Les grands juges gabonais vont «renvoyer» aujourd’hui 4 septembre 2023, le général Oligui Nguema «à son serment». Des magistrats d’une Cour constitutionnelle qui voit sa suspension levée pour oindre le putschiste en chef de la légalité juridique pour qu’il puisse jouir de la plénitude de la fonction présidentielle. Un barbarisme politico-juridique qui fait désormais florès puisqu’au Mali, tout comme au Burkina, Goïta et IB ont prêté serment devant leurs hautes juridictions respectives, alors qu’entre temps, la Constitution avait été suspendue avant d’être rétablie pour la cause.
Au Gabon, le général Nguema sera obligé de remettre la Constitution en place, sinon, sa prestation sera caduque. Là aussi, on risque donc d’être avec un régime d’exception qui fonctionne sur un pillier dual : la charte de la Transition et la Constitution !
Paré ce jour faste du 4 septembre 2023 des atours de pourpre et d’hermine symbole d’intronisation, le général Oligui devient de fait et de jure, le président du CTRI et de la Transition du Gabon, et déréchef celui qui devra résoudre fissa les équations urgentes, c’est-à-dire ceux à court et moyen termes.
A commencer par les micmacs familiaux. En Afrique, qu’on parvienne au pouvoir par les urnes, a fortiori, par les armes, la famille est une donnée dont on ne peut pas s’en défaire. L’essentiel est de savoir dans quelle proportion et jusqu’où on peut aller avec ses cousins, tantes, oncles, petits frères…
Au Gabon encore plus, surtout pour ce général cousin de celui qu’il a déposé, et dont il est devenu le Brutus. Si ce qu’avance l’opposant Albert Ondo Ossa, semble vrai, alors, le nouveau président du CTRI pourra-t-il contester Pascaline Bongo, qu’il affuble d’être le Richelieu de cette Révolution de velours du palais de bord de mer ? Quant au nouvel homme fort, le général Oligui, en levant dans la foulée de son coup d’Etat, la suspension de RFI, France 24, TV5, il a donné des gages de bonne disposition pour la liberté de la presse. Il l’a réaffirmé d’ailleurs ce week-end en rencontrant la presse qu’il n’est pas un prédateur de ce droit.
Pour le leader d’Alternative 2023, qui a convoqué hier, un grand brainstorming à l’issue duquel, il maintient sa revendication matricielle, celle du recomptage des voix, et surtout la reconnaissance de sa victoire, et la remise du pouvoir entre ses mains, pour le professeur Ondo les militaires doivent retouner dans les casernes. Le challenger d’Ali Bongo Ondimba peut toujours rêver, mais, s’il regarde la tournure des évènements, il se convaincra que c’est une requête impossible à satisfaire. Ceci dit, le cas des politiciens, et principalement de l’opposition devra être traité avec sérieux, par le général Oligui, afin de trouver un consensus sur le déroulé de la Transition, les termes de sa fin.
Outre ces questions ou politique et famille s’imbriquent, le Gabon a de graves problèmes qu’il faudra solutionner et passée la liesse du renversement du clan Bongo, la réalité se fera encore plus crue.
La malgouvernance érigée en système naturel dans ce pays devra cesser. Passe-droits, clanisme, patrimonialisation, cleptocratie étatique… c’est carrément à un nettoyage des écuries Bongo dont devra s’atteler à effectuer le général-président de la Transition. Et qui dit une telle œuvre, devra faire rendre gorge à des proches, emprisonner certains…
Le général Oligui pourra-t-il avoir assez de poigne pour faire ce travail de catharsis,ingrat mais nécessaire nécessaire, lui-même étant issu du système et ayant bénéficié de ses privilèges ? Ensuite, quand on dirige un pouvoir de Transition, on a les coudées franches pour implémenter certaines valeurs qui avaient disparu. Mais surtout, il faut vendre et concrétiser le rêve des compatriotes : avec 30% de chômage qui monte à 60% au niveau de la jeunesse, le péril jeune est un gros chantier pour le CTRI qui devra instaurer l’égalité des chances et créer les conditions pour un travail décent.
Le travail de refondation de toute transition étant de chambouler certaines lois et pratiques, il faudra revoir les questions liées à la manne pétrolière, aux bois, qui ne profitaient qu’à une minorité. Et enfin, comme l’objectif ultime d’une Transition c’est de créer le contexte idoine pour des élections, les organiser et partir, le général Oligui et son CTRI, pourront-ils enfin «restaurer les institutions» afin que ce sont les hommes élus qui soient vraiment élus ? CGE, Cour constitutionnelle, armée… ce sont autant d’institutions intouchables du moins stipendiées par le palais présidentiel, autant de cordons ombilicaux qu’il faudra couper. Revêtu de la tenue d’un Périclès, Oligui le pourra, mais s’il endosse les oripeaux d’un homme d’estrade qui ne fait pas preuve d’ingratitude envers ses bienfaiteurs d’hier qui ont mis le Gabon dans cet état, alors, le général Oligui pourrait être balayé par un capitaine. Surtout que lui a ouvert le bal des putschs.
Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA
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