Mise en accusation de Blaise Compaoré dans l’assassinat de Thomas Sankara : Les héritiers du père de la révolution apprécient

 

La lumière sera faite sur l’assassinat du père de la révolution, Thomas Sankara. C’est le mardi 13 avril 2021, que le juge de la Chambre de contrôle de l’instruction du Tribunal militaire de Ouagadougou a rendu sa décision. L’ancien président, Blaise Compaoré en exile en Côte d’Ivoire depuis l’insurrection des 30 et 31 octobre 2014 est poursuivi pour attentat à la sûreté de l’Etat, complicité d’assassinat et recel de cadavres. Il sera sur le banc des accusés avec 13 autres personnes. Nous avons rencontré le mercredi 14 avril 2021 des personnalités qui depuis des années, se sont battues pour que justice soit rendue au défunt capitane. Dans l’ensemble, elles apprécient cette décision.

Jean Hubert Bazié, président de la Convergence de l’espoir : «Nul ne peut se prévaloir d’une supériorité quelconque pour se soustraire à l’épreuve de vérité»

 

J’ai été un militant de la Révolution démocratique et populaire (RDP). Je suis toujours convaincu des valeurs de la RDP et ce qui s’est passé hier (NDLR : mardi 13 avril) est un fait très important. Pas uniquement pour le Burkina Faso mais aussi pour l’Afrique et le reste du monde tant il est vrai que les grandes valeurs si elles ne sont pas mondiales sont au moins partagées par la majorité des vivants. Parmi ces valeurs se trouve le respect de la vie. Nous pensons que quel que soit le différend que l’on puisse avoir avec quelqu’un à quelques échelons que ce soit, il y a la justice pour juger. Nos différends ne doivent pas se régler dans le sang si véritablement la vie est la première de nos valeurs. Malheureusement, le 15 octobre 1987, c’est ce qui est  arrivé. Je ne me place nullement dans la perspective de celui qui a raison ou qui est enragé parce qu’il est d’un camp donné. Je pense que le cas Sankara et ses compagnons d’infortune est un cas ordinaire. Il est exceptionnel par la qualité du personnage mais il est ordinaire dans le sens où toute personne vivante doit mourir de sa belle mort et non être poussée à la mort. Autant il est interdit de tuer autant dans nos valeurs culturelles et religieuses, il est interdit de se suicider. C’est dans ce cadre-là que j’apprécie ce qui vient de se passer. Il faut que nous nous accordions sur les valeurs communes à respecter quel qu’en soit le prix. Depuis le 15 octobre, notre société a été pervertie. Il y a eu des douleurs qui se sont ajoutées à des douleurs et notre société en est devenue malade. Pourquoi jusqu’à présent après ce qu’on a qualifié de réconciliation nationale au stade du 4 août, ça ne va toujours pas ? C’est peut-être parce que cette réconciliation nationale opérée sous Blaise Compaoré n’a pas été une vraie réconciliation. Elle n’a pas sublimé les ressorts de ce qui a conduit à l’empoisonnement de notre vivre-ensemble.  Pourquoi des reports sont toujours faits, c’est parce que les mécanismes d’assainissement n’ont pas été opérationnels. Nous pensons que dans une société où règnent le mensonge, l’injustice et la haine, il faut promouvoir la vérité, la justice et l’amour. Nul ne peut se prévaloir d’une supériorité quelconque pour se soustraire à l’épreuve de la vérité. Si nous convenons que nous sommes égaux, ce n’est pas parce que X a été président qu’au moment où on pourrait l’appeler pour venir témoigner de ce qu’il a fait ou vu qu’on puisse dire qu’il y a de l’humiliation dans cette démarche, dès lors que le citoyen le plus ordinaire est soumis à cet exercice. Nous croyons que ceux qui se sont battus sur ces trois fronts pour permettre la décision qui a été prise, doivent être félicités. Des anonymes ont dit non à la forfaiture, d’autres ont été torturés, tués parce qu’ils ont refusé qu’on piétine ces valeurs de la vie. C’est l’ensemble de ces résistants qui ont permis qu’on puisse dire aujourd’hui que quel que soit la personne, tôt ou tard, elle répondra de la justice des hommes. Quant à moi, je crois que la justice de Dieu a été déjà rendue. Sankara est aujourd’hui resplendissant comme un diamant qu’on sort de la boue des mensonges, et des méchancetés qu’on a déversées sur lui.  C’est encourageant et j’attends de ce procès à venir une forme de reconnaissance des exigences de vérité, de justice et d’amour pour un meilleur vivre-ensemble, loin de l’esprit revanchard.  J’attends de ce procès, simplement la vérité que l’on doit au peuple pour revaloriser ce que nous avons de commun et qui peut  nous amener à nous aimer, à nous pardonner et surtout à faire avancer notre pays sur la voie d’un bonheur digne, véritable. J’attends de ce procès qu’il révèle un caractère intègre de notre justice et que ceux qui ont permis ce jour soient récompensés.

