Plateforme eSINTAX de la DGI : «Aujourd’hui c’est 4 à 5 milliards de montants télépayés, plus de 40 milliards déclarés et plus de 290 adhérents», Mayel Dabiré

Plateforme eSINTAX de la DGI : «Aujourd’hui c’est 4 à 5 milliards de montants télépayés, plus de 40 milliards déclarés et plus de 290 adhérents», Mayel Dabiré

S’il y a une administration qui s’est lancée à fond dans le processus de modernisation de l’administration, c’est bien la Direction générale des impôts (DGI). Et cela est remarquable au vu des facilités de payement des impôts que le service des impôts offre aux contribuables depuis le lancement de la plateforme SINTAX en 2007 celui d’eSINTAX en 2018. Pour en savoir plus sur les télé-procédures nous nous sommes entretenu avec le directeur de l’informatique et par ailleurs chef du projet des télé-procédures de la DGI, Mayel Dabiré.

Pouvez-vous nous rappeler ce qu’était le système de taxation (SINTAX) et ses insuffisances ?

Le système de taxation permet de gérer l’impôt dans sa partie imposition, recouvrement et contrôle. Ce système donc permet à la DGI d’encaisser les taxes, de faire le contrôle et la poursuite des défaillants. C’est le logiciel métier qui permet de gérer la collecte des impôts. Le logiciel, dans sa version initiale, a été pris avec l’administration fiscale de la Côte d’Ivoire donc conforme aux procédures fiscales de ce pays. Au moment de sa tropicalisation, la Côte d’Ivoire a connu la crise, ce qui a fait que ceux-là qui étaient censés nous aider à l’adapter au système burkinabè n’étaient plus disponibles pour le faire. Le logiciel a donc été remis à niveau par nos propres informaticiens. L’insuffisance de ce logiciel est qu’il n’était pas assez paramétré de sorte que les changements qui devaient être opérés n’étaient pas automatiques. Tous les impôts n’étaient pas pris en compte et on n’arrivait pas à gérer tout le processus métier dans le logiciel. C’était vraiment un logiciel cantonné juste dans sa gestion au niveau des grandes et moyennes entreprises. C’est ce qui a donc valu la décision de réaliser un nouveau logiciel, pour lequel, nous avons été accompagnés par la coopération suisse. Nous l’avons mis en production en 2013 avec pas mal de difficultés mais à la date d’aujourd’hui on estime que le logiciel répond plus ou moins aux besoins de l’administration.

Pourquoi la Direction générale des impôts a décidé d’aller vers les télé-procédures ?

On n’avait pas le choix. Les TIC sont incontournables aujourd’hui. La DGI, dans son plan stratégique et dans son schéma directeur informatique, s’est engagé à moderniser davantage ses procédures et à faciliter le payement de l’impôt et du reste la facilitation du payement des impôts est un critère de classement du  programme Doing business. Le fait de ne pas disposer des télé-procédures, a fait perdre 3 points à notre pays lors du dernier classement. Il fallait donc que le Burkina se mette à l’ère du temps en allant vers les télé-procédures.

Dans la pratique, quels sont les avantages de la télé-procédure pour le service des impôts et pour les contribuables ?

Il y avait à la DGI des tâches qui ne sont pas du ressort des agents des impôts. Il s’agit par exemple de l’archivage, la saisie, l’encaissement, etc. A l’ENAREF lors de la formation de l’agent des impôts, on ne lui apprend pas comment classer un dossier, saisir des déclarations ou faire un encaissement, donc c’est le métier qui ne relève pas de la DGI qu’elle a décidé de mettre sur la plateforme. La plateforme vient donc professionnaliser l’agent des impôts. On va se concentrer plus sur des tâches à valeur ajoutée telles : le contrôle, la poursuite, la recherche de l’information, qui sont vraiment du ressort du métier de l’agent des impôts. C’est pour dire qu’en termes d’avantages, ça vient libérer l’agent des impôts des tâches chronophages et sans valeur ajoutée.

Pour les contribuables c’est évident qu’il y a des avantages, car ils se dispensent du déplacement. A partir de son bureau il peut donner un ordre et l’information qui arrive chez nous est juste. C’est donc un gain de temps, l’économie du déplacement et les frais de parking donc c’est tout bénéfique pour le contribuable. Du reste, à partir de la plateforme le contribuable transmet des informations qui ne sont pas susceptibles de connaître une modification. Au paravent on pouvait arriver à des erreurs de saisie ce qui amenait souvent les contribuables à contester les montants repris. Maintenant c’est le contribuable qui met lui-même ses données dans le système.

Il y a quelque mois vous avez lancé la plateforme eSINTAX, pouvez-vous nous la présenter ?

La plateforme eSINTAX, on l’a lancée le 12 avril 2018. Elle devait en premier temps permettre au contribuable de s’asseoir dans son bureau et de nous envoyer une déclaration s’il est soumis aux 15 impôts représentant 98% du rendement de la population cible des contribuables que nous avons déterminé. Le contribuable envoie donc la déclaration sans se déplacer et nous la recevons en temps réel. Dans un second temps, nous avons étendu la plateforme à tous les impôts déclaratifs du système fiscal du Burkina et nous en avons au total 33. Depuis le 1er juillet, les contribuables peuvent envoyer à la DGI, via la plateforme eSINTAX, leur déclaration concernant ces 33 impôts.  Ce module de télédéclaration a été couplé avec celui du payement. C’est ainsi que la plateforme d’aujourd’hui permet à un contribuable de télé-poster sa déclaration et également la télé-payer. A la date d’aujourd’hui, nous avons reçu plus de 4 à 5 milliards de montants payés via la plateforme, plus de 40 milliards déclarés et plus de 290 utilisateurs de la plateforme.

