New York : ONU-CEDEAO : curée verbale et tension sous-régionale

New York : ONU-CEDEAO : curée verbale et tension sous-régionale

Jamais en  ce qui concerne le Sahel et la sous-région sommets de l’ONU et de la CEDEAO, dont on espérait qu’ils accoucheraient des solutions aux graves problèmes, n’ont produit au contraire que des discours martiaux musclés véhéments et souvent carrément incroyables tant la virulence de certains propos laisse pantois d’autant qu’ils émanaient de la bouche de premiers responsables de pays africains.

Ainsi en est-il de la salve du chef de l’Etat de RD Congo, Felix Tshisekedi qui n’est pas passé par quatre chemins pour désigner le responsable de la recrudescence des escarmouches mortelles dans l’Est du pays : le M23 soutenu à bout de bras par le Rwanda. Pour lui, malgré la rencontre de Luanda le 9 juillet dernier entre lui et Kagame, la problématique de ces rebelles demeure, et à New York, il l’a répété à son homologue qu’il a rencontré sous l’hégide du président Macron.

Cependant, la palme de la «malcause» revient incontestablement au Premier ministre par intérim du Mali, le colonel Abdoulaye Maïga, qui, du haut de cette tribune de l’ONU a déversé la bile des autorités de la Transition sur le secrétaire général de l’ONU, la France, Bazoum et Embalo Sissoco…

(A Antonio Guterres qui s’est piqué de dire la vérité sur les 46 militaires ivoiriens «qu’ils ne sont pas des mercenaires» Maïga réplique : «De quoi je me mêle» !). Affaire bilatérale et judiciaire ente la Côte d’ivoire et le Mali, et sur laquelle, l’ONU n’est pas habilitée à se prononcer. «Et même que le Mali en tirera les conséquences de cette sortie de Guterres». Et derechef, le président en exercice de la CEDEAO, Embalo Sissoco, qui a embouché la trompette de l’ONU pour dire de libérer ces 46 soldats, en a pris pour son grade de général, car le Premier ministre malien lui a rappelé une antienne que ne cesse de répéter Bamako et tous les supposés panafricanistes, que la CEDEAO des peuples est plus importante que la CEDEAO des chefs d’Etat, et l’Histoire jugera. Et Maïga de marteler, de rompre avec le «mimétisme» éculé.

Un énième procès instruit par le Mali contre la CEDEAO, laquelle a tenu un sommet dans la ville-pompe en marge de cette 77e Assemblée générale de l’ONU, au cours de laquelle les dossiers malien liés aux 46 militaires ivoiriens et la Guinée étaient au menu. En chorus, les chefs d’Etat ont prôné la libération sans condition de ces militaires ivoiriens, et sur la Guinée, ont brandi des sanctions graduelles, si le colonel Mamadi Doumbouya ne changeait pas son fusil d’épaule.

Est-ce en pare-feu à cette affaire des 46 soldats ivoiriens pour laquelle, le Mali a opté pour un marchandage, ou disons un pitoyable échange contre Karim Keïta et Cie, est-ce pour noyer le poisson dans le fleuve Djoliba, que le Premier ministre par intérim a fait cette embardée langagière ?

Et si certains ont déploré la sortie, il y a un an sur le même podium de l’ONU, du Premier ministre d’alors Choguel Maïga, ils sont restés bouche bée face aux propos du colonel Maïga, lequel a rué partout dans les brancards.

La France devenue le punching-ball du Mali n’a pas été épargnée par les philippiques du premier ministre malien, une France qui serait dirigée par une «junte», et en lieu et place de «l’abandon en plein vol» de Choguel, lui a préféré dire que le «Mali a été poignardé dans le dos par les autorités françaises».

Pour une sortie de piste, c’en est une, de la part du Premier ministre malien car, il aurait fallu trouver un autre vocable qui sied pour contrecarrer le mot «junte». On peut aimer ou non Emmanuel Macron, mais il n’est ni militaire, encore moins, il n’est pas à l’Elysée par un coup d’Etat et la France n’est pas dirigée par une junte. Principe de réciprocité pour principe de réciprocité, le Premier ministre malien, a raté le sens de la repartie ici !

Et comment ne pas mentionner le tir pernicieux sur le président nigérien, qui ne serait pas «Nigérien» mais «étranger» ? Là, c’est la totale, car non seulement, le Premier ministre malien est hors sujet, car il a voulu répliquer au chef de l’Etat nigérien qui n’a jamais fait mystère de son aversion pour les coups d’Etat et qui a déploré la dégradation continue de la solution sécuritaire au Mali, affirmant même que l’EIGS «risquait de s’emparer de Ménaka», mais surtout il n’a pas pensé aux responsabilités qu’ils porte. Car comme dirait l’écrivain franco-ivoirien Serge Bilé « Il ne suffit pas de parler haut et fort».

Et ce fut une mauvaise réponse, aussi car si Bazoum est bien issu d’une minorité ethnique arabe, les Silimane, il est bien Nigérien, et même que certains opposants qui ont esté en justice ont perdu sur ce sujet. Depuis plus de 30 ans, il est dans les arcanes politiques et a occupé de hautes fonctions au Niger en tant que ministre d’État, ministre de l’Intérieur, de la Sécurité publique, de la Décentralisation et des Affaires coutumières et religieuses du 12 avril 2016 au 29 juin 2020. Comment Bazoum peut-il devenir subitement non-Nigérien ? C’est du n’importe quoi.

Enfin, le président ivoirien, Alassane Ouattara, a eu aussi sa part de salve et d’humour salace accusé de «manœuvrer pour conserver le pouvoir» «L’art de se dribler soi-même en gardant le ballon».

C’est regrettable de dire, mais durant quasiment une semaine, à New York, les deux instances que sont l’ONU et la CEDEAO, furent des tribunes de règlement de comptes, et si d’aucuns font le parallèle entre les propos de Abdoulaye Maïga avec Sabador Allende en septembre 1971, ou de Thomas Sankara en 1984 ou plus loin avec Fidèle Castro, c’est une mauvaise comparaison et le contexte n’est pas le même.

Rien que cette «canonnade» du Premier ministre malien sur plusieurs pays et leurs dirigeants, exacerbe les tensions déjà vives dans la sous-région. Et nul doute ces tirs n’apportent rien comme solution.

En quoi ce discours «patriotique» et «souverainiste» de Maïga, règle-t-il le problème entre le Mali et la Côte d’Ivoire sur la question des 46 soldats ? Quelle solution apporte-t-il en fléchant Emballo et la CEDEAO ?

Si les thuriféraires du Mali estiment qu’au moins on sait avec Abdoulaye Maïga où va le Mali, sont-ils certains de cela ? Aujourd’hui, on a l’impression que tous les voisins pour ne pas dire que tout le monde est contre le Mali, n’est-il pas temps que le même Mali fasse une introspection ? Pourquoi avoir reporté l’arrivée des chefs d’Etat envoyés par la CEDEAO au 28 ou 30 septembre au lieu du 26 ? On a assisté en fait à New York qu’à une curée verbale qui rentrera peut-être dans les annales de l’ONU, mais règle-t-on pour autant les problèmes présents de la sous-région ? Heureusement, qu’il y a eu d’autres discours plus pondérés, axés sur le recherche de solution pour son pays à l’instar du Burkinabè Paul-Henri Sandaogo Damiba, lui aussi cornac d’une Transition.

La REDACTION

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