Au terme du deuxième duel très relevé de la présidentielle ayant confronté Mohamed Bazoum du PNDS-Tarraya et Mahamane Ousmane du RDR-Tchanji, le premier l’a emporté avec 55,75% des suffrages contre 44,25% pour son adversaire et un taux de participation de 62,91% selon les résultats provisoires de la CENI retransmis en direct à la télévision nationale.
Une élection certes, tachée par la tragédie de Gargol, mais dont tous les observateurs s’accordent sur la même tonalité : elle a été transparente, équitable et le vainqueur l’a été à la régulière, malgré les menaces de son challenger, depuis Zinder, qui brandissant des cas de fraudes massives et semble avoir endossé lui aussi, le boubou de bien d’opposants d’élections récentes dont les voix deviennent de moins en moins audibles, car souvent confinant à de fuites en avant. Serait-ce le cas de cap 20-21 le conglomérat de l’opposition, nigérienne ? En tout cas Bravo à la CENI qui aura réalisé le travail à elle confié.
Trois raisons expliquent cette victoire éclatante de Bazoum :
1) Le parcours du vainqueur : Syndicaliste, philosophe politique, fort en thèmes, entre Bazoum et Mahamadou Issoufou, il n’y a pas de place pour du papier à cigarette. Les deux hommes se connaissent depuis plus de 3 décennies. Bazoum est cofondateur du PNDS-Tarraya. Il a toujours été aux côtés de Issoufou, surtout lors des 3 tentatives infructueuses à la présidentielle, au cours desquelles Issoufou a toujours été l’éternel Poulidor électoral. Durant ces temps d’échecs et de traversée du désert, Bazoum n’a jamais transigé sur sa fidélité envers le PNDS-Tarraya, ni envers Issoufou.
2) Le ralliement de Séini Oumarou, de Bouba Albadé et les résultats des municipales et législatives : Malgré la rengaine serinée par ceux qui se gaussaient que les consignes de vote des 3e et 4e arrivants (8,95% et 7,07%) au premier tour ne seraient pas suivies, les voix des militants n’étant pas la propriété des leaders, en dépit de ces mauvaises prédictions, les suffrages pro-Oumarou et pro-Albadé ont pesé dans la balance. Ensuite, il y a cette loi non-écrite, mais qui stipule tacitement qu’au Niger, et ce, depuis plusieurs élections, que la formation politique qui rafle la mise aux municipales et aux législatives est assurée d’étrenner l’impérium. Le PNDS-Tarraya a obtenu 1 799 sièges aux Locales sur 4 246 et 75 postes aux députations, contre 358 pour l’opposition aux mêmes municipales et 58 à l’Assemblée nationale.
3) Les grands chelems de Bazoum à Tahoua, Diffa et Agadez : si à Zinder qui est le bastion des 2 duellistes, la poire électorale a été partagée en deux à presque part égale (440 249 voix pour Bazoum et 440 397 pour Ousmane) et si à Niamey la frondeuse, généralement acquise à l’opposition, Bazoum a été battu (avec 80 000 voix de différence), le basculement s’est opéré à Tahoua, la chasse-gardée du président-sortant. Là, le poulain désigné de Issoufou a littéralement étrillé son adversaire avec 912 274 voix contre 128 153 selon la CENI. C’est la preuve que le choix de Isoufou a rencontré l’adhésion des ouailles de sa ville natale.
Cette victoire provisoire de Bazoum annoncée par la CENI, en attendant l’imprimatur des grands juges, est le point d’achèvement, le couronnement du double pari d’un homme, le président-sortant, Mahamadou Issoufou, le «lion» de Tahoua.
– Premièrement d’avoir annoncé le jour même de son accession au pouvoir en 2011, qu’il respectera à la lettre la destinée présidentielle prescrite par la Constitution nigérienne, à savoir 2 mandats au maximum, quel que soit le nombre de chantiers qui restent à terminer. Le vocable «Tatzarché» (bonus) est inconnu chez Issoufou. Quite à passer pour un «lâcheur» au sein du syndicat des chefs d’Etat, Issoufou a fait le choix de partir après ses deux baux. En opérant cette alternance de civil à civil, introuvable depuis 1960, Issoufou permet à la démocratie nigérienne de respirer, à ce mode de gouvernance de se perpétuer en mœurs politiques, et de gagner en crédibilité. Il bat ainsi en brèche les fallacieux arguments des adeptes de 3e mandat le mythe de l’indispensabilité, et prouve qu’il y a bien une vie après les lambris dorés du palais présidentiel. Issoufou, un potentiel candidat du Prix Mo Ibrahim, lequel est en quête désespérément de lauréat depuis quelques années ?
– Deuxièment, la désignation d’un dauphin plus d’un an avant le vote : en adoubant celui avec qui il est lié par un long compagnonnage, c’est-à-dire avec le cofondateur du PNDS en 1990, vice-président, puis président du même parti en 2011, Issoufou prouve bien que dans un parti, on peut
passer la main, pour peu qu’on ait travaillé à instaurer la confiance, permettre des courants centrifuges, mais non-nuisibles, et surtout en ayant l’adhésion des militants. Le choix de Bazoum au détriment de Hassoumi Massaoudou, qui avait fait des vagues, épisode révolu depuis, est également l’administration de la preuve de la solidité du PNDS-Tarraya, qui après 20 ans dans l’opposition et après avoir exercé le pouvoir pendant deux mandats, parvient à le garder, en faisant élire un de ses grands militants. C’est une prouesse dont le maître d’orfèvre reste Issoufou.
Quant aux tâches titanesques qui attendent Bazoum, elles vont du brûlot sécuritaire au Sahel qui est face aux hordes d’AQMI et de Boko Haram, lesquels font couler le sang et sèment la mort régulièrement, au renforcement des capacités des forces de défense, ce qui suppose éventuellement une augmentation d’un budget de la Défense, qui grignote déjà 15 à 20% des dépenses nationales, aux questions de santé, de l’éducation et de l’eau. C’est dire qu’en attendant la confirmation de cette élection par la Cour suprême, Bazoum, homme d’appareil, ayant le sens de l’Etat et l’expérience y afférente, devra retrousser ses boubous et ajuster son chéchia afin de confirmer que Issoufou, son mentor a fait le bon pari.
Zowenmanogo ZOUNGRANA
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