Lt. Ghislain Gorgo : «J’ai empêché les éléments de la classe 2013 d’attaquer la gendarmerie»

Lt. Ghislain Gorgo : «J’ai empêché les éléments de la classe 2013 d’attaquer la gendarmerie»

Complicité d’attentat, meurtre et coups et blessures sont les charges retenues contre le lieutenant Aliou Ghislain Honoré Gorgo. Appelé à la barre le mardi 11 septembre 2018, celui-ci a déclaré avoir fait l’objet de menaces, avant de révéler qu’au cours de la période du putsch notamment lors du désarmement, les éléments de la classe 2013 de l’ex-RSP, ont voulu attaquer la gendarmerie et il a dû intervenir pour les empêcher.

Le lieutenant Aliou Ghislain Gorgo Honoré fait partie des militaires de l’ex-RSP poursuivis dans le dossier du coup d’Etat manqué du 16 septembre 2015. Cet officier avec la trentaine bien sonnée,  a plaidé non coupable. Invité donc à dérouler son emploi du temps au moment des faits, il a confié qu’il était au camp Naaba Koom II le 16 septembre à son bureau au Poste de commandement du Groupement des unités d’intervention (PC-GUI) car étant le commandant adjoint de ce groupement. C’est aux environs de 16 heures, qu’il dit avoir rejoint le poste de commandement central sur instruction de son chef de corps qui lui a demandé de se mettre en tenue militaire parce qu’il y avait une rencontre des officiers. Sans poser de question, le lieutenant a noté avoir exécuté l’ordre qui lui a été donné. C’est ainsi qu’avec d’autres officiers réunis dans le bureau du chef de corps, le commandant Aziz Korogo, le général Gilbert Diendéré, arrivée sous escorte, leur annonça l’arrestation des autorités de la Transition. Il indique qu’à la suite de cette rencontre, le général s’est rendu au ministère de la défense pour rencontrer la hiérarchie militaire ; d’où il est revenu aux environs de minuit poursuit-il pour leur annoncer qu’ils allaient rencontrer le collège des sages. A l’en croire, les membres du collège ont déclaré être venus comprendre ce qui se passait et surtout qu’ils ont demandé la libération des autorités interpellées. Face au refus de certains sous-officiers d’accéder à leur requête, les différentes parties se sont séparées faute de consensus. A l’issue de cette rencontre, le lieutenant a indiqué s’être retiré dans son bureau et y est resté jusqu’au 17 matin où il a appris le coup d’Etat à la télévision. Il a affirmé avoir reçu l’ordre de ramener certains éléments qui se sont rendus en ville et qui commettaient des exactions sur la population et surtout de les empêcher de ressortir. Le prévenu confirme qu’au soir du 17, la plupart de ces éléments sont rentré. Sa mission le 18 était la sécurisation de l’aéroport pour l’arrivée des chefs d’Etat de la CEDEAO, a soutenu l’officier qui poursuit en indiquant que le 20, il a reçu l’ordre toujours de son chef de corps d’envoyer une équipe à la Place de la nation pour occuper ladite place et empêcher tout rassemblement. Tout en reconnaissant n’avoir pas reçu de réquisition de la part du chef de corps, il dit avoir envoyé le lieutenant Boureima Zagré pour l’exécution de cette mission. Ce même Zagré sera envoyé encore le lendemain à la poudrière de Yimdi, confirmant par la même occasion, les propos de ce dernier lors de son passage à la barre.

Le lieutenant Aliou Ghislain Honoré Gorgo menacé par ses frères d’arme

Le lieutenant Gorgo a souligné être resté au camp jusqu’au désarmement qui selon son récit ne s’est pas passé dans le calme. Il rappelle en effet qu’il a reçu des menaces venant d’éléments opposés au désarment. Il précise se souvenir de la nuit où étant couché au camp, son conducteur est venu le réveiller pour le conduire dans une brousse afin de le mettre à l’abri car des binômes selon le jargon militaire, suivaient des officiers et sont prêts à abattre celui qui tentera de quitter le camp, lui a-t-il révélé. «On a eu chaud, ils disaient qu’étant des officiers, on va s’en tirer à bon compte et que c’est eux qui auront des problèmes», a confié le prévenu qui a confirmé qu’il y avait des éléments opposés au désarmement. Il va poursuivre en soulignant que passé ce fait, des jeunes de la classe 2013 biens armés sont venus dans son bureau pour l’informer qu’ils voulaient attaquer la gendarmerie sous prétexte que les gendarmes veulent les arrêter. S’ils ne sont pas passés à l’acte, c’est parce que le lieutenant qui a confié que les jeunes en question sont les plus instrumentalisés, a réussi à les dissuader.

L’officier sceptique quant à la réussite du putsch

Il faut dire que le lieutenant a déclaré être sceptique quant à la réussite du coup d’Etat. Il explique cela par le fait que pour les préparatifs, les officiers ont été mis à l’écart et que c’est quand l’arrestation des autorités a été consommée, qu’ils ont été informés. Pour le parquet militaire, l’accusé est resté cohérent dans son récit. Il soutient que le récit qu’il a fait à la barre est conforme à celui qu’il a fait devant le juge d’instruction. Il va prendre un exemple pour justifier ses propos. Il s’agit en effet de cette déclaration : «Je suis sceptique quant à la réussite du coup. Quand le général a annoncé que les autorités de la Transition ont été arrêtées, les officiers ont baissé la tête dans la salle, ils étaient effarés. En plus, on était à quelques jours de la campagne», faite par le prévenu en réponse au juge d’instruction qui lui a demandé à savoir s’il soutenait ou pas le coup d’Etat. Si à travers cette déclaration, l’officier à la barre veut se dédouaner de son soutien au putsch ; à la question du parquet de savoir pourquoi est-il resté quand bien même il a su pour le coup d’Etat ? Le prévenu va répondre : «Je suis resté fidèle au corps. J’ai posé le problème au chef de corps qui m’a dit de laisser les politiciens résoudre leur problème et nous nous allons faire notre travail habituel». Après avoir écouté l’accusé, Me Farama a tenu à le féliciter pour ce qu’il va qualifier de courage. «Je félicite l’attitude du lieutenant Gorgo, car il a répondu sans gêne aux questions qui lui sont posées», s’est-il réjoui. Son collègue Me Pierre Yanogo embouchera la même trompette en faisant observer qu’en parcourant le dossier de ce dernier, il se rend compte que l’armée burkinabè regorge de bons officiers. Ceci étant, il en déduit que le coup d’Etat n’est pas l’œuvre du RSP, mais de certains éléments du RSP. Prenant la parole, Me Orokia Ouattara a affirmé que son client ne s’est jamais rendu coupable de complicité d’un quelconque coup d’Etat. «Il a dit ce qu’il a vu et il n’est pas là pour enfoncer personne», a plaidé l’avocat du lieutenant Gorgo. L’audience reprend demain avec la poursuite de l’interrogatoire du jeune officier de l’ex-RSP.

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMPKIN

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