Même si c’est couché sur du papier, on sent le ton à la fois mi-comminatoire, mi-compatissant, mais un tantinet persifleur. C’est ce qui ressort de la tribune libre que Vincent Bolloré a accordé hier à notre confrère français Le Journal du dimanche (JDD).
C’est un pavé qui s’apparente à un mémoire en défense, d’un homme, qui après avoir été transi pendant ses deux «jours pénibles» de mise en examen, mais c’est une tribune dans laquelle, Bolloré-l’Africain se dit abasourdi par les documents, qui lui ont valu d’être devant la justice.
Sur cette première crête de défense, on voudrait bien le croire, mais est-il possible que deux marchés aussi importants, tels les concessions portuaires de Lomé et Conakry tombent dans son giron, sans qu’il n’en sache les tenants et les aboutissants ? Est-ce possible que Havas qui a joué les communicants électoraux pour Alpha Condé et Faure Gnassingbé le fassent sans qu’il ne le sache ? Et surtout, que trois mois après la victoire de ces deux chefs d’Etat, les deux ports soient retirés quasiment de force, de ceux qui en assuraient la concession pour aller à Bolloré ? A vrai dire, le timing et la présence de Havas dans cette opération politico-financière n’exonère pas le magnat de piteaux. Ensuite, Bolloré, surfe sur des sources nauséabondes des juges et dénonce au passage une «chasse aux sorcières». Qui a ordonné cette chasse ?
Mais on tombe des nues quand l’industriel Breton pourfend ces accusateurs comme des personnes, qui croient toujours à l’Afrique gangrénée par la mal gouvernance et la corruption, un continent-Far-West, où règne l’anarchie. On est alors tenté de se demander, de qui Bolloré se moque-t-il ? C’est justement, parce qu’il y a toujours ces passe-droits, l’opacité dans la passation des marchés, que Necotrans a été éjectée de Conakry et que Jacques Dupuidauby a fui Lomé abandonnant le port au même Bolloré que de telles croyances sont toujours véhiculées. Et puis quand on est un habitué des palais présidentiels africains, il faut avouer que ce genre de transactions ressemble à un tour de passe-à-passe, aux antipodes de la transparence et des mercuriales qui régissent les offres d’appel. Mais le meilleur de cette défense reste à venir lorsqu’il brandit carrément l’hypothèse d’un «abandon de l’Afrique» à son triste sort.
Convenons-en : comme lui-même le rappelle, Bolloré c’est 4 milliards d’Euros injectés sous les tristes tropiques, et 30 000 familles accrochées aux mamelles des ports. Et de l’emploi et de la richesse Bolloré en a crées, mais le doigt ne saurait cacher la lune, et derrière ces milliers d’emplois, et les sous dépensés, le groupe se lèche bien les babines, car avec 92% d’importations et d’exportations réalisées en Afrique, c’est une mine d’or. Et s’il faut diriger les eaux hostiles loin de Bolloré, il faut bien que ce dernier charrie également moins d’eaux pourries, qui sentent la corruption. A moins que le milliardaire Breton nous décrive davantage ‘’son’’ Afrique à lui «non corrompue, remarquable et démocratique». La condescendance de l’ex-métropole que Bolloré flétrit n’existe justement que parce que des messieurs comme lui viennent faire des affaires sur le continent, ramassent beaucoup de sous, en étant copain-copain avec les dirigeants, tout en ignorant l’intérêt de toute la Nation. L’Afrique reste maltraitée, car l’image de l’Occidental qui «vient aider» les Africains sans contre-partie, est toujours véhiculée par des groupes tel Bolloré.
Et puis enfin, l’esprit des Lumières est justement de considérer les hommes sur un même pied d’égalité, un esprit qui a prôné la rupture épistémologique et paradigmatique entre dominant et dominé. Si la France regarde toujours l’Afrique de haut, c’est à cause de quoi ? Du comportement des lobbies politiques et économiques des deux continents. En attendant qu’il se pourvoit mieux en argumentaires, car ceux déclinés dans le JDD volent au ras des paquerettes des ports de Lomé et de Conakry . UNE
Sam Chris
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