Alors que les tentacules de la fièvre Ebola guettent la région, Béni est à feu et à sang. Encore béni la maudite ! Depuis jeudi, des massacres contre les populations civiles ont fini par faire sortir celles-ci de leurs gonds. Mais comble de l’ironie, elles s’en sont prises à un bâtiment administratif et aux installations de la MONUSCO, la force onusienne présente dans cette partie du pays. Et la police, qui devait en principe protéger ces civils, a ouvert le feu sur eux, tuant quatre manifestants.
La logique aurait voulu peut-être que les populations s’en prennent aux troupes de l’ADF qui sont accusées de commettre ces tueries. Ou que la police tourne ses armes contre ces agresseurs au lieu d’alourdir le bilan du tribut que payent les pauvres habitants de Béni dans la macabre sébile de la Faucheuse.
Devant de telles agressions qui font couler le sang entre leurs concessions, les civils doivent certainement et vite trouver un bouc émissaire. Et le plus proche est la MONUSCO, elle qui devrait en principe les protéger et empêcher que ces hordes de créateurs de violence ne viennent les occire dans leurs habitats. 2 camps onusiens attaqués, autodafé de la mairie de Béni, avec pour raison de la colère «l’inaction» des soldats congolais, et l’inertie des Casques bleus.
Assurément, les Congolais ont à quelque part raison. Près de 80 civils ont été tués en novembre aux yeux et à la barbe des militaires congolais et onusiens à Béni et encablures dans le Nord-Kivu. L’un des mandats de cette force onusienne est de veiller à ce que les civils ne soient pas pris à partie. Elle doit faire en sorte que leur sécurité soit assurée. Qu’elle reste atone et même amorphe pendant qu’il y a des «prélèvements» nocturnes au sein des populations, comme le feraient des hyènes dans un enclos, a de quoi comporter les germes d’une révolte nourrie par les braises de l’exaspération. Ce qui est rageant et incompréhensible pour ces populations meurtries, car malgré le fait qu’on ait dégraissé le mamouth, pour des raisons budgétaires (200 milliards de dollars économisés) la MONUSCO est constituée de 2 800 personnels civils, 16 000 militaires et 1 300 policiers sont in situ au Kivu, au Kasaï, en Ituri et au Tanganyika. Son mandat été renouvelé en 2019 mais sans la «robustesse» réclamée par les Africains. Or, c’est une MONUSCO, malgré cette cure d’amaigrissement qui coûte la peau des fesses.
Voilà de quoi qui risque de remettre en cause le bien-fondé de ce bras armé de l’ONU sur le sol congolais. C’est du reste, les mêmes accusations qui sont formulées contre la plupart des déploiements onusiens dans les foyers de crise. Ils sont régulièrement sous le feu des critiques. Coûtant énormément cher et parfois perçus comme des forces d’envahissement, les Casques bleus ne font pas partout et toujours l’unanimité sur leur efficacité. Des exactions sont toujours commises malgré leur présence, et souvent, ce sont les éléments même de ces forces d’interposition qui sont les auteurs d’écarts répréhensibles dans leurs zones d’intervention.
Toutefois, il ne faut pas flanquer l’eau du bain et le bébé dans la fosse aux oubliettes. Les Casques bleus demeurent tout de même des facteurs de stabilisation et de limitation de certaines crises, surtout armées. En RD Congo, les populations auraient pu souffrir d’un plus grave traumatisme si ces hommes et femmes n’étaient pas présents.
Une MONUSCO, qui paie du reste le prix fort dans cette RD Congo, puisqu’elle y a perdu en 1961, son secrétaire général d’alors, Dag Hammarskjöld dans un crash d’avion dont les circonstances demeurent encore floues, 58 ans après.
De plus, il se pose un vrai problème quant à la définition de leur mandat réel. Ce sont généralement des troupes d’interposition, sans grande marge de manœuvre quant aux actions à mener sur le terrain. Par ailleurs, ces Casques bleus ne sont souvent pas joints aux plans nationaux des armées locales. La preuve, la MONUSCO s’est plainte de ne pas avoir été associée aux récentes actions de l’armée congolaise.
Enfin, il est facile d’accuser la MONUSCO. Les attentions devraient également se tourner vers l’Etat congolais, qui, en premier, devrait assurer la sécurité de ses populations. Au lieu d’ouvrir le feu sur des manifestants désarmés, les forces de sécurité congolaises feraient mieux de plutôt tourner les canons de leurs armes sur ces hordes qui viennent troubler la quiétude des Congolais. La force d’un Etat ne se mesure pas à la vigueur de sa répression sur sa population civile, mais plutôt à assurer sa défense et sa sécurité. Et cela, sans compter sur une quelconque aide extérieure.
Ahmed BAMBARA
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