Deux nouvelles ont zébré le ciel malien, ce 5 octobre 2020. Peut-être que c’est chose faite au moment où ces lignes sont lues. Soumaïla Cissé, après six mois de captivité, a pris la route de la liberté. Et au palais de Koulouba, la fumée blanche est sortie : le Mali a un nouveau gouvernement. L’équipe gouvernementale de la transition est enfin connue ! Elle compte 25 membres et, sans trop grande surprise, la trame de l’équipe reste en treillis :
La défense et les anciens combattants, la sécurité, l’administration territoriale, et la réconciliation nationale sont dans le giron du quarteron de colonels de Kati qui ont évincé IBK ou de leurs frères d’armes.
La Transition post-IBK reste militaire malgré le recadrage de la charte expurgée de quelques clauses, la dissolution promise du CNSP, la nomination d’un premier ministre civil, avec 25 ministres comme promis. Tout y est, mais les hommes en armes restent à la baguette.
C’est le contraire qui allait donc étonner. Les militaires maliens sont bien décidés à avoir un œil sur la conduite de la transition. On peut difficilement leur en vouloir. La première raison est que ce sont bien les «civils» qui ont conduit le carrosse estampillé dans cette gadoue inextricable où est plongé le pays. La deuxième raison est que, bien que ce soit les «civils» qui ont été les premiers à demander le départ du président Ibrahim Boubacar Kéïta, c’est bien grâce aux militaires qu’il a «accepté» partir. Et troisième raison, vu la façon dont les civils ont généralement des difficultés à s’accorder sur l’essentiel, un œil grondeur ne serait pas de trop dans cette embarcation qui devrait emmener le Mali vers sa résurrection. Du moins, on peut l’espérer.
Mais il ne faut pas se leurrer. Ce gouvernement mi-figue mi-raisin fera grincer des dents du côté de la CEDEAO et dont les chefs d’Etat devront bien finir par accepter de boire cette coupe dont le contenu a été concocté par le «régime des colonels».
Lequel régime annonce les couleurs en posant un acte que le régime d’IBK n’a pu faire en 7 mois : faire libérer le chef de file de l’opposition politique, figure importante de la république, Soumaïla Cissé. Car, à moins d’un revirement de dernière minute ou d’un Fake news savamment ficelé, l’opposant malien devrait être assis dans le hamac de la liberté d’ici là, si ce n’est déjà chose réalisée. Ceci est une prouesse qui plaide incontestablement en faveur du pouvoir des colonels.
Hasard ou provoqué, la libération du chef de file de l’opposition malienne Soumaïla Cissé président de l’URD enlevé le 25 mars dernier et probablement de l’otage française Sophie Pétronin survenue le jour du quasi-achèvement de l’architecture institutionnelle de la Transition avec la formation de l’équipe gouvernementale, est l’avènement du 2e évènement en une journée.
La Transition semble avoir obéit aux désidératas des ravisseurs de Soumaïla Cissé, puisqu’une centaine de terroristes seront élargis comme monnaie d’échange.
Hasard d’abord : peut-être que cette libération de celui que ses proches appellent «Soumi», était mâchée, et la Transition est venue, la concrétiser hier le jour «J» qui a coïncidé avec la formation du gouvernement de Moctar Ouane 1. Mais le hasard existe-t-il en ces circonstances maliennes, ou terrorisme, rapts, et politique sont imbriqués ?
Une libération bien préparée : Dieu ne joue pas aux dés en politique, et ceux qui ont enlevé Soumaïla Cissé, savaient ce qu’ils faisaient. Dès avril 2020, l’alors ministres des Affaires étrangères de l’époque Tiébélé Dramé affirmait que tout était mis en œuvre, comprendre, on était en négociation pour les ravisseurs de Cissé pour le libérer. Est-ce en son temps, IBK avait refusé de céder au chantage des ravisseurs ? La transition a-t-elle accepté ce deal, pour dérider un Mali constipé par moult problèmes ?
La présence de Mossa Ag Attaiher porte-parole de la CMA et de Alhamadou Ag Ilyène membre de la CMA ne sont pas anodines dans ce gouvernement, des irrédentistes qui ont bataillé dur pour être dans le second round des discussions, qui ont œuvré pour qu’on n’élude pas les Accords d’Alger. Et encore, Me Arouna Mamadou Toureh du GATIA au porte-parolat tout ce monde aura son rôle. Sans doute ceci explique-t-il cela.
Transition militaire donc avec une dose religieuse, ethnico-politique et un zeste de cohésion sociale qui démarre sur des chapeaux de roue, et si Soumaïla Cissé recouvre la liberté, il prend le train en marche. Il n’aura pas vu tomber son adversaire politique IBK, il n’aura pas eu le loisir d’accepter ou non le poste de président intérimaire quand on cherchait cet homme consensuel, lui qui avait la côte auprès du M5-RFP, surtout de son leader Mahmoud Dicko. C’est pas mal joué pour cette Transition avec cet «échange-marchandise». Reste que ces militaires qui sont à la manœuvre, doivent savoir, qu’une hirondelle ne fait pas le printemps, et le Mali englué dans cette guerre asymétrique, dans des problèmes sociaux à n’en pas finir ne saura se contenter de cette libération-spectacle. Les 18 mois, c’est pour redresser le pays à genoux, pas pour gérer le quotidien avec des mesurettes, et des rectifications d’actes posés par IBK. La Transition n’est pas soluble dans une quelconque «dékéitasisation».
Ahmed BAMBARA
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