A l’évidence, Emmanuel Macron ne tient nullement à froisser aucun pays du Maghreb. C’est ainsi qu’après avoir été chez le souverain alaouite M6, et chez l’Algérien Abdelaziz Bouteflika, le voici pour une visite d’Etat de 48 heures en Tuinisie.
7 ans après l’immolation de Mohamed Bouazizi et l’avènement de la Révolution qui a déboulonné Ben Ali, voici donc Jupiter au milieu des feuilles étiolées de Jasmin qui sentent en principe toujours bon, façon de parler, puisque ce séjour se déroule au milieu des miasmes et déflagrances de manifs. Sur air de remake des évènements de 2011. Il y a deux semaines en effet, ceux qui avaient fait et cru à la Révolution ont rappelé au mauvais souvenir des dirigeants que bien que le Jasmin ait une bonne exhalaison, il n’est ni pain ni mie et ne donne pas du boulot aux chômeurs. Voici donc Emmanuel Macron au milieu d’un pays qui a mal en sa Révolution, laquelle révolution a été portée aux nues et adoubée dans le monde arabe, avec des effets domino, qui ont traversé le désert sahélien pour décoiffer d’autres dinosaures politiques tel le Burkinabè Blaise Compaoré. Et si le chef de l’Etat français y vient pour magnifier cette «expérience démocratique tunisienne réussie», il lui faudra des qualités de funambuliste, pour contenter le locataire du palais de Carthage, mais aussi une jeunesse tunisienne, fatiguée d’attendre des fruits d’un printemps qui n’arrivent jamais. Souligner l’exemplarité de la démocratie tunisienne, soit mais aussi rappeler la qualité des relations bilatérales entre les deux pays : la France est le premier partenaire commercial de la Tunisie (30% des exportations tunisiennes et 16% des importations) et son premier fournisseur d’investissements directs à l’étranger (IDE). Avec Béj, Caid Essebsi, Macron devrait évoquer les filières porteuses pour les deux pays tels le secteur du textile/habillement qui impacte sur ces investissements directs à l’étranger, la métallurgie, l’agroalimentaire et les telecom, et ce n’est pas sans raison que le PDG d’Orange, Stéphane Richard, et de Free, Xavier Niel sont du voyage. Dans ces petites embellies, grosso modo, les échanges franco-tunisiens ont baissé de 2,5% en 2016 et 2017. Et derrière tout ce fratras de chiffres et de tendances, c’est bien le format économique tunisien qui est en jeu : De néo-libéral c’est-à-dire la concurrence à tout crin, et le capitalisme à outrance, il semble que c’est de l’Etat providence dont ont besoin, les Tunisiens, particulièrement les manifestants. Les ferments de la colère d’il y a deux semaines, tournent autour du chômage et du pain. Et c’est là que devrait apparaître la seconde tonalité du discours de Macron, notamment devant les députés et avec la société civile. Un oral macroniste avec deux airs différents. Si la centralisation et le tout Etat ne peuvent plus fonctionner à eux seuls, à la vérité, les Tunisiens plus tournés vers l’Europe, estiment, qu’il faudra que l’Etat leur ouvre plus de perspectives et plus d’espoirs, de quoi rêver à des lendemains qui chantent. Le printemps arabe a donné cette liberté que la chape de plomb Ben Ali compressait, mais il manque le pain, et la démocratie sans le pain, est un véhicule sans carburant. Vivre d’abord, philosopher et opiner sur la politique, ensuite. Nul doute que si à Ouagadougou, qui fut l’épicentre de sa tournée en Afrique, si à Ouaga donc, Macron a trouvé les mots justes, même face à des étudiants, qui «l’attendaient au tournant», et qui ont pris pour leurs études, face à ces crack des techniques de le com, à Tunis, l’hôte de l’Elysée, saura encore tenir le langage qui sied, autour de la triplicité : Jasmin étiolé, pain et funambulisme politique.
Sam Chris
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