Pr Christian Napon, chef de service neurologie au CHU-Bogodogo : «Il n’y a pas un jour où on ne reçoit pas un malade des urgences pour AVC»

Pr Christian Napon, chef de service neurologie au CHU-Bogodogo : «Il n’y a pas un jour où on ne reçoit pas un malade des urgences pour AVC»

C’est une maladie qui prend de l’ampleur de jour en jour au Burkina Faso. Pratiquement, 80% des patients hospitalisés dans les services de neurologie sont du fait de cette pathologie. L’Accident vasculaire cérébral (AVC) puisqu’il s’agit de lui, est une maladie qui touche le système nerveux principalement le cerveau. Quels peuvent être ses signes annonciateurs et ses principaux facteurs de risque? Comment prendre en charge un cas d’AVC ? Qu’en est-il des complications ? Tout en apportant des éléments de réponses à toutes ces interrogations, le Pr Christian Napon, enseignant-chercheur à l’Université Joseph Ki-Zerbo et chef de service neurologie au CHU-Bogodogo, donne aussi des conseils à la population pour éviter cette maladie.

 

Qu’est-ce qu’un accident vasculaire cérébral ?

Un Accident vasculaire cérébral  (AVC) est une maladie neurologique qui touche le système nerveux principalement le cerveau. Elle (maladie) est liée à un défaut d’approvisionnement en sang du cerveau, qui va entrainer sur le plan physique une paralysie qui intéressera la moitié du corps, ou des troubles de langage ou de sensibilité. Elle a la particularité de survenir de façon brutale.

Quels peuvent être ses signes annonciateurs?

Il peut arriver qu’il y ait un accident ischémique transitoire, qui est une maladie constituant un signal avant-coureur d’un AVC. C’est un signe qui peut rétrocéder rapidement en l’espace d’une heure mais c’est aussi un signe d’alarme qui peut présager de la survenue d’un AVC. Si vous avez par exemple un vertige brusque ou une perte de connaissance brutale, une faiblesse qui intéresse la moitié du corps mais qui se corrige en l’espace d’une heure, ça peut vouloir dire que si rien n’est fait dans les jours à venir, un véritable AVC peut survenir. Et cette fois-ci quand ça survient, ce ne sont pas des signes qui vont rétrocéder rapidement mais des signes qui seront présents tout le temps si la rééducation n’est pas faite.

Quels sont les examens qui permettent de diagnostiquer un AVC ?

Il faut faire des examens qui permettront d’explorer le cerveau. Et ce sont entre autres le scanner cérébral, l’Imagerie par résonnance magnétique (IRM) du cerveau. En faisant ces examens ça permet également de connaitre le type d’AVC qu’on a. Il y a deux types d’AVC :

l’AVC ischémique : C’est le blocage de la circulation au niveau du cerveau par un caillot de sang qui fait qu’en aval du caillot, le cerveau n’est plus alimenté. Au bout d’une trentaine de minutes, cette partie du cerveau qui n’est plus alimentée va mourir. Souvent, il peut arriver qu’une grosse partie du cerveau ne soit plus fonctionnelle au bout de quatre heures ou quatre heures et demie de temps.

l’AVC hémorragique : Il est dû à une rupture d’un vaisseau du cerveau. Cette rupture va occasionner  un épanchement de sang dans le cerveau. Cet épanchement de sang sera à l’origine des signes.

Le scanner permettra de différencier ces deux types d’AVC parce que les traitements sont différents. En plus de cela, les examens permettent d’identifier la cause de l’AVC.

Quels sont les principaux facteurs de risque de cette pathologie ?

Nous avons identifié un certain nombre de facteurs qui peuvent conquérir à la survenue d’un AVC. Si vous cumulez ces facteurs de risque ça vous expose aux AVC. Ils sont divisés en deux groupes. Il s’agit des facteurs de risque non modifiables et les facteurs de risque modifiables (sur lesquels on peut agir pour diminuer le risque).

Les facteurs de risque non modifiables : il s’agit de l’âge (chez l’homme après 45 et chez la femme après 50 ans vous êtes déjà exposé aux risques) ; le sexe (les hommes sont plus exposés que les femmes) ; les antécédents familiaux d’AVC. On s’est également rendu compte que les sujets de race noire sont plus exposés que ceux de race blanche.

