Kaya : chronologie d’un blocus de 72 heures

Kaya : chronologie d’un blocus de 72 heures

Kaya, capitale de la région du Centre-Nord, ville située à une centaine de kilomètres de Ouagadougou, sera à coup sûr un nom que les membres du convoi logistique de l’armée française en route pour le Sahel, ne seront pas prêts d’oublier. En provenance de la  Côte d’Ivoire, ce convoi en route pour le Niger a fait face à l’hostilité de plusieurs manifestants sur son passage. Le ton avait été donné le mercredi 17 novembre 2021, lorsque ledit convoi entre à Bobo-Dioulasso. Plusieurs alertes et appels à la mobilisation sont lancés sur les réseaux sociaux. Aussitôt, des dizaines de jeunes se mobilisent à la sortie de la ville pour faire barrage. Quelques heures d’attente et le convoi reprend sa route. Le même accueil lui sera réservé à l’entrée de la capitale où dans la nuit du mercredi 17 au jeudi 18 novembre 2021, des centaines de jeunes manifestants dressent des barricades à l’entrée de Ouagadougou empêchant le passage du convoi.

Toute la nuit, le convoi qui avait marqué un arrêt au poste de péage est contraint de patienter. Finalement, la voie est libérée tôt dans la matinée du jeudi. Le cortège se remet en route et des gros bouchons se forment à son passage sur plusieurs artères de la capitale burkinabè. Dans la même soirée, il est aux portes de Kaya à une centaine de kilomètres de Ouagadougou. Comme dans les deux précédentes villes, le blocus prend forme, il grossit au cours de la nuit, des feux pour tenir à la belle étoile sont allumés, des centaines de jeunes affluent des villes voisines pour soutenir la résistance, les slogans anti-français sont lancés et brandis par les manifestants : «Il n’y a pas moyen bouger ! Armée française dégage», «Libérez le Sahel», «Plus de convoi militaire d’invasion et de recolonisation français», «Retournez chez vous !». Les manifestants se montrent intraitables et jusque dans la matinée du vendredi 19 novembre 2021, le blocus se durcit. Au cours de la journée, la tension monte, les croquants refusent de céder. L’arrivée d’une escouade de la Compagnie républicaine de sécurité (CRS) en appui à la gendarmerie n’y changera rien. A l’entrée de la ville  comme à la sortie, plusieurs files de véhicules se forment. Les autorités administratives butent sur la ténacité des occupants de la RN3, qui refusent que le convoi controversé traverse Kaya. Les passages sont filtrés, certains usagers sont autorisés à passer. Les esprits se surchauffent. Un camion transportant un conteneur est envahi par la foule, qui veut savoir le contenu de la cargaison. Deux soldats mal en point sont évacués par hélicoptère.  En fin de soirée du vendredi, de guerre lasse, le convoi se repli à 5 kilomètres de la ville et prend position dans un garage désaffecté. Un cordon de sécurité est formé par la gendarmerie. Les manifestants font mouvement vers le site. Le lendemain samedi 20 novembre 2021, la tension est palpable.  Des éléments incontrôlés tentent d’accéder au garage où sont stationnés les véhicules. Des tirs de sommation sont effectués. Un mouvement de foule est provoqué. Quatre personnes sont blessées. Après avoir reculé, les manifestants reprennent leur position. Dans la soirée, un drone qui survolait la zone est touché par un jeune garçon d’une douzaine d’années. L’appareil se retrouve au sol. L’enfant est porté en triomphe. Ces images inondent les réseaux sociaux. Aux dernières nouvelles,  le drone soupçonné d’appartenir à l’armée française serait exploité par l’Etablissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense  (ECPAD). Il s’agit d’un établissement public à caractère administratif du ministère français de la Défense.

Les manifestants campent sur leur position, ils exigent que le convoi fasse demi-tour. Le gouverneur de la région du Centre-Nord, Casimir Ségueda, arrive sur les lieux et entre en discussions avec les deux parties. Après coup, il informe les manifestants que le convoi ne passera pas la nuit aux portes de Kaya. Néanmoins, le blocus est maintenu. Aux environs de 20 heures, le convoi quitte le site et se met en route en direction de Ouagadougou. Le lendemain dimanche 21 novembre 2021, il est aperçu aux environs de Laongo, localité située à 25 kilomètres de Ouagadougou sur la Route nationale 4. Selon plusieurs sources, le convoi entend changer d’itinéraire pour rallier le Niger. Notons que depuis la nuit du samedi, la fourniture d’Internet mobile  est suspendue sans que l’on sache les raisons profondes.

Cette montée du sentiment anti-français intervient cinq jours après l’attaque de la gendarmerie d’Inata (Soum) dont le dernier bilan est de 57 victimes (53 gendarmes et 4 civils). 

Interrogé par la chaîne de télévision privée LCI, le ministre des Affaires étrangères français, Jean-Yves Le Drian, a évoqué pour sa part des manipulations. «Il y a des manipulateurs, par des réseaux sociaux, par des fausses nouvelles, par l’instrumentalisation d’une partie de la presse, qui jouent contre la France, certains parfois même inspirés par des réseaux européens, je pense à la Russie», a-t-il déclaré. Le chef de la diplomatie française a également rappelé que les cinq pays (Mali, Burkina, Niger, Tchad et Mauritanie) demandaient à la France «de les aider contre le terrorisme».

COMMENTAIRES

WORDPRESS: 0
Aujourd'hui au Faso

GRATUIT
VOIR