Nasser Basma, DG de Mégamonde et survivant  de l’explosion de Beyrouth : «A 18h 07 ce fut un mini-Hiroshima»

Nasser Basma, DG de Mégamonde et survivant  de l’explosion de Beyrouth : «A 18h 07 ce fut un mini-Hiroshima»

En séjour dans son pays le Liban depuis 3 semaines, Nasser Basma, un des plus Burkinabè des Libanais, DG de Mégamonde a échappé de peu à l’explosion de Beyrouth survenue le 4 août 2020, explosion provoquée par du nitrate d’ammonium. Puisqu’il a quitté les lieux 1h plus tôt et l’enfer survenait. Par Watt Sap, il nous relate, ce qu’il qualifie de «mini-Hiroshima» de l’itinéraire de ce nitrate d’ammonium, parle de la situation du Liban, un pays quasi-failli, des perspectives qui ne sont pas réjouissantes avec une classe politique plus préoccupée par ses intérêts que par l’avenir du Liban, de la diaspora, de la visite du chef de l’Etat français Emmanuel Macron et de son initiative de conduire l’aide internationale. Entretien avec un Libanais amer des dirigeants de son pays.

 

Vous avez assisté, du moins échappé à l’explosion du 4 août dernier. Relatez-nous le film de l’horreur advenu à Beyrouth.

L’explosion a eu lieu à 18h 07mn exactement. C’était comme un mini-Hiroshima, un tremblement de terre. Ma famille et moi étions allés pour manger au quartier Down Town, quartier situé entre Beyrouth Est et Beyrouth Ouest, détruit pendant la guerre civile et reconstruit par le premier ministre Hariri. C’est là où il y avait des immeubles, les cafés, les centres d’affaire, les boutiques… Le port est directement en face. Donc nous avons fini de manger et avons décidé d’aller après faire du sport, dans un coin qui se situait au sous-sol. Il était environ 17 heures. Et c’est une heure après que l’explosion a eu lieu. Nous avons eu de la chance. Là où on était, on n’a pas été touché, car on avait quitté l’épicentre de l’explosion.

Comment le nitrate d’ammonium s’est-il retrouvé dans le port et y resté aussi longtemps ?

C’est un bateau en provenance du Mozambique qui l’a transporté, un bateau qui avait comme destination l’Ukraine. C’était en 2014, le bateau a eu une panne et a donc accosté au port de Beyrouth avec le nitrate d’ammonium. Puis après, il y eut des gens qui voulaient mettre la main sur ledit bateau. Après moult tracasseries, le bateau a finalement coulé, mais les 2 750 tonnes de nitrate d’ammonium ont été enlevées et entreposées au quartier Doze. Pendant 6 ans, le stock a fait l’objet de discussions, et personne n’a pu en prendre possession. Et c’est ainsi que le 4 août, il y a eu l’explosion.

Qui soupçonne-t-on, puisque le directeur de la douane a affirmé qu’il a saisi la justice, mais il n’y a pas eu de réaction ?

Effectivement, jusqu’à présent, on ne connaît pas les auteurs. Il y a des enquêtes en cours, mais toujours rien. Certains parlent de complot, mais pour le moment, on n’en sait rien. C’est vrai que le directeur de la douane a saisi la justice, mais il n’a pas saisi le bon juge, il a saisi un juge qui n’était pas compétent en la matière. Il a écrit à un juge, mais il aurait fallu qu’il s’adresse au ministère de la Défense.

En réalité, le directeur de la douane cherchait un acquéreur pour vendre le nitrate, il cherchait un client. Le directeur de la douane voulait faire du business. Il y a eu négligence pendant 6 ans, et maintenant chacun veut mettre la faute sur l’autre. Jusqu’à présent, on parle de 200 morts et 5 000 blessés, mais personne n’a été arrêtée à l’heure où je parle !

C’est une explosion qui est venue aggraver la situation au Liban confronté à divers problèmes.

Effectivement, le Liban n’avait pas besoin de cette explosion, personne n’est contente de la situation actuelle. Il y a des gens qui parlent qu’il faut une Révolution au Liban. Nous de la diaspora, ça va, on gagne notre vie en Côte d’ivoire, au Brésil, au Burkina, en Italie…, mais nos 2 ou 3 millions de frères libanais qui vivent ici au Liban, ça se corse pour eux. La révolte gronde.

L’économie libanaise était déjà sous perfusion. Comment le pays compte s’en sortir ?

Le problème, c’est que beaucoup compte sur la diaspora. Or, cette diaspora a mis beaucoup d’argent dans des banques au Liban lesquelles banques ont fait faillite. Il n’y a plus d’argent au Liban. Donc cette diaspora a perdu. L’argent n’est plus là, on a fait des prêts à l’Etat, et l’Etat a tout bouffé, il n’y a plus rien. Chacun envoie le strict minimum à ses parents pour vivre. La seule solution pour le Liban, c’est l’aide internationale, Banque mondiale, Fonds monétaire international, … Le Liban est mal gouverné. Il y a quelques années, c’était le monde arabe qui aidait le Liban, c’est-à-dire, l’Arabie Saoudite, le Qatar, … Mais la crise politique entre l’Iran et l’Arabie Saoudite a impacté sur le Liban, qui est divisé avec d’un côté, le Hezbollah et de l’autre tous ceux qui le combattent. Aujourd’hui, la Communauté internationale est réservée sur des investissements au Liban à cause du Hezbollah. Le Liban est pris en otage.

Le président français Emmanuel Macron a fait un bref séjour à Beyrouth, et a promis de conduire l’aide internationale et d’effectuer un autre séjour le 1er septembre. Est-ce une bonne initiative ?

L’aide internationale afflue. Le président Macron est venu, c’est une bonne chose. La France, l’Angleterre, les USA s’intéressent à la situation. Le président Macron est venu pour exprimer sa compassion et sa solidarité avec le Liban, il a promis. Mais il a eu raison de souligner aussi la crise politique qui existe au Liban, et les réformes qu’il faudra faire. La livre libanaise a perdu 70% de sa valeur, le taux de chômage est de 85%. Le pays est sur cale, avec le Covid-19, chaque jour il y a 250 à 300 cas détectés…

Le président Macron a rassuré au nom de la Communauté internationale, mais avec conditions car avec une classe politique corrompue, il faut effectivement des réformes. D’Algérie à l’Afrique du Sud, il y a des corrompus, mais au Liban, c’est grave. On a tout volé, tout détruit. Les destructions à Beyrouth sont déjà estimées par les politiciens entre 10 et 15 milliards de dollars…

Propos recueillis par Zowenmanogo  ZOUNGRANA

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