Les facteurs de risque modifiables : en premier lieu nous avons l’hypertension artérielle, qui multiplie par 3 ou 4 le risque de faire un AVC. Ensuite, le tabagisme, la consommation d’alcool, le cholestérol, l’obésité, la sédentarité, le diabète, les amphétamines, l’utilisation des pilules extro-progestatives chez les femmes, la pollution atmosphérique, etc.

Quelle est la situation de la maladie au Burkina ?

C’est une maladie qui, de jour en jour, prend de l’ampleur dans notre pays. Dans les grands CHU de Ouagadougou, c’est l’un des principaux motifs d’admission de patients au niveau des  urgences. Pratiquement 80% des patients  hospitalisés dans les services de neurologie sont du fait d’un AVC. Dans notre service (neurologie CHU-Bogodogo), il n’y a pas un jour où on ne reçoit pas un malade des urgences  pour AVC. C’est  dire qu’au-delà des maladies infectieuses qu’on pensait être les plus fréquentes, ce  sont ces types de maladies qui sont en train de prendre le pas. En termes de chiffres, les AVC constituent la première cause de handicap dans le monde. Ils sont  en train de devenir la deuxième cause de décès dans le monde. A l’heure actuelle, c’est 6 millions de décès par an. A l’horizon 2030, on estime à 70 millions de personnes qui vont vivre avec un handicap lié aux AVC.

Quelles peuvent être les complications d’un AVC ?

Quand vous faites un AVC, dans la plus part du temps  vous êtes diminué sur le plan physique puisque vous avez une partie du corps qui est paralysée. Les patients déjà à la phase aigüe lorsqu’ils sont hospitalisés dans les services, peuvent développer des complications au niveau de la peau (appelées escarres). Ces escarres peuvent même être à l’origine du décès du patient. Sans compter aussi qu’on peut développer des infections urinaires, pulmonaires. On peut également avoir plus tard un problème de réinsertion socio-professionnelle.

Que conseillez-vous à la population pour éviter ces maladies ?

Il faut que les gens apprennent à aller vers les structures de santé  pour  qu’on puisse dépister éventuellement une hypertension artérielle (qui n’a aucune manifestation). Faire également des examens biologiques, car on peut demander une glycémie et tomber sur une hyperglycémie (diabète). Une fois qu’ils sont bien pris en charge que ce soit l’hypertension ou le diabète, ça vous permet d’éviter les AVC. Il en est de même pour le tabagisme, l’alcoolisme. Si vous arrêtez de fumer ou de boire, vous réduisez le risque de tomber dans ces types de pathologies. Eviter aussi de prendre du poids excessivement et pratiquer une activité physique et sportive. Pour les femmes, éviter les pilules extro-progestatives et privilégier les contraceptions mécaniques. Faire de temps en temps aussi un bilan de santé.

Peut-on traiter ces pathologies efficacement dans notre pays ?

Oui on peut le faire. Il existe des services dont le rôle c’est de prendre en charge efficacement ces pathologies. Si nous prenons les AVC, généralement c’est dans les services de neurologie qu’ils sont pris en charge. Dans la prise en charge, il y a plusieurs volets à savoir le volet médicamenteux, la rééducation, le suivi régulier des patients après leur sortie d’hôpital.

Quelles difficultés rencontrez-vous au quotidien dans la prise en charge de vos quotidiens?

Notre gros problème au quotidien c’est la capacité d’accueil de notre service notamment l’insuffisance des lits  qui fait qu’on ne peut pas accueillir beaucoup de patients. On ne peut pas non plus augmenter  la capacité d’accueil sans avoir augmenté les ressources humaines. Par exemple, je suis le seul spécialiste en neurologie au CHU-Bogodogo. Je suis assisté par des médecins en  spécialisation de neurologie et des étudiants.

Le 29 octobre prochain, sera célébrée la Journée internationale de lutte contre les AVC. Qu’est-ce qui est prévu au plan national par la SONEB ?

La Société de neurologie du Burkina (SONEB) qui regroupe tous les neurologues au plan national, a prévu un certain nombre d’activités :

un enseignement postuniversitaire sur la prise en charge actuelle des AVC (selon les standards internationaux) ;

nous allons aussi nous joindre aux cardiologues (la SOCARB) qui vont nous parler des cardiopathies emboligènes (qui sont en mesure d’entrainer des AVC) ;

nous allons également passer par les médias pour sensibiliser les populations sur les facteurs de risque .

Interview réalisée par Boureima  SAWADOGO

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