Manifestations contre le président Al-Sissi en Egypte : Effet domino algérien ?

Manifestations contre le président Al-Sissi en Egypte : Effet domino algérien ?

Comme des vases communicants, les pays de ce côté-ci de l’Afrique ont l’art de se partager leurs… humeurs. Rares sont les contrées dites du Maghreb qui n’ont pas senti passer le souffle senteur jasmin qui a jailli de la Tunisie et a déferlé sur la portion de territoire africain, inondant les rues d’une marée de poumons exhalant le trop-plein d’exaspération emmagasinée depuis de longues années et pressurisée par des dirigeants assis dans la satisfaction de leurs envies et de leurs désirs.

Et voici que quelques jours à peine après la mort du président par qui tout a commencé, feu Ben Ali en Arabie Saoudite, ces manifestations éclatent dans l’Egypte d’Al Sissi. Les refrains et les slogans sont clairement dirigés contre lui. Du canal de Suez à Alexandrie, des centaines de jeunes que dispersent les sécurocrates du raïs, des jeunes obséquieux qui «osent» réclamer le départ du maréchal Al-Sissi.

Mais le message tremplin, ces vidéos d’un entrepreneur égyptien en BTP, Mohamad Ali, qui, depuis l’Espagne dénonce  la corruption et la mainmise de l’armée sur le secteur du bâtiment et s’en prenant au président Sissi, n’est peut-être qu’un prétexte.  Nourri par les effluves qui ont emporté un certain Abdel Aziz Bouteflika en Algérie, des Egyptiens ont sans doute été visités par la volonté d’une meilleure indépendance. Se débarrasser des dirigeants qui glissent dangereusement, à leur avis, dans les tranchées de l’anti-démocratie et ouvrir la voie à des gouvernants plus enclins à mettre au centre de leurs intérêts, les intérêts de leurs concitoyens. La frénésie boulimique, les passe-droits, la corruption sont de plus en plus mal vécus par les populations, surtout sa frange jeune, qui est prête à braver les forces de sécurité, à respirer les lacry pour crier leur ras-le-bol. L’Egypte est-il dans ce cas d’espèce ?

Il faut dire que le président Al Sissi leur donne des arguments. Après avoir troqué son treillis contre un costume trois-pièces, le soldat devenu civil s’est fait offrir, par voie aval référendaire à l’appui, une rallonge de mandat … pharaonique qui lui permet de «régner» sur le pays pendant les dix prochaines années. Pourtant, son bail à la tête de l’Etat a commencé en 2014. Et soit dit en passant, il aura écourté le règne des Frères musulmans, en chassant leur président Mohamed Morsi, condamné et emprisonné, où il a rendu l’âme le lundi 17 juin 2019 au Caire.

Et encore, des murmures caressent les parois des pyramides, assurant que le président muselle la presse et marche sur de nombreux droits humains, mais dans un silence qui frise la peur. Quoi de plus normal dans un pays où l’armée est toute puissante et a vu en avril 2019 ses pouvoirs être renforcés ?

Certes, l’argument de la volonté supposée des Frères musulmans de tenter de faire tomber le chef d’Etat est une hypothèse à ne pas écarter dans ce contexte marqué par une guerre contre les islamistes et dont l’Egypte est le noyau. Toutes les tentatives sont bonnes. Mais il faut reconnaître aussi que le président égyptien apporte du grain à leur moulin. Mais si tentative des frères musulmans il y a, et s’il y a des mains invisibles extérieures, et si la prétendue prévarication dans le domaine des BTP peut servir de prétexte, l’Egypte n’est pas l’Algérie. Et Al-Sissi n’est pas le grabataire Boutef.

C’est pourquoi la longévité de l’espérance de vie de ces manifestations semble passible de la balance du doute. D’abord, la presse égyptienne, celle émettant surtout sur le sol égyptien, ne partage pas, en tout cas, pour le moment, les mécontentements de ces manifestants. Ce qui n’est pas le cas de l’Algérie. Ensuite, l’envergure populaire de ces manifestations doit être encore testée. En Algérie, c’est un engouement populaire sans commune mesure qui a été observée. Enfin, la répression risque de tomber drue et de façon impitoyable sur les manifestants. Enfin tous les coins névralgiques sont bouclés y compris la mythique place Tahrir.

L’effet domino est donc possible. Mais il demandera, de la part de ses vecteurs, des efforts bien plus… pharaoniques.

Ahmed BAMBARA

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