Moratoire de 20 milliards pour les 76 pays pauvres : Tout compte fait, ça incite l’Afrique à bosser dur

Moratoire de 20 milliards pour les 76 pays pauvres : Tout compte fait, ça incite l’Afrique à bosser dur

Dans son grand oral télévisuel du lundi 13 avril dernier, Emmanuel Macron a vivement prôné une annulation de la dette africaine. C’est en effet dans ces moments sombres que le continent a plus besoin d’un coup de pouce telle que la pandémie du coronavirus. Poétiquement enrobé et avec un réalisme imparable sur le caractère intangible de la mort due au coronavirus en Europe, aux USA comme en Afrique, Marcon s’est dit convaincu qu’une annulation de la dette était vitale pour les Africains.

Les PTF et les bailleurs de fond ont eu partiellement une oreille bienveillante à la supplique du n°1 français et ont déboité au quart de tour. Il est vrai qu’avant lui, des ONG et le pontife romain avaient émis cette même idée. De ce fait, le club de Paris (pays préteurs) a choisi 76 pays éligibles de l’Afrique subsaharienne qui bénéficieront d’un moratoire de 20 milliards de dollars, c’est-à-dire une suspension de paiement. Un club de Paris lié à l’Association pour le développement de la Banque mondiale qui a choisi le moratoire plutôt que l’annulation. A cela s’ajoutent des soutiens des institutions de Breton Wood notamment le FMI qui avait déjà décidé d’être un bon samaritain de 25 pays très pauvres dont 19 pays africains. Un FMI qui dispose de 1 000 milliards de dollars pour les 189 pays, dont 100 milliards immédiatement décaissables en urgence.

C’est de ce fait que le FMI a décidé de parer au plus pressé, en approuvant 442 millions de dollars pour le Sénégal, dont 294,7 millions dans sa lutte contre le covid-19 et 147 millions pour équilibrer sa balance de paiement. Idem pour laTunisie qui a obtenu 745 millions de dollars du FMI et le Ghana qui a engrangé 1 milliard de dollar.

20 milliards de dollars sur les 32 que devaient rembourser les 76 pays les plus pauvres en 2020. C’est en-déça des attentes de la France, l’un des premiers partenaires de certains pays africains, mais c’est surtout décevant pour les Africains qui s’attendaient à un effacement pur et simple de ce lourd boulet financier que trainent plusieurs générations.

Une dette qui ne fait qu’atteindre des sommets himalayennes avec l’arrivée de la Chine, qui prête sans regarder et qui est devenue le plus gros créancier de l’Afrique avec 145 milliards de dollars, un gouffre appelé à s’agrandir avec le retour en force de la Chinafrique.

20 milliards d’allègement concédé donc par le G7 qui a donné son feu vert pour ce moratoire, mais comme c’est «un premier pas» à en croire le grand argentier français Bruno Lemaire c’est bien engagé… 

Un geste salutaire quand on sait que l’économie africaine connaîtra une forte décélération, via la baisse de production des matières premières. Une récession qui fera reculer de 1,5 % la richesse globale de l’Afrique, avec une tête de gondole pour l’Afrique du Sud qui culminera autour de 6%.

A l’exception notable de la Côte d’Ivoire (qui gardera une croissance de 7%), du Sénégal et de l’Ethiopie, la plupart des pays africains connaîtra une croissance négative post-coronavirus.

En attendant ce que fera la Chine en tant qu’Etat et dans le cadre de ses coopérations bilatérales en Afrique, ce délestage temporaire est toujours bon à prendre, mais est lourd de leçon :

En effet si le G7 n’est pas allé jusqu’à une annulation, c’est qu’à son sein, il s’en trouve qui estime que de plus en plus, on a trop biberonné ce continent africain. Portée à bout de bras depuis des décennies, cette Afrique charrie encore des tares congénitales et rédhibitoires, telle que la mal gouvernance, un des fléaux, visibles comme un nez crasseux sur un visage propre. De plus en plus de donateurs ne sont plus prompts à délier le cordon de la bourse. Ce moratoire vient rappeler aussi aux Africains que ces immenses dettes qu’on utilise mal sont autant de tonneaux de Danaïdes que les générations futures auront à remplir. Une dette reste une dette qu’il faut rembourser ! Ce n’est pas une obligation pour les prêteurs d’annuler les dettes. Pourquoi ces lamentations de mauvais aloi ? Il n’y a jamais eu d’ailleurs d’esquive avec les bailleurs de fond, et on l’a vu avec les initiatives PPTE, où mêmes les potions amères du temps du PAS.

Mais ce moratoire est également une sorte d’injonction à travailler davantage en Afrique où la création de richesse semble être une arlésienne. Rarement pas de classes moyennes, pas d’industries, pas de plus-value, balance commerciale chroniquement déficitaire, importations tous azimuts, chômage endémique et faiblesse de pouvoir d’achat, toutes choses qui font qu’on consomme plus en Afrique qu’on produit, et tout compte fait ce moratoire est une piqûre de rappel aux Africains pour leur dire que rien ne vaut le travail, encore le travail et toujours le travail pour paraphraser Danton. Mécontents et frustrés sans doute, les 40 pays africains concernés seraient plutôt bien inspirés de prendre ce moratoire avec philosophie et retrousser leurs manches pour mieux bosser et produire de la richesse, marche-pied vers le développement. C’est la seule façon d’amoindrir l’endettement .

Zowenmanogo Zoungrana

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