Organisation de la CAN 2019 : Biya et le Cameroun piégés dans un hors-jeu !

Organisation de la CAN 2019 : Biya et le Cameroun piégés dans un hors-jeu !

L’oukase d’un retrait de l’organisation de la CAN au Cameroun planait déjà le 5 août 2017, lorsqu’à Ouagadougou, le nouveau patron de la CAF, élu le 16 mars avait déclaré en substance, qu’en l’état actuel, le pays même divisé en 4 équipes n’était pas en mesure d’organiser la CAN 2019. On était à 2 semaines de la 1ère mission d’inspection. Cette déclaration avait valu à Ahmad Ahmad, un volet de bois vert, or plus d’un an après, il a eu tort d’avoir raison trop tôt.

En 18 mois, c’est du surplace ! Ainsi donc face aux nombreuses incertitudes en matière d’infrastructures (stades, hébergement) et organisationnelles que renvoi le Cameroun, le comité exécutif de la Confédération africaine de football (CAF), réuni lors d’un huis clos qui aura duré 10 heures d’horloge, le vendredi dernier à Accra, au Ghana, a finalement opté pour le retrait de l’organisation de la prochaine Coupe d’Afrique des nations. Dans un communiqué qui se veut être un réquisitoire sans complaisance, elle justifie sa décision par le fait qu’après «avoir longuement débattu, passé en revue les synthèses des rapports de mission effectuées depuis près de 18 mois au Cameroun, constaté que toutes les conditions de conformité n’ont pas été respectées, entendu les représentants des autorités gouvernementales et sportives du Cameroun, visionné les dernières images de l’avancée des travaux et préparatifs, analysé et évalué l’écart existant entre les exigences et obligations du cahier des charges de la CAN et la réalité du terrain, constaté de visu l’état des différents chantiers ouverts, entendu les conclusions des membres de la mission sécurité lors de sa toute dernière visite», elle estime qu’un «événement de la dimension d’une Coupe d’Afrique des nations exige une organisation irréprochable. Pour toutes ces raisons, conclura la Confédération africaine de football, la prochaine édition de la Coupe d’Afrique des nations 2019 ne peut se tenir au Cameroun». Une décision sans appel qui résonne depuis ce vendredi 30 novembre 2018, comme un tonnerre dans le ciel camerounais. Ce n’est pas une première en 2015, le Maroc s’était désisté  pour cause d’Ebola, remplacé par la Guinée-Equatoriale, plus loin en 1988, la Zambie avait été supplée par le Maroc, en 1994, le Zaïre par la Tunisie… Mais ça fait mal !

Permanemment cité en référence parmi les pays les plus corrompus au monde, la nation camerounaise vient de révéler que sa parole ne vaut pas grand-chose, fut-elle prononcée haut et fort par son premier magistrat. Pour sûr, le vieux Lion de 87 ans, a dû rugir d’impuissance.

Considéré comme une nation de football, ce qui est vrai, le Cameroun n’a plus connue l’effervescence d’une CAN à domicile depuis 1972. D’où l’euphorie populaire qu’entretenait les férus de la boule de cuir, à l’idée d’héberger le grand raout du football africain. Malheureusement, si les turbines des gros engins de chantier ont entretenu un certain espoir, ils étaient nombreux à ne point se faire d’illusion. Désigné pays organisateur depuis septembre 2014, il a fallu attendre deux ans pour voir les travaux commencer. Ce mépris affiché face aux charges gigantesques de la CAF, ne pouvait que nourrir le scepticisme de bon nombre de personnes, désabusées par une nation dont les résultats sur le continent et l’aura des grands noms de la boule de cuir, contrastaient avec la déliquescence infrastructurelle qui en réalité, traduit à souhait la guerre larvée que vit le football camerounais.

L’engagement personnel du président Paul Biya n’aura rassuré que le temps d’une campagne d’élection présidentielle. Dans ce pays où même les morts auraient votés, l’organisation de la CAN a servi de thème de campagne. En plus du pain, le père de la nation, avec Biya qui a rempilé pour un 7e bail, promettait d’offrir des jeux à son peuple. Loin d’être un bon joueur dans la cour de la démocratie, Paul Biya tenait là, l’occasion rêvée de servir d’offrir un exutoire à ses compatriotes autour d’un rendez-vous continental qui aurait pour une fois, unifié le guide de la nation à son peuple, sous les projecteurs du monde. Hélas, ce vendredi 30 novembre 2018, alors qu’un grand nom du foot comme Joseph Antoine Bel croyait toujours à l’indomptabilité du Lion, tout s’est écroulé au détour d’un communiqué sans appel.

Au-delà de toute velléité propagandiste, on peut accorder un crédit à la volonté du président Paul Biya de relever le défi de l’organisation de la CAN en terre camerounaise. Mais dans cette portion de l’Afrique centrale comme dans bon nombre de pays du continent où bien de projets souffrent d’un amateurisme affligeant et d’une improvisation maladive, il est à parier que le père de la nation a été berné sur toute la ligne, par la horde de prédateurs zélés, qui ne raisonne qu’en termes de profit. Pratiquement coupé du monde réel du quotidien camerounais, le président Paul Biya vient certainement d’apprendre à ses dépens, les limites objectives d’une gouvernance par procuration. Dans certains pays, un tel crime de lèse-majesté aurait entrainé des sanctions pour l’exemple. Or, dans le cas d’espèce, le grognement du vieux Lion qui en a vu d’autres, n’ira pas plus loin que le périmètre de sa tanière. Une telle forfaiture n’a rien d’extraordinaire au pays de Paul Biya.

Cependant, à la décharge du Cameroun, on peut relever que la subite volonté de la CAF de porter le nombre de nations participantes à la phase finale de 16 à 24, a considérablement impacté la situation actuelle. De ce point de vue, Ahmad Ahmad a, peut-être de façon involontaire, réussi à porter le coup fatal au Cameroun d’Issa Hayatou. Dans les faits, le Cameroun s’est lui-même piégé dans un hors-jeu, qu’Ahmad Ahmad s’est empressé de siffler. Décidemment ce Malgache qu’est Ahmad a détrôné Hayatou et privé le Cameroun de la CAF

Au fond, cette décision d’aller voir ailleurs vient peut-être sauver la CAN d’une tambouille qu’elle n’aurait peut-être pas oubliée de sitôt. A 6 mois de la CAN, le Cameroun aurait pu finir à temps, mais pour quelle qualité ? Montées à la hâte, Le risque de voir les infrastructures (hôtels, stades, routes) se lézarder rapidement avec tous les risques que cela suppose et les pelouses se transformer rapidement en champs de patates en cette période de grandes pluies tropicales, était grand. Si à cela l’on ajoute, la situation mal gérée des Anglophones et le harcèlement sanguinaire de Boko Haram… on peut légitimement se demander de quel feu d’artifice aurait été cette fête en terre camerounaise. C’est le Maroc, l’Afrique du Sud, l’Egypte et l’Algérie qui boivent leur petit lait, l’un aura sûrement le quitus de la CAF.

Hamed JUNIOR

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