au peuple qui décide qui il veut installer sur le trône. La dévolution du pouvoir qui est revenu in fine à Raogo, le prince légitime, souligne à souhait que la normalité s’impose toujours, quitte à faire des détours tumultueux, semés de sueurs, de sang et de cadavres. Katanga et ses nervis ont été engloutis par le peuple, emportés dans les poubelles de l’Histoire.

Costumes, script, scénarios, sentences et proverbes en mooré appropriés, parfois intraductibles en français et en noir blanc font de cette fresque un puissant film.

Le sacre de ce Games of Thrones à la sauce de Brutus africain, c’est la consécration de Shakespeare en mooré (cf: la tragédie de Macbeth) même si ici, il n’y a ni général Macbeth, ni 3 sorcières. C’est dans cette adaption d’ailleurs que résident aussi le charme et la puissance de Katanga. Il mérite bien l’Etalon de Yennenga, lequel, 28 ans après Buud Yam de Gaston Kaboré, reste au Burkina. Dani Kouyaté inscrit son nom à la suite de ce dernier et de Idrissa Ouédraogo et trône désormais dans la cour des grands réalisateurs avec ce trophée du plus grand évènement du cinéma africain.

 

Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA

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