Comme Orphée, il est revenu d’enfer, pas par la voix, mais physiquement. Laurent Koudou Gbagbo bien là sur ses deux jambes, quasi-ingambe du haut de ses 76 ans, en Côte d’Ivoire, après une décennie de présence dans la mutique et pourtant bruyante, frisquette, et difficile prison de La Haye.
«GORistes» et «Affistes», sympathisants du FPI, curieux parents et surtout la grande communauté Bèté ont pris d’assaut les abords de l’aéroport international Félix Houphouët-Boigny, certains mâtés et dispersés de temps en temps par les gaz lacry des Forces de l’ordre. Sa famille nucléaire, Simone, Michel … les chefs traditionnels venus de Mama, tout le monde est là pour le retour de l’enfant prodigue.
Aéroport, puis cap sur le QG de campagne frontiste à Tauban avec bain de foule, hier c’était une rédemption pour Gbagbo, dont le retour sonne le carillon d’une destinée hors pair.
Sans doute, en descendant de l’échelle de coupé, aux environs de 16 h 50 hier 17 juin 2021 et surtout, en sortant du pavillon présidentiel, des réminiscences défilent dans sa tête : de ce 11 avril 2011, où délogé de son bunker dépoitraillé avec son épouse, par l’ONU, l’armée française et les ex-rebelles acquis à Ouattara, son emprisonnement à Korhogo, et son transfèrement à la CPI de tout cela il en pense.
10 ans ! Dans la vie d’un homme, c’est beaucoup ! Mais quand on fait la politique, tout peut arriver. Il y a donc un air de destin exceptionnel, pour cet homme qui n’est pas sans rappeler celui tragique d’un certain Kragbè Gnagbè, dont Gbagbo revendique un peu l’héritage.
Qu’y a-t-il dans le cortex de l’ancien président ivoirien qui quitta Abidjan de façon humiliante pour revenir sous les acclamations de ses ouailles ?
Car avant de parler avenir, il faudra qu’on évoque ce pour lequel il est revenu (avec quoiqu’on dise l’aval de Ouattara) disons la main tendue du président Ouattara, celle-ci sera-t-elle acceptée de bon cœur par l’ancien illustre pensionnaire de Scheveningen ? Réconciliateur ou revanchard ? Car ce retour souhaité par les uns et redouté par d’autres, est consubstantiel, c’est-à-dire ombilicalement lié à la réconciliation.
Gbagbo va-t-il «encaisser» toutes les avanies pour fumer le calumet de la paix avec Ouattara ? La paix des braves serinée par le pouvoir en place est-elle sincère ?
Un retour et moult interrogations, toutes dépendant et de Gbagbo et de Ouattara. Si Gbagbo croit toujours à un avenir politique et veut encore descendre dans l’arène politique, il est évident qu’une telle posture pourrait mettre à mal le processus de recollage du tissu social. A moins qu’il réunifie le FPI, se retire et lance un Blé Goudé ou autre pour sa succession ! Penser à une vie sans la politique, le pouvoir fait-il partie des plans de Gbagbo ?
Si aussi, Ouattara ruse avec la réconciliation pour «piéger» son intime adversaire, il faut craindre pour la paix en Côte d’Ivoire. C’est donc un retour gorgé en même temps d’un espoir, réel de rassembler les Ivoiriens (car si Ouattara et Gbagbo se retrouvent même la question des victimes peut trouver une solution) mais également de danger, car la moindre petite embardée, ou incartade de part ou d’autre, et la locomotive de la réconciliation se retrouve dans le décor.
La REDACTION
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