Arrestations de militants OSC, emprisonnements de manifestants, expulsion de journaliste, jugé apatride, Mahamadou Issoufou serre-t-il maintenant la vis ? Ou pour être en osmose avec le citoyen moyen, le président nigérien n’est-il plus démocratique ? En tous cas, le chœur des droits-de-l’hommiste, d’opposants et de simples citoyens s’élèvent de plus en plus pour dénoncer ce qu’ils appellent une dérive, un dévoiement de la démocratie nigérienne ! Il n’est pas jusqu’à notre confrère français Libération qui, dans une tribune libre parue cette semaine, qui s’apparente à un réquisitoire, oeuvre d’une trentaine de personnalités et d’associations qui n’aient indexé la multiplication des interdits en matière de manifestation, les intimidations sur les médias indépendants, et embastillements des militants de l’opposition, même de ceux qui en appellent à un 3e mandat ! Alors Issoufou est-il en France pour s’expliquer sur tous ces péchés consubstantiels à toute démocrature ?
D’emblée, non puisque plusieurs dossiers économiques et sécuritaires étaient au cœur de son tête-à-tête avec le locataire de l’Elysée.
Mahamadou Issoufou est en France, pour la sécurité dans la bande sahélo-saharienne et le business. Sans aucun doute, il porte la casquette du chef du G5-Sahel, de celle du pays en proie au terrorisme, sans oublier le douillet bonnet des affaires. D’abord le business :
La signature de conventions, précisément. Cinq conventions devraient être signées entre le Niger et l’Agence française de développement (AFD). 33 milliards de FCFA qui couleront vers l’arrosage de champs de développement, notamment du réseau électrique en ville et dans les campagnes. Une centrale hybride devrait également être construite dans la région d’Agadez d’une valeur de près de 20 milliards de F CFA. On a donc naturellement parlé uranium. De l’insécurité dans les 5 pays sahéliens ensuite :
il est coutume de dire et on l’a répété à l’envi, le combat contre le terrorisme doit, en plus de l’argument des armes, associer celui du développement. Il est évident qu’un jeune homme qui a un emploi décent, qui arrive à subvenir à ses besoins et à réaliser ne serait-ce que la moitié de ses rêves, ne songerait certainement pas à aller transformer son corps en bombe au nom d’une pseudo-idéologie à laquelle il ne croit pas lui-même. Les veines du terrorisme sont irriguées par le sang des inégalités, des injustices, de la mauvaise répartition des richesses, des frustrations, des désespoirs et des impressions d’une impossibilité de changement du monde par la seule volonté de la paix et du raisonnement pacifique. Il est le recours ultime de citoyens du monde aux abois, acculés au mur du néant de l’espoir, contraints de poser à l’opposé du raisonnement humain.
Et évidemment, comme des microbes dans un champ de pourriture, il se trouvera des hommes pour en profiter et en faire un fonds de commerce qu’ils peindront savamment aux couleurs d’une fausse idéologie religieuse pour couvrir leur contrebande au tréfonds nauséabond.
Il est donc de bon ton qu’à la force du G5-Sahel s’allie un gant de velours pour couper le mal à la racine. Les armes coupent les branches, le développement arrache les racines. C’est donc sous cet angle qu’il faut lire la visite de Mahamadou Issoufou en France. Et Dieu sait que le Niger a besoin de projets de développement. Il ne reste plus qu’à espérer que les projets de ce type se multiplient et surtout, qu’ils profitent aux destinataires réels. Mais en lame de fond, le n°1 nigérien a voulu expliquer à Macron, à la France, cet allié stratégique et indispensable que l’enfant de la démocratie, qu’il est demeure bien un démocrate malgré le bouillonnement que connaît le pays. On ne court pas 20 ans après le pouvoir supême pour se transformer en dictateur. Qu’a pu lui suggérer Jupiter dans le secret de l’Elysée ? Peut-être de lâcher du lest et privilégier le dialogue dans un Niger où la perspective de la fin du second et ultime mandat de Issousfou pourrait donner aux éventuels prétendant des raisons de mettre le Niger en gazouillet, question de saboter son bail et les chances de son potentiel dauphin. Ce n’est peut-être pas à Canossa qu’est allé Issoufou, mais sûrement un peu à Confesse ! .
Ahmed BAMBARA
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