Le Saint-Esprit lui a-t-il à nouveau rendu visite ? S’est-il cogné la tête par inadvertance à un pilier du cossu palais présidentiel de Gitega ? Ou tout simplement, quelle mouche a bien piqué Pierre Nkurunziza, le bien nommé président du Burundi, qui a entamé un troisième mandat controversé depuis 2015 et qui vient, à la surprise générale (à bien voir, une partie de son subconscient a dû cligner des yeux d’incrédulité), qu’il quittera le pouvoir en 2020.
Des Burundais, et pas eux seulement, ont dû se pincer pour s’assurer qu’ils ne sont pas en train de vivre un rêve trop beau. Trop féérique pour être joué dans les dédales aux morsures acérées de la réalité burundaise et africaine. Mais il ne s’agit pas d’un rêve. Il l’a bien dit. «Au Burundi, un homme se retourne dans son lit, et pas dans sa parole», a-t-il même ajouté, pour parfaire son jeu de manches lors de son discours à la nation, après avoir promulgué une nouvelle Constitution qui lui permettrait en principe de rester au pouvoir jusqu’en 2034 (la nouvelle Loi fondamentale autorise désormais un chef d’Etat à faire deux mandats de sept ans chacun).
C’est ainsi donc qu’on se rappelle qu’en 2015, il avait annoncé que ce sera son dernier mandat. Le deuxième, dans son entendement, le troisième pour l’opposition et une bonne partie du commun des démocrates. Certes, mais les esprits à cette période-là n’étaient pas du tout enclins à écouter ce type de promesse, surtout venant d’un homme qui a fait de la Constitution une pâte à modeler pour rester accroché au pouvoir et déguster jusqu’à l’os ce troisième mandat problématique.
Mais alors, si tant est vrai qu’il est en train de lire les dernières syllabes de sa présence au pouvoir, on a bien envie de demander : tout ça pour ça ? Car, ce fichu troisième mandat n’est pas en train d’être consommé au prix du carburant extrait de la sève de canne à sucre. Pierre Nkurunziza s’est juché sur le parapet du pouvoir en voguant sur une vague de sang, soulevée par le vent concocté par le staccato des armes des militaires qui lui sont acquis. Est-il possible d’oublier la répression sans pitié qui s’est abattue à ceux qui ont osé contester ce troisième mandat et surtout sur les militaires et leurs présumés complices civils pour le coup d’Etat avorté qui a failli emporter Nkrurunziza ? Comment comprendre qu’il a pu mettre l’économie de son pays à genoux, bravant ses principaux bailleurs de fonds et sevrant les Burundais pour finalement affirmer qu’il a fait tout ceci juste pour assurer quelques malheureuses années du pouvoir ? Non. Il est difficile de croire, il est d’une pénibilité atroce de pouvoir avaler cette affirmation de bonne foi de Nkurunziza.
Au cas où il accepterait en effet ne pas briguer un quatrième mandat à la tête du Burundi, que croit-il pouvoir dire aux proches de ceux qui sont morts et enterrés pour qu’il ne puisse que mener à bien son fameux «dernier mandat» ? Cinq malheureuses années de pouvoir d’ailleurs marquées par la répression, un recul net des libertés et un néant dans l’avancée du bien-être social, peuvent-elles justifier et soutenir les dires du président burundais ? Cette parole d’Evangile risque de passer avec peine.
En attendant, on espère que Pierre Nkurunziza a pensé aussi aux conséquences de ce «renoncement» au pouvoir. A-t-il cogité sur les comptes que les Burundais seraient en droit de lui demander à partir du moment où il ne deviendra qu’un simple citoyen ? Assumera-t-il les actes qu’il a posés ? Fera-t-il face en homme et surprendra-t-il agréablement à nouveau ?
Ce sont de nombreuses questions à laquelle vient s’ajouter celle-ci : Nkurunziza quittera-t-il vraiment le pouvoir en 2020 ? Les allées et les couloirs des annales et des archives de l’Histoire politique de l’Afrique sont tellement pavés des reniements de parole présidentielle de parjures, et de serments trahis que le continent africain est désormais peuplé à majorité de disciple de Saint Thomas . UNe
Ahmed BAMBARA
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