5 heures (10h 10-15h 10) de discours, pause, questions des députés et réponses du premier ministre, qui a déroulé la feuille de route de la Transition qu’il aura à tracter, en tant que l’une des têtes de l’Exécutif. C’est le temps mis hier par le premier ministre de la Transition pour expliquer le programme de la Transition millésime 2022.
Que retenir de ce grand oral d’Albert I devant les 68 députés présents ? En fait, il s’agit des 4 axes retenus par son patron Paul-Henri Sandaogo Damiba, et qui sont :
– récupérer les zones infestées par les terroristes et faire revenir les 1,8 million de déplacés internes dans leurs villages. Pour cela, Albert I n’a pas eu besoin d’emboucher la trompette du président de la Transition qui avait décliné un peu la stratégie pour atteindre cet objectif majeur d’ici 5 mois : formations de comités locaux qui serviront de go betwen (interlocuteurs) avec les terroristes. Oui, la Transition va négocier avec les terroristes, du moins avec ceux qui le veulent et même va créer des Centres de déradicalisation (à l’image des Centres de repenti au Niger). Négocier tout en faisant le coup de feu contre les enragés qui ne veulent pas de parlotte, mettre 2 fers au feu, telle est la stratégie de la Transition, qu’a explicité Albert I, nécessitera le concours de tous les partenaires. Africains, Européens, Américains … Certes, le PM a répondu sur la signification du vocable «diversification» du partenariat militaire, mais on sentait un PM faire des efforts, pour essayer de satisfaire et une opinion dont une partie réclame de couper le cordon militaire avec la France, et les réalités stratégiques qui l’interdisent.
A dessein aussi, il n’est pas rentré dans les détails, sur ce sujet intimement lié à la trame même qui a justifié le coup d’Etat, et qui lui a permis d’être PM : la lutte contre le terrorisme. Et Albert I aurait dû ajouter qu’en matière de coopération de défense, il n’y a pas d’exclusivité qui tienne. Et sur cette question, il faut distinguer la coopération en matière d’achats d’équipements, et celle dite opérationnelle.
La 1ère, le Burkina Faso l’a fait avec la Turquie, la France, la Chine, Israël, l’Ukraine, la Russie, la Seconde c’est avec exclusivement la France, avec les USA. Et ce sont des rapports d’Etat à Etat et ce que le PM devait dire pour lever tout quiproquo, c’est que ce partenariat opérationnel même s’il n’est pas exclusif, s’accommode mal d’un autre, qui n’est pas en odeur de sainteté avec la France, notamment comme le cas au Mali, où un Etat traite avec une agence paramilitaire.
Moralité : Albert aurait pu préciser, avec l’opérationnel, pour le moment, c’est la France, car dans l’imaginaire populaire, ce sont les soldats français (telle l’unité Sabre basée à Kamboinsin) reste ou non !
– le péril humanitaire qu’il a évoqué est réel et consubstantiel à la dégradation sécuritaire. Là-dessus, on a oscillé entre conviction et incantations. Mais comment retourner les 1,8 million de Personnes déplacées internes (PDI) chez eux, qu’en sera-t-il de leurs travaux champêtres à l’orée de cet hivernage ? Et les écoliers de ces contrées, que deviendront-ils ? C’est un point sur lequel le premier ministre n’a pas été trop disert, et on comprend, c’est une véritable gageure !
– la refondation de l’Etat, autre chantier gargantuesque de la Transition sera annexé sur une recentralisation de l’Etat sur des valeurs cardinales notamment sur une gouvernance vertueuse, une neutralité de l’Administration son efficacité, bref, remettre la méritocratie au centre de l’Administration publique, en la dépolitisant. On attend de voir si ça ne sera pas de simples incantations, car tous les régimes ont seriné cette périphrase.
Là où encore la Transition, foi du premier ministre sera attendue, c’est sa volonté de régenter le jeu politique au Burkina Faso, par une réglementation (un projet de loi sera introduit à l’ALT) des partis politiques, le financement et le plafonnement des dépenses publiques, le tout pour parvenir à un basculement dans une 5e République. Rien que ce chantier de la refondation, peut prendre tous les 36 mois de la Transition, c’est une véritable révolution copernicienne, que veut accomplir la Transition. Si on ajoute la restauration de l’autorité de l’Etat, le statut de la chefferie coutumière, ça fait beaucoup pour une Transition dans un pays où plusieurs pans du territoire sont occupés par des terroristes.
Si on adjoint la réconciliation nationale, Albert I a bien égrené les pathologies du Burkina Faso, bien connues, mais les soins idoines, ce sont les résultats qui parleront.
Ce discours au finish, ressemble mutatis mutandis à celui d’un gouvernement de Roch. C’est une continuité du gouvernement Zerbo à certains de ses points. Il n’y a aucune évaluation financière, ce qui étonne de la part d’un économiste-gestionnaire, on énumère des mesures, sans indicateurs de succès, ni même de faisabilité. Quid du Budget, en fonction de la réaction de la CEDEAO ? On tend la main aux groupes armés, et on veut renforcer les VDP, est-ce raisonnable. Le préalable judiciaire est-il un préalable nécessaire à la réconciliation ? Mais il faut de l’abnégation, de la gouaille, à Albert pour relever tous les défis, sinon, il sera condamné comme Sisyphe à ressasser les mêmes problèmes sans solutions viables. Encore que dans son cas, il sait qu’un premier ministre est par essence un fusible
La REDACTION
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