Avant que Serval la mère de Barkhane n’arrête net les croquants djihadistes à Sevaré en janvier 2013, le téléphone a pleuré entre l’Hôtel de Brienne , le Quai d’Orsay et l’Elysée. Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense de l’époque «ami de 30 ans» de François Hollande a pesé de tout son poids avec l’aval de son patron pour que les soldats français prennent pied au Sahel.
Deux ans après Serval se métamorphosait en Barkhane le 1er août 2014. Et 9 ans après, le même Le Drian, patron du Quai d’Orsay est en Afrique, à Abidjan, pour inaugurer l’Académie internationale de lutte contre le terrorisme, et assister aussi au requiem de Barkhane au Sahel.
Au moment où il coupait le ruban pour officialiser l’ouverture de cette école militaire d’élite, à l’Elysée Emmanuel Macron qui s’apprêtait à s’envoler pour le sommet du G7, annonçait le «redimensionnement de l’opération Barkhane», autrement dit le format de cette présence française change radicalement, pour ne pas dire que leurs militaires font leur paquetage.
Ce départ, on le sentait venir depuis le sommet de Pau, qui a accouché de Takuba le 13 janvier 2020, puis celui de N’Djamena les 15 et 16 février 2021 au cours duquel d’autres pays ont été invités à venir épauler Barkhane, appel resté sans trop de suite, puisque seuls quelques conseillers estoniens et tchèques sont venus.
3 raisons principales ont contraint Jupiter à quitter le Sahel :
1) Le décès du parrain prodigue de la lutte anti-terroriste, le Tchadien Idriss Deby Itno. Mort, le maréchal-président n’a plus son égal au Sahel pour casser du terroriste, et c’est peu dire que si nul n’est indispensable, le Sahel est orphelin de Deby et Barkhane ressent ce vide.
2) Evidemment avec les 2 putschs du colonel Goïta au Mali, Jupiter a menacé et puis finalement a mis sa menace à exécution. Takuba et Barkhane quittent le mali, car les exigences de la France n’ont pas été respectées. Le chef de l’Etat malien, s’il a véritablement un tropisme russe, aura donc joué sa carte jusqu’au bout, et si soft power russe, il y a au Mali, ce sera après la Centrafrique, le deuxième pays que Poutine alpague dans son giron. Maintenant que vaut la Russafrique face à la Françafrique ?
3) Ce retrait de cette opération extérieure OPEX au Sahel a également un parfum électoraliste. Candidat sans doute à sa propre succession à l’Elysée en 2022, Emmanuel Macron ne peut pas se permettre de s’aliéner son électorat, ni les autres coteries politiques, bref, il ne veut pas en rajouter à cette sinistrose engendrée par la Covid-19. Car Barkhane, ce sont des millions d’Euros engloutis au Sahel, venant du contribuable français, c’est également 50 cercueils qui sont revenus dans l’Hexagone, et c’est un sentiment anti-français qui s’exprime épisodiquement au Mali.
En se retirant du Mali, la France évite de justesse le bourbier et le piège sahélien. Barkhane esquive une sorte de Dien-Bien sahel, car si en 1953 dans la cuvette «Isabelle» de Dien-Bien-Phu, le corps expéditionnaire français en Extrême Orient (CEFEO) a guerroyé pendant 57 jours, Barkhane aura fait œuvre de salubrité sécuritaire pendant 9 années, et sans Barkhane, le Mali et le Burkina seraient des sanctuaires djihadistes. Barkhane a contribué grandement à sécuriser comme elle peut le Sahel, même si au final, sa stratégie a été inopérante dans l’ensemble.
Mais si la France préfère en ce jour 10 juin refiler la patate chaude aux pays du Sahel, en invoquant la fuite de responsabilité des dirigeants et la mal-gouvernance, elle a tapé dans le mille ! A quoi bon rester aux côtés d’Etats qui s’attendent toujours à ce que les soldats français soient au-devant pour défendre l’intégrité de territoires ?
Le repli de Barkhane est une injonction aux Sahéliens de prendre leur sécurité en charge. Le 9 juin dernier, le président Roch Kaboré ne croyait pas si bien dire, lorsqu’il affirmait aux côtés de son homologue ghanéen, et président en exercice de la CEDEAO Nana-Akufo, qu’il est temps que les Sahéliens se défendent eux-mêmes.
Les Français en ont marre, que des dirigeants quémandent des sous pour la sécurité, alors qu’ils paient de luxueux appartements en Europe, à Dubaï, à Dakar, Abidjan, ont des comptes à 9 zéros, … ils sont horrifiés par la perte de leurs soldats.
Les Africains en ont assez aussi d’une présence tapageuse française, dont les résultats selon eux restent très en-deçà des attentes. Moralité : Barkhane s’en va, inutile de pleurnicher ou de distiller des diatribes sur la France, Sahéliens, préparez-vous, échafaudez des stratégies, de défense et d’offensive aguerrissez vos Forces de sécurité pour vous défendre vous-mêmes !
Sam Chris
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