Ousmane Ouédraogo, secrétaire général adjoint de l’Union pour la renaissance/Partis sankariste : «Nous pensons que Blaise Compaoré devrait être un homme jusqu’au bout»

C’est une décision que nous attendons depuis septembre 1997, date à laquelle notre président actuel n’était pas en politique et s’était constitué avocat de la famille donc c’est une victoire d’étape. Lorsque nous allons pouvoir faire le jugement de ceux qui ont été cités, que la vérité serait dite, c’est en ce moment que L’UNIR/PS en tant que parti sankariste pourrait donner une appréciation générale. Mais au niveau du parti, nous pensons que Blaise Compaoré devrait être un homme jusqu’au bout en répondant à la justice burkinabè, pour faire éclater la vérité. Peut-être qu’il n’est pas coupable mais s’il ne vient pas, il va faire croire effectivement qu’il l’est. Il peut venir démontrer qu’il n’est de près ni de loin lié à cela. Normalement, il devrait venir et s’il ne vient pas, il y a toujours le mandat d’arrêt lancé contre lui. Les diplomaties des deux pays pourront jouer pour que la vérité soit rendue. C’est parce que le parti soutient le collectif des avocats qui a travaillé depuis 24 ans, que la procédure suit son cours et en 24 années beaucoup de choses se sont passées. Nous souhaitons vivement que la date du procès puisse être fixée le plutôt possible et qu’on puisse situer les responsabilités des uns et des autres dans ces assassinats.

Smokey du Balai Citoyen : «Nous pensons que c’est une victoire d’étape qu’il faut applaudir»

Au sujet de l’affaire Thomas Sankara et de la récente sortie du tribunal militaire qui  a mis en accusation 14 inculpés, nous pensons que c’est déjà un bon pas qu’il faut applaudir et une première étape qui a été franchie parce que ça fait quand même 34 ans que ça dure et c’est un des dossiers les plus emblématiques de l’histoire du Burkina Faso. Rappelons qu’il y a de nombreux crimes économiques et de sang qui ont été commis dans ce pays et tous doivent être jugés, en commençant par ceux qui sont les plus apparents. Pour autant je crois qu’il faut rester prudent parce que nous attendons des actes forts suivis de décisions fermes pour restaurer d’une certaine façon l’autorité de l’Etat. Et l’exemple doit venir d’en haut. Les grands criminels doivent être jugés avant qu’on puisse accepter tout verdict aussi pour les petits criminels. Si on parle d’incivisme, c’est parce que quelque part il y a une forme d’impunité rampante qui bénéficie au sommet. C’est un beau signal si l’Etat burkinabè à travers sa justice montre la volonté d’aller jusqu’au bout et d’en finir avec tous ces dossiers de crimes et de sang d’autant que nous sommes aujourd’hui dans une sorte de promotion d’une certaine réconciliation nationale qui est quelque part une sorte de camouflet, qui pourrait cacher simplement la volonté de certains de pouvoir échapper à la justice. Donc, le signal doit être fort, basé sur une bonne gouvernance vertueuse, loyale ainsi qu’une justice de tous les citoyens burkinabè. Autre chose, c’est aussi la déclassification des archives françaises. Le président Macron qui avait fait son show en grande pompe ici à Ouagadougou il y a quelques années, avait promis de faire en sorte que la justice française puisse livrer tout le contenu de ces archives. Or, nous constatons que sur le terrain, il n’y a que quelques peccadilles qui ont été livrés à la justice burkinabè. Le cœur même de ces archives n’est toujours pas mis à la disposition de notre justice. Donc, nous exhortons les autorités françaises qui se glosent de vouloir rompre avec l’ancienne France-Afrique  de vouloir épurer le passif, de réellement mettre à notre disposition toutes les archives permettant de faire la lumière sur ce dossier et toutes les implications ou complicités à quelque niveau que ce soit. Nous attendons que cette étape soit suivie d’autres. Aussi, malgré les mandats d’arrêt qui ont été émis précédemment, malgré les mises en accusation actuelle, on sent qu’il y a une certaine frilosité à faire respecter les procédures qui permettraient l’extradition de ces incriminés sachant qu’ils se sont réfugiés dans des pays voisins du Burkina Faso bien connus et amis. Il n’y a pas de raison que la volonté politique ou la justice burkinabè n’aille pas jusqu’au bout pour réellement faire en sorte que ces personnes soient extradées et qu’on puisse assister à un procès historique pourquoi pas médiatisé, filmé ne serait-ce que pour l’aspect pédagogique sur la communauté, sur les Burkinabè. On doit donner un signal fort, que l’impunité c’est terminé dans un contexte pré-insurrection. Au moins que le peuple burkinabè ne dise pas qu’il s’est sacrifié pour rien. Si on s’est sacrifié, c’est parce qu’il y a des valeurs que ce pays doit défendre et en premier lieu celui de l’intégrité que nous portons comme un drapeau. Qui dit intégrité dit honnêteté et justice.

Propos recueillis par Edoé MENSAH-DOMKPIN et  Pélagie OUEDRAOGO

 

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