Opération «Togo mort» : Efficace, mais attention au syndrome de 93

Opération «Togo mort» : Efficace, mais attention au syndrome de 93

C’est connu. Les forces de défense et de sécurité togolaises ne font pas dans la dentelle. La répression n’a plus de secret pour elles. Et frapper pour casser du manifestant n’est pas une opération embarrassante pour les securocrates togolais. Ils ont par le passé démontré de quoi ils étaient capables et leurs compatriotes s’en souviennent. Et pas si longtemps que cela. Depuis que les opposants ont lancé leur fronde pour le départ de Faure Gnassingbé, les fouets des hommes en uniforme ont plu dru, sans pitié aucune et avec une rigueur et une vigueur dictées sans doute par la volonté d’un homme qui ne veut en aucun cas qu’on touche à ses parcelles de pouvoir, si ce  n’est un groupe d’hommes et de femmes. Depuis un certain 19 août 2017, ou de Sokodé, un Tikpi Atchadam a réveillé l’opposition d’un sommeil stratégique ou de lassitude, depuis cette date, les manifestants ont vu des verts et pas des murs.

La forte armada déployée, la durée qu’a prise la lutte, la régularité et le férocité des coups de matraque et de fusils ont fini par avoir raison de la témérité et de la détermination des Togolais qui militent pour l’alternance. C’est la raison pour laquelle, et les opposants eux-mêmes l’ont admis, les appels à la mobilisation et à manifestations sont ces derniers tombés comme dans des oreilles de sourds. Il n’y a pas beaucoup de monde dans les lieux de manifestations et les Togolais préfèrent rester chez eux.

Voilà pourquoi la Coalition des opposants a aussi décidé de changer de fusil d’épaule et de trouver une méthode de lutte qui épargnerait le dos de leurs compatriotes des coups et autres blessures, sans compter les possibles morts. Elle a en effet appelé à un « Togo mort ». Les Togolais n’ont plus besoin de sortir pour manifester leur désaccord. Ils peuvent simplement rester chez eux, en sécurité, pour exprimer leur envie de voir un nouveau président succéder à la «dynastie gnassingbiste», qui «règne» en ce moment sur le pays, et ce, depuis 1967 !

Sur ce plan, c’est une trouvaille qui a son intérêt même si elle n’est pas nouvelle. Elle pourrait mettre une pression sur le pouvoir qui n’a pas une grande marge de manœuvre pour réprimer les Togolais ou les contraindre à mettre fin à ce type de manifestation. Rester chez soi, paralyser l’administration et mettre le Togo sur répondeur, voilà ce à quoi conduit, l’opération «Togo mort !». Cependant, il reviendra dans les mémoires qu’une «cousine» de cette «opération Togo mort» a été lancée en 1993 contre la gouvernance de Eyadema père. Le mouvement avait réussi. Mais le père de Faure Gnassingbé  a résisté. Finalement, ce sont les populations qui ont subi le revers d’une manifestation qui a trop duré dans le temps. A l’époque, non seulement pour «déficit démocratique», le Togo avait été sevré par l’Union européenne d’aides diverses, une rétorsion à laquelle sont venus s’ajouter les conséquences désastreuses des opérations «villes mortes» au Togo : port fermé, trafic divers en veilleuse, fonction publique en panne… In fine, même les meneurs de ces opérations des années 90, les Yawo Agboyibo, Léopold Gnininvi, Gilechrist Olympio, Brigitte Kafui Adjamagbe avaient reconnu, que ce sont les Togolais qui souffraient plus que les dirigeants. Les opposants togolais devraient donc être avisés de ne pas étirer les extrémités de cette opération pour éviter que ce qu’ils voulaient éviter ne s’abatte finalement sur la tête des Togolais même étant retranchés dans le cocon de leur domicile. Une telle opération est pertinente, mais sur une relative courte durée, pas au long cours.

Du reste, il faudra aussi s’interroger sur l’impact de «la mort» du Togo sur l’évolution de la crise. D’ailleurs, on se demande à qui elle est adressée. Aux médiateurs Nana Akufo-Addo du Ghana et Alpha Condé de la Guinée-Conakry lesquelles sont en train de se triturer les méninges pour trouver la boussole afin que les frères togolais puissent fumer le calumet de la paix ? Sur la délégation conduite par le président de la commission, Kassi Jean-Claude Brou, qui ont transmis les propositions et exigences des uns et des autres à leurs mandants ? Ou sur leur principal vis-à-vis, Faure Gnassinbé Eyadama, histoire de maintenir vivace la pression morale ? En tous les cas, dans des proportions supportables par les populations, elle pourrait peser sur le président togolais, qui, jusque-là, ne s’est pas gêné d’inaugurer la semaine dernière, le nouvel et somptueux habitacle de l’Assemblée nationale togolaise, estimée à plusieurs milliards de F CFA. En plus, le timing électoral est maintenu comme les législatives prévues en août prochain et même la présidentielle en avril 2020. Avec Faure ?

Ahmed BAMBARA

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