Premier ministre malien Boubou Cissé à Kidal : Après les sécurocrates, le politique : normalisation au Nord

Premier ministre malien Boubou Cissé à Kidal : Après les sécurocrates, le politique : normalisation au Nord

Le 17 mai 2014, le chef de gouvernement malien d’alors quitta Kidal dare-dare, la tête basse, humiliée par la débâcle d’une armée malienne cueillie à chaud qui voulait reconquérir son territoire abandonné quelques mois plus tôt. Ce dénouement de la deuxième bataille de la guerre de Kidal a laissé un goût amer sur la langue au palais de Koulouba. Et depuis cette date, aucune autorité de ce rang n’a plus jamais tenté de remettre les pieds dans cette ville symbole de l’amputation du Mali de la partie nord de son emprise. Autres temps, autre réaction épidermique et autre réalité. Entre ce 17 mai 2014 et ce 4 mars 2020, de l’eau a coulé sous le Djoliba et les dunes du sable de Kidal ont  vu tellement d’évènements heureux et malheureux.

Ces 2 dates sont liées, car le premier est celle de la visite du premier ministre du Mali de l’époque Moussa Mara, séjour mal préparé, qui a confiné à la provocation, chaque Malien à commencer par les premiers responsables savaient que Kidal était une extraterritorialité. Mal en a pris le chef du gouvernement malien d’ailleurs, puisque les groupes rebelles canonnèrent les FAMA, tuant plusieurs militaires et le PM ne dût la vie sauve qu’à une exfiltration in extrémis.

Le patron du parti Yelema tenta de minimiser cet évènement gravissime, en disant qu’il était de son devoir d’aller à Kidal ! Non  monsieur l’impétueux premier ministre! Kidal n’appartient pas au Mali. Et l’autorité n’était pas la bienvenue !

Depuis l’entrée de l’armée reconstituée le 10 février 2020 oui, avec la montée du drapeau malien dans le camp n°1 et le déploiement cahin cahan de l’administration, oui !

Six ans plus tard, donc après que l’armée nationale malienne dite reconstituée ait foulé le sol de Kidal, c’est au tour d’un autre chef du gouvernement, en la personne du Premier ministre Boubou Cissé, de revenir dans cette ville mythique (quoique meurtrie que convoitent jalousement plus d’un Malien) sans la peur au ventre de repartir dans la précipitation à bord d’un hélicoptère affrété dans la même précipitation.

Boubou Cissé remet les pieds fermes sur la terre de Kidal. Il est allé à la rencontre des forces armées nationales reconstituées, qui ont désormais posé leurs pénates dans cette région. Le jeune premier ministre de 2020, Boubou Cissé qui a donc emboité les pas des 640 militaires de l’armée hybride, formatée en FAMA (qui s’est rendu à Kidal le 10 février 2020) y va donc dans des circonstances rassérénées, dans un Kidal apaisé.

Un déplacement premier ministériel, lourd de symbole, intervenant presqu’un mois après celui du 1/3 des FAMA, du 1/3 du GATIA et celui de la CMA, armée «étatisée» du Mali s’il en est, qui mit 4 jours pour franchir le portail du casernement de cette ville.

Après les sécurocrates, voilà donc le politique, et on ne peut que se féliciter de cette normalisation et de l’application de l’Accord d’Alger quasi-mort-né depuis sa signature en juin 2015 et qui renaît des sables de Kidal la rebelle.

Et comme pour marquer ce symbole du retour véritable et définitif de l’Etat central, le Premier ministre Boubou Cissé va parler de financement de projets. Comme dans n’importe quelle autre partie du territoire malien. Comme si ce n’était pas à Kidal. Mais c’est bien à Kidal. Inimaginable, il y a seulement quelque mois ! Boubou Cissé à Kidal, c’est Bamako qui y étend son autorité. Même s’il faut toujours se garder de sombrer benoitement dans un optimisme de mauvais aloi. Les réglages à opérer sont encore nombreux, les plaies à cicatriser aussi sans oublier les codes tribaux à replacer, et après Boubou Cissé, il faudra encore et encore d’autres actes forts, pour que Kidal soit malien, dans son entiérété.

Dans les chroniques de Riddick, quiconque prend quelque chose, en devient le propriétaire. Bamako a repris Kidal qui normalement devient sien, encore faut-il en posséder toutes les pièces sécuritaires, et l’aval des tribus régnantes ou pas. Encore des mois pour un jugement franc.

C’est donc un deuxième symbole fort du retour de Bamako et de l’autorité de l’Etat. Il reste maintenant à espérer que tous ces actes ne sont pas posés sur le tapis de compromissions légères et compromettantes qui peuvent se désagréger par la suite sur le poids du temps et se transformer en une fournaise beaucoup plus explosive que la situation présente.

La même inquiétude prévaut avec cette volonté affichée et claire de désormais brandir l’arme de la négociation face aux groupes terroristes armés qui continuent d’écumer la région. Les termes des négociations doivent être les plus précis possibles et les moins désavantageux pour le peuple malien et pour les prochaines générations. Il est aussi à espérer que dans cette tentative de reprendre l’ensemble de son territoire, le président malien Ibrahim Boubacar Kéïta ne floue pas ses «frères d’infortune» que sont les présidents burkinabè Roch Marc Christian Kaboré et nigérien Mahamoudou Issoufou. Car un nord retrouvé au Mali peut en faire perdre deux ou plus au Sahel. La paix au Sahel se gagne avec tous les pays concernés ou ne se gagnera pas !

Ahmed BAMBARA

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