Norbert Zongo, 20 ans après : Fragile Justice, mais «tôt ou tard»…

Norbert Zongo, 20 ans après : Fragile Justice, mais «tôt ou tard»…

° 13 décembre 1998, aéroport international de Ouagadougou-Tamsé, 15 h le Pic du Nahouri, l’avion présidentiel burkinabè vient d’atterrir avec à son bord Blaise Compaoré qui revenait de Khartoum au Soudan. Des dires de ses proches, mis au courant de l’assassinat du journaliste d’investigation, Norbert Zongo et 3 de ses compagnons survenu dans la matinée, l’alors chef de l’Etat, plongea dans un silence sépulcral, puis s’isola seul quelques instants. Ensuite, il se fait conduire à Ziniaré, alors que l’avion repartait à Paris avec le premier ministre de l’époque, Kadré Désiré Ouédraogo pour les journées économiques du Burkina en France.

° 16 décembre 1998 : obsèques du célèbre supplicié de Sapouy. Phénoménal ! Alors que le cercueil du disparu était toujours à la morgue de l’hôpital Yalgado, la foule qui serpentait jusqu’au cimetière de Gounghin y était déjà. Or entre les deux lieux cela fait 9 à 10 km. Du jamais vu. Il se susurre que Blaise aurait survolé Ouagadougou pour voir la masse qui accompagnait ce «journaliste-kamikaze» à sa dernière demeure.

Ce jour-là d’ailleurs, alors que certains voulaient qu’on passe avec le cercueil à la présidence pour l’y déposer, et demander le départ de Blaise, d’autres y étaient opposés. Initiative abandonné in fine.

°21 décembre 1998 : prestation de serment de Blaise qui venait d’être réélu. Dans sa mercuriale juridique, le président de la Cour constitutionnelle, Moussa Sanogho, fera allusion à cet assassinat et surtout à son élucidation et à la justice.

Tous ces évènements, c’était comme si c’était hier, ou

avant-hier, alors qu’ils datent de 20 ans. Deux décennies, que Norbert a été «boucané» au Sud-Ouest de Ouaga, deux décennies qu’une commission d’enquête indépendante (CEI), a déposé un rapport circonstancié épinglant «6 suspects sérieux» aujourd’hui quasiment tous morts, 20 ans que le collectif d’organisation de masse et de partis politiques, conduit par l’intrépide magistrat Halidou Ouédraogo, le Rudy-le-rouge, ou le Cohen-Bendit du Burkina ou encore le «président du pays réel» a marché, manifesté, pour exiger la vérité et la justice sur ce crime d’Etat. En vain !

Entre 1998 et 2000, le pouvoir de Blaise Compaoré a vacillé sous l’affaire Norbert, mais ne s’est pas écroulé, même si un gros ressort s’est cassé, car depuis cet assassinat peu ou prou, le régime ne s’est jamais bien porté jusqu’à sa chute en fin octobre 2014.

La justice a bien instruit un dossier Norbert Zongo, a investigué, et même inculpé un des «suspects sérieux» l’adjudant Marcel Kafando, qui bénéficiera d’un non-lieu en juillet 2006, pour mourir 3 ans plus tard le 23 décembre 2009.

20 ans après la question : qui a tué Norbert Zongo, reste désespérément sans réponse. Quels sont les commanditaires ? A qui a profité cet odieux assassinat ?

Chapeau bas à la transition qui a exhumé ce dossier de la République, et l’a remis dans les arcanes judiciaires. Au jour d’aujourd’hui, tous les regards sont tournés vers Paris, ou plus précisément vers François Compaoré, un François qui fait l’objet d’un mandat d’arrêt lancé par le Burkina Faso et qui est sous contrôle judiciaire depuis le 29 octobre 2017, dans la capitale française, et est extradable selon la décision de la Chambre d’appel de Paris dans un délibéré du 5 décembre dernier, sous réserve de la levée d’hypothèses juridiques.

Et si les regards sont braqués sur le frère cadet de Blaise Compaoré, ce n’est pas tant qu’il soit coupable, mais pour 2 raisons principales:

1) le directeur de L’Indépendant a passé quasiment 6 mois à écrire hebdomadairement sur l’affaire David Ouédraogo, chauffeur de François, torturé à mort pour une ténébreuse histoire de vol d’argent ou de vrai-faux coup d’Etat.

2) 20 ans après, malgré le fait que son nom est toujours cité dans cette affaire, François Compaoré sera toujours parvenu à se soustraire à la justice, certes, il a été auditionné dans les années 2000, par le juge d’instruction, mais sans plus.

Le fait de ne jamais avoir été dans le box des accusés passe mal chez les Burkinabè, qui aimeraient savoir la version de François sur ces tristes évènements, devant un juge.

Des Burkinabè qui sont persuadés que tôt ou tard, la vérité et la justice triompheront. «Tôt ou tard», c’est l’expression inscrit sur le fronton du journal de Norbert «L’Indépendant»,  sûr à l’époque, que concernant l’affaire David Ouédraogo, tout finira par se savoir, et réparation sera faite.

20 ans plus tard, c’est une vérité outre-tombe qui s’applique à lui, car tôt ou tard, justice sera rendu à ‘’H. S’’, le nom de plume de Norbert.

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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