Qui aurait pu imaginer que parmi les trublions d’étudiants des années 80 que le président Seyni Kountché a fait exclure de l’université de Niamey, et dont la plupart s’est réinscrite dans les campus de Dakar et Ouagadougou, qui donc aurait pensé que parmi ces étudiants il y aurait un qui deviendrait 40 années plus tard président du Niger ?
Mohamed Bazoum président, c’est l’histoire d’un lutteur (syndicat national des enseignants du Niger) d’un résistant et le temple du savoir dakarois lui offrira un terreau idéal pour son combat avec d’autres camarades comme le «Groupe de Dakar», ses promotionnaires dont beaucoup ont fait le déplacement de Niamey pour l’investiture du 2 avril 2021.
L’élection de Bazoum est le couronnement de quelqu’un qui croit à des valeurs, à des principes et son discours d’investiture a donné un aperçu de sa personnalité : un homme de caractère qui plus est, va rencontrer un autre de la même fibre, Mahamadou Issoufou avec qui ils chemineront pendant plus de 30 années.
Politiquement son pedigree en impose : 5 fois député de Tesker (Zinder), plusieurs fois titulaire de portefeuille ministériel (Affaires étrangères, Intérieur). PNDS il l’a été et le reste et il l’a prouvé à maintes reprises en refusant de se compromettre sous la Transition sous Baré Mainassara et en faisant partie du groupe des 14 députés qui avaient posé la motion de censure qui fit tomber le gouvernement de Hama Amadou en 2007.
Mais au délà de toutes ces considérations, il est un fait que cette première alternance civile au Niger met en exergue : la fin de l’entre-soi Djermas /Haoussas. Au Niger depuis 1960 tous les présidents de la République qui se sont succédé sont issus de ces 2 ethnies majoritaires. Or Bazoum est de la tribu arabe, celle des Ouled Slimane, des Touaregs, une ethnie minoritaire originaire du Nord du Tchad, du Nord-Est du Niger et du Sud de la Libye. «L’élection du président Mohamed Bazoum constitue un pas important vers la modernisation de la politique. Désormais tout Nigérien, quelle que soit son origine ethnique, peut espérer être président de la République», a martelé le président Issoufou dans son adresse d’adieu du 1er avril à ses compatriotes.
Osons crever l’abcès : même si ça se murmure, c’est bien l’origine de Bazoum qui est contestée par certains Nigériens …sa peau pose problème … un Arabe ne doit pas diriger le Niger …bref Bazoum ne serait pas Nigérien ! Lui pourtant qui a été député, ministre pendant des décennies se retrouve subitement étranger parce qu’il est élu président de la République. Et malgré que la Cour constitutionnelle a débouté l’Opposition de ce recours, d’aucuns continuent à éructer contre le choix souverain du peuple nigérien avec des arguments qui volent en rase-motte au- dessus du fleuve Niger.
Au demeurant, l’historicité de l’élection de Bazoum réside dans cette question de «nigérité» et doit déteindre dans la sous-région. En Côte d’Ivoire ou le repli identitaire a meurtri le pays à l’occasion des élections de 2000 et 2010. Mais aussi dans les autres pays Burkina Faso, Togo, Bénin.
Si l’on veut construire des Nations africaines, il faut penser Nation, que tous les citoyens puissent être électeurs et surtout éligibles au mandat suprême car c’est bien de cela qu’il s’agit : vous pouvez être ministre, député, premier ministre mais dès lors qu’il s’agit de la présidence de la République, on remonte jusqu’à vos ancêtres pour dire que vous êtes un allogène, un étranger. Quittons dans ça !
Du reste, le président Bazoum ne peut que gouverner avec les autres en particulier les majorités, Djermas et Haoussas et les autres ; quand on est minoritaire on ne peut composer qu’avec les plus nombreux.
Le seul coin où les Nigériens devront attendre Bazoum au tournant, ce sont les résultats, les objectifs qu’il a promis d’atteindre. Et non ses origines et sa couleur de peau.
Sam Chris
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