Quels sont les contribuables qui sont concernés par eSINTAX ?

Techniquement, la plateforme permet à tout contribuable qui est soumis à l’un de ces 33 impôts de faire de la télé-déclaration et du télépaiement, que vous soyez de grandes, moyennes ou petites entreprises. Mais de façon administrative, nous avons pris la décision de restreindre la plateforme pour le moment aux contribuables des grandes et moyennes entreprises, ce qui nous permet de gérer le flux. Les contribuables des petites entreprises sont plus nombreux donc si on les ajoute actuellement on aura un problème d’assistance, de formation. Nous allons donc par petits lots. Les grandes et moyennes entreprises sont plus aptes à utiliser eSINTAX parce que très souvent ils bénéficient de l’aide de conseils avisés.

Vous pensez qu’il faudra combien de temps pour permettre aux petites entreprises de pouvoir profiter des facilités offertes par eSINTAX ?

Notre objectif, est qu’à la fin de l’année 2018 que 60 à 80% des contribuables des grandes et moyennes entreprises soient télé-déclarants et télé-payants. Nous verrons avec les autorités comment la rendre obligatoire pour les grandes entreprises à partir du 1er janvier  2019. Si on arrive à réussir cela, à la loi de finances rectificative en cours d’année on pourra rendre la plateforme obligatoire pour les moyennes entreprises et par la suite inclure tous les contribuables. L’année 2019 verra la plateforme généralisée à tous les contribuables du Burkina quelque soit le régime fiscal.

Dans la pratique, quelles sont les contraintes informatiques d’eSINTAX ?

La première des contraintes, c’est la connexion. Mais C’est une contrainte qui est extérieure à la DGI puisque que le contribuable utilise sa propre connexion. Toute les téléphonies mobiles aujourd’hui, proposent des accès à Internet et ce sont ces accès que le contribuable utilise. La difficulté qui nous revient est que certaines personnes se plaignent du réseau qu’elles utilisent. Nous avons quand même tenu compte de cette contrainte en rendant la plateforme légère afin de minimiser les problèmes de faiblesse du débit de connexion. Une autre contrainte, c’est comment arriver à faire la formation et l’assistance à tous les contribuables. Il y a des contribuables qui peuvent à eux tout seul faire leur déclaration mais ils ont peur de faire des erreurs, donc ils ont besoin que quelqu’un soit toujours à côté d’eux. Comment la DGI peut s’organiser pour assister tous les contribuables qui veulent faire de la télé-déclaration ? Nous avons une population cible d’environ 6 000 contribuables. Il y a un guide qui permet au contribuable de s’assister lui-même lors de la déclaration mais il a toujours peur. Pour résorber ce problème, nous avons ciblé certaines catégories de corps de métiers tels que l’ordre des experts comptables, car un expert comptable peut assister près de 50 à 60 contribuables. Il en est de même pour les conseillers fiscaux, qui aussi, peuvent nous aider à accompagner les contribuables. Nous sommes donc partis sur ces ordres de métiers qui sont l’interface entre nous et les contribuables.

Quelles sont les ressources humaines qui sont déployées pour la bonne marche de cet arsenal informatique ?

Quand nous avons initialement mis en place le projet, on avait mis en place une cellule centralisée qu’on appelait «Cellule eSINTAX». On s’est rendu compte que cette cellule centralisée ne pouvait pas prendre en charge, à elle seule, les besoins de formation et d’assistance. C’est ainsi que nous avons mis en place au sein de chaque direction une cellule eSINTAX qui est en contact direct avec le contribuable. Nous avons donc aujourd’hui 4 cellules eSINTAX constituées de 5 membres au minimum par direction. Il y a donc la cellule eSINTAX de la DGE pour les grandes entreprises et 3 cellules eSINTAX par direction des moyennes entreprises. Les membres des cellules sont très opérationnels et sont même sur le terrain quand un contribuable exprime un besoin d’assistance ou de formation.

Aujourd’hui, quelles sont les perspectives de la Direction générale des impôts en la matière, pour l’amélioration des conditions des contribuables ?

Vous l’aurez remarqué, la plateforme a connu des évolutions. Au départ nous avons fait en sorte que le contribuable puisse faire sa déclaration et le payement. Nous voulons maintenant ajouter des services qui sont à valeur ajoutée pour le contribuable. Il s’agit par exemple de l’attestation de situation fiscale. Nous voulons que le contribuable qui télé-déclare ses impôts et qui est télé-payant n’ait plus à se déplacer aux impôts pour demander une attestation de situation fiscale. Il pourra à partir de son bureau en faire la demande et nous la lui enverrons via la plateforme. Nous avons aussi l’objectif de permettre au contribuable de disposer de ses attestations de retenue à la source. Ici, nous avons un problème de gestion des attestations à la source. Tous les jours les contribuables se plaignent de la lenteur de délivrance desdites attestations. Nous voulons donc dès le début d’année 2019 qu’un contribuable qui paye ses impôts, que l’attestion de retenue à la source lui soit délivrée instantanément, via la plateforme. Nous voulons également qu’en 2019 que les contribuables puissent au dépôt de leur bilan le faire via la plateforme. La plateforme va donc nous permettre de lutter contre la pollution par les papiers et donc être écologique. Par ailleurs, nous ambitionnons de faire en sorte que tous les impôts soient payés par mobile payement. Et cela concerne tous les contribuables. On a déjà fait l’expérience avec la taxe de résidence qui est payable avec Orange Money. On veut donc l’étendre cette opportunité à tous les impôts. Une des perspectives à l’horizon 2019, c’est de permettre la demande de remboursement de crédit TVA par les contribuables  via la plateforme eSINTAX.

Interview réalisée par

Ariane Bamouni

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