Pour un Burkinabè qui a vécu l’année passée une pluviométrie catastrophique et s’apprête à affronter une famine sans être certain d’avoir les moyens et les armes de la combattre, la bagarre entre Donald Trump et Kim Jong-un est certainement le cadet de ses soucis. Tout comme cette femme qui pousse chaque jour sur des kilomètres un vélo de fortune chargé d’un lourd fagot de bois à la recherche de sa pitance quotidienne. Effectivement qu’est ce qu’un Africain au Sud du Sahara, qui trime pour s’offrir sa pitance, pour se soigner ou envoyer ses enfants à l’école a à voir avec des histoires de plutonium ou d’uranium ? A première vue absolument rien, car comme on le dit, on ne fait pas le même rêve selon qu’on dort sur une natte ou à même le sol et sur un moelleux lit.
Les présidents américain et nord-coréen apparaissent alors comme des figurines emprisonnées dans un bocal de neige se livrant à un jeu à mille lieux des problèmes rencontrés par les Africains sur leur continent. Dénucléarisation ? Bombe nucléaire ? Ce sont des mots et des préoccupations qui ne sont pas à côté des propos urgents des sous les Tropiques.
C’est à la limite si les joutes auxquelles les deux hommes se sont livrés ces derniers ne ressemblent pas à des jeux classés dans la catégorie de ceux réservés aux enfants, puérils. On se rappelle à titre d’exemple qu’en remontant quelques dates du calendrier, Donald Trump qualifiait Kim Jong-un de «petit homme-fusée», de «chiot malade» et de «petit gros», tandis qu’en retour celui-ci le décrivait comme «lunatique» et… «sénile». Ces comportements concernent bien cette catégorie d’enfants qui se tapent dessus, s’invectivent pour l’instant d’après se réunir pour partager une glace. Vus depuis les cimes des cocotiers, il ne serait pas trop osé de dire que Trump et son alter ego coréen sont comme des enfants gâtés par la nature, l’industrie et l’héritage qui ont comme jouets, le destin de l’humanité et la vie de 7 milliards d’hommes et de femmes. En se parlant les yeux dans les yeux, ce mardi 12 juin à 1h du matin (GMT) à l’hôtel Cappella aseptisé sécuritairement, les deux hommes entrent dans l’histoire quelle que soit l’issue de ce tête-à-tête, puisque le fait que ces deux dirigeants se voient en chair et on os est en soi d’une historicité contemporaine à nulle part égale. C’est la rencontre de deux hommes dont les peuples sont repus, même si ce n’est pas le cas pour la Corée du Nord, pays fermé, dont la propagande éclipse des réalités moins reluisantes. Et les Africains dans toute cette effervescence dans la cité-Etat de Singapour ? Eu égard à leurs quotidiens, ce ne pas leurs calebasse de dolo !
Et pourtant peut-être qu’il ne faut pas hausser les épaules et se détourner des agissements de ces deux hommes «sanguins». D’abord, ils peuvent d’un claquement de doigts, guidé certainement par une bonne dose de folie déclencher l’extinction de la race humaine par la bombe en déclenchant une troisième guerre mondiale à l’arôme nucléaire. Les effets d’une telle déflagration ne resteront certainement pas cantonnés loin du continent africain.
Ensuite, si ces deux nations s’empoignent autrement que par des échanges verbaux à forte dose puérile, leurs alliés ne resteront pas de marbre. La Chine, alliée la Corée du Nord et puissance tutélaire de la sous-région ne restera pas bras ballants et pourrait vouloir avoir son mot à dire. Et peut-elle parler sans que ses alliés, ne serait-ce que commerciaux sur le continent, ne s’en retrouvent enrhumés ? Le Burkina, qui vient de casser la bague d’alliance avec Taïwan pour se mettre la corde de la Chine populaire au cou ne pourrait pas dire le contraire. De ce fait, un Burkina Faso, devrait suivre avec attention ce tango risqué entre ces deux hommes qui se détestent, mais au fond se respectent. S’il y a une tambouille dans la péninsule coréenne, Pékin jouera les arbitres pour ne pas dire plus, et par ricochet ses relations commerciales avec l’Afrique en pâtiront. Même avec les Etats-Unis, une guerre avec la Corée du Nord impactera sur le continent. Stratégiquement, le face-à-face Trump-Kim, à la Palace Sentosa de l’hôtel Cappella intéresse l’Afrique, car si les deux présidents, qui ont une certaine propension à la bagarre (même verbal) franchissent le rubicond, l’Afrique trinquera, étant toujours le maillon faible dans cette planète, devenue un gros village.
Il est donc possible de ne pas avoir toute l’attention dirigée vers le sommet de Singapour. Normal pour un continent qui a d’autres chats à fouetter. Mais l’Afrique devrait garder ne serait-ce qu’un œil ouvert sur la rencontre de ces deux hommes différents par la taille, l’embonpoint et l’âge, mais restent des sanguins desquels il faut tout redouter pour l’équilibre de la planète entière .
Ahmed BAMBARA
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