La CEDEAO à Bamako après le coup d’État : Entre condamnations principielles et réalpolitik

La CEDEAO à Bamako après le coup d’État : Entre condamnations principielles et réalpolitik

Goodluck  Jonathan l’émissaire attitré de la  CEDEAO est de nouveau à Bamako, une sorte de médecin après la mort, puisqu’après la première médiation pour sauver le soldat IBK, suivie d’ailleurs par celle de l’escouade des 5 chefs d’État, ce qui était redouté est finalement advenu : le président élu a perdu le pouvoir, renversé par un quarteron de colonels, et  la CEDEAO a commencé par montrer du muscle :

– Retour d’IBK au palais de Koulouba

– Retour à une vie constitutionnelle normale

– Libération du président IBK et les autres officiels

– Fermeture des frontières avec le Mali

C’était lors d’un sommet extraordinaire par visioconférence tenu le 19 août 2020, au lendemain du putsch qui avait poussé IBK vers la porte. Un cénacle, où on aura constaté que si les condamnations de principe sur les raccourcis militaires ont été entérinés  par les 14 chefs d’Etat, les oukases sur une réinstallation du président déchu, n’ont pas fait l’unanimité. Ainsi en est-il des présidents bissau-guinéen Embalo et burkinabè Roch Kaboré, qui ont donné une voix discordante à ces exigences irréalistes. Le n° 1 Burkinabè a été on ne peut plus limpide sur cette question en martelant. «Il est illusoire voire utopique de penser qu’il est possible de rétablir IBK au pouvoir. Diplomatiquement c’est infaisable, militairement c’est aventureux et politiquement ce serait une agression contre la souveraineté du peuple malien».

Même le président ivoirien qui incarnait l’aile dure de la CEDEAO envers les putschistes, est revenu à une posture plus accommodante. Ce qui se traduit sur le terrain par un rapprochement des positions entre les envoyés spéciaux de la CEDEAO et la junte, laquelle position met à présent le cap sur l’après-IBK

. Abandonnée l’idée de remettre celui-ci en selle, tout se  focalise  sur sa libération et son prochain lieu d’exil, objet d’intenses conciliabules  c’est ce qui ressort après la visite des prisonniers de la junte dont IBK, par la délégation de la CEDEAO.

Autre signe d’un fléchissement ou plutôt d’un pragmatisme de la CEDEAO c’est la perspective de la réouverture des frontières, laquelle fermeture  porte un coup sérieux aux transactions financières et échanges commerciaux. Un brin de revirement qui tient compte aussi de la communauté internationale en particulier de la France qui parle plutôt de la transition civile sans IBK d’autant plus que la Constitution malienne n’a pas été suspendue.  Après la médiation au cordeau d’avant coup d’Etat qui aura aboutit à un échec cuisant, voici l’autre médiation nimbée d’optimisme  débarrassée des exigences principielles et pleines de realpolitik.

La solution malienne devra donc  passer par  la réalité du terrain, notamment que c’est la junte qui est au pouvoir, de la volonté d’une bonne partie des Maliens, notamment le M5 qui s’est rapproché des putschistes, même si ceux-ci disent qu’ils n’ont aucun lien avec les partisans de l’imam Dicko. La CEDEAO nage donc en plein optimisme, en mettant sous éteignoir ses condamnations  de principe et en tenant compte de l’existant politique qui n’incline pas au rapport de force tendue. Hier dimanche 23 août fut d’ailleurs une journée studieuse en palabre, la junte disposée à assouplir ses positions et la CEDEAO  à diluer son vin.

En fait, cette médiation est un déblayage (reprise des activités institutionnelles, transition, mode d’emploi, sort d’IBK…), en vue de pouvoir dérider la situation ce 26 août 2020, lors du 2e sommet de la CEDEAO de l’après-IBK. Un conclave qui ne peut qu’aller dans le sens d’arrêter les grandes lignes de cette transition qui demeure  toujours  nébuleuse.

Zowenmanogo Zoungrana

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