L’un des avocats le plus percutant de Gilbert Diendéré, Me Jean Degli a fini sa plaidoirie. A lui seul, il a pris trois jours pour essayer de disculper son client.
Le dernier jour de sa plaidoirie, c’est-à-dire hier mercredi 7 août 2019, à la salle des banquets de Ouaga 2000, faisant office de tribunal militaire, il a puisé dans tous les recoins du monde, des exemples et des citations pour faire comprendre au président du tribunal que le général n’est pas un «diable». Même la Sainte bible n’est pas épargnée dans cette affaire, lorsqu’il cite Esaïe 11. A travers ces Saintes écritures, il a expliqué que Dieu lui-même aurait voulu que la justice des hommes soit proche de la sienne.
Avec le Dalloz d’un côté et la bible de l’autre, Me Jean Degli, avocat de Diendéré, a bouclé sa plaidoirie hier mercredi 7 août 2019. En tout cas, on ne peut pas reprocher à cet homme de droit d’être ennuyant. Des exemples similaires au cas Diendéré par-là, des versets tirés de la Sainte bible par-ci et même de l’humour quelquefois, ont assaisonné sa plaidoirie.
Mais ne vous méprenez pas, nous sommes bien dans la salle d’audience du tribunal militaire et ce monsieur a employé sa dernière énergie pour convaincre le tribunal. Dans ce qu’on peut qualifier de prêche, l’avocat de la défense s’est beaucoup attardé sur le fait que le président du tribunal ne doit pas tenir compte des pressions sociales, ni des politiques pour rendre sa décision.
Encore moins ceux qui portent la robe noire qu’il considère comme dangereux y compris lui-même. Il doit estime l’avocat, appliquer simplement la règle de droit. «Ce n’est pas pour rien que j’ai été long dans ma plaidoirie. C’est pour vous faire simplement comprendre que le parquet n’a pas de preuves suffisantes pour requérir la perpétuité contre mon client», a-t-il souligné.
En effet, il insiste à plusieurs reprises que le président doit faire fie de ce que les gens vont penser, mais de dire tout simplement le droit. Car pour lui, ceux qui opinent à tort ou à raison ne sont pas des professionnels du droit mais des personnes qui, pour des raisons de vengeance en veulent à son client. Et pour preuve, il cite Me Farama qui dit qu’il en veut à Gilbert Diendéré depuis 1996. Est-ce que Diendéré est le diable qu’on veut dépeindre ? «Posez-vous cette question avant de rendre votre décision», s’est-il adressé à Seidou Ouédraogo.
«En vérité en vérité, je vous le dis, le Burkina doit passer par une justice qui réconcilie»
Dans le même volet, et d’un cri strident qui fait sursauter la salle, Me Jean Degli soutient que le tribunal doit faire la différence entre la vraisemblance et la certitude. A l’en croire, la vraisemblance ne permet pas de dire le droit mais la certitude, fondée sur des éléments de preuves, constitue la clé d’une bonne justice et de la réconciliation nationale. «En vérité en vérité, je vous le dis, le Burkina doit passer par une justice qui réconcilie», a-t-il prêché.
Ainsi donc, «l’oiseau migrateur», (nom que l’avocat s’est attribué compte tenu de sa nationalité togolaise) va poser un certain nombre de questions au président du tribunal : voulez-vous une justice pour faire plaisir à quelques individus ? Voulez-vous une justice de vengeance ou une justice de réconciliation ?
Le verdict sera sans doute la réponse à ces questions. Mais en attendant ce verdict, il doit convaincre et encore convaincre Seidou Ouédraogo de prendre la bonne décision. Laquelle décision selon lui, ne doit pas être influencée par un élément extérieur.
«J’ai peur parce que je ne sais pas ce qui se cache derrière»
«Les touristes s’éloignent du Burkina Faso, les affaires quittent les frontières et les Burkinabè sont refugiés dans leur propre pays. N’ajoutez pas un autre chaos par la décision que vous allez rendre», plaide Me Jean Degli.
«L’oiseau migrateur» décide après plus de quatre heures de plaidoirie de conclure. Mais bien avant, il a souligné le calme et la sérénité dont le président du tribunal a fait montre durant tout le procès. Ce dernier dit être méfiant de cette attitude. «J’ai peur parce que je ne sais pas ce qui se cache derrière», s’inquiète-t-il. Mais l’homme de droit espère que ses trois jours de plaidoirie ne sont pas tombés dans l’oreille d’un sourd et que le président en tiendra compte dans la décision qu’il rendra.
Omar SALIA
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