La contestation continue sans essoufflement et ce, depuis le 22 février. Mais les pseudo-sentinelles de la présidentielle n’en ont cure. Cette présidentielle aura lieu et tant pis pour ceux qui ne sont pas contents ! À trois jours de ce vote du 12 décembre 2019, on peut déjà humer la composition de l’atmosphère qui va régner.
Le général Gaïd Salah va déployer un impressionnant arsenal sécuritaire. Cette présidentielle, il y semble tenir comme à la prunelle de ses yeux. Pour qu’elle ait lieu, il a offert son poitrail à la colère des manifestants, faisant le dos rond quand il le faut et usant de la cravache (très souvent) lorsqu’il le juge nécessaire. Mieux, il a mis en garde certains pays étrangers qui grenouilleraient pour faire capoter cette transition qu’il conduit d’une main de fer.
Après la première tentative avortée, il ne compte pas voir foirer la deuxième, même si à vue d’oeil et de façon profonde l’attelage est fort bringuebalant. Depuis déjà des mois, on ne parle plus des ‘’2 B’’ rescapés, le 3e ‘’B’’ ayant jeté l’éponge, preuve que c’est bien non seulement une transition militaire, mais factice, car cornaquée par des ex-de la galaxie Boutef qui tentent de s’agripper au pouvoir, telle l’arapède à une paroi.
En apparence, le processus électoral en Algérie est (presque) habillé par le drap de la légalité. Mais en réalité, le pays nage dans un vide juridique sidéral et les juristes sont gênés aux entournures devant ce qui se passe dans ce pays.
Pire, sur le plan de la légitimité, le Général Gaïd lui même sait que les arguments ne plaident pas pour lui.
Le président Abdelaziz Bouteflika a certes été poussé vers la porte sur ordre du général qui l’a donné. Un coup décisif. Mais le coup d’envoi vient du peuple algérien. C’est lui qui a construit le «jeu» depuis le rond-point central jusque devant la surface de démission de Boutefllika et l’armée s’est ensuite emparée du ballon pour le pousser les filets de la fin de règne du président.
C’est vrai qu’en foot, les buteurs sont les héros. Mais en politique, et surtout lorsque l’avenir de toute une nation est en jeu, il faut éviter de jouer les maîtres solitaires. Du quinté présidentiel, aucun n’est ‘’apte’’ politiquement à compétir pour le palais d’El Mouradia, car tous sont des fabrications du pater famillia déchu le 2 avril dernier. La preuve, aucun d’eux n’a pu effectuer une campagne électorale digne de ce nom, frappés d’indignité et d’interdits dans de nombreuses régions. En outre, quel programme ces anciens premiers ministres et ex-ministres de Boutef peuvent-ils offrir à leurs compatriotes, qui ne veulent qu’une chose : le dégagisme total afin qu’une nouvelle race de politique, et un nouveau paradigme adviennent.
Pendant la campagne électorale, Abdelaziz Belaid, Ali Benflis, Abdelkader Bengrina, Azzedine Mihoubi et Abdelmadjid Tebboune n’ont pas convaincu. Simplement parce qu’ils incarnent tout ce que le grondement dans les rues rejettent. Ils ont tous dîné avec Abdelaziz Bouteflika, sont des maillons du système et sont responsables et comptables de ce que les Algériens dénoncent aujourd’hui.
Comment le Général pense-t-il qu’un président issu de ce «casting» va pouvoir diriger fortement révolté ? Qui ira voter ? Les vendredisards ? Qui aura la faveur des urnes ? De combien à hauteur d’homme ?
Les contestations enregistrées au sein de la diaspora pendant le vote du 7 décembre doit donner un avant-goût de ce que risque d’être le 12 décembre et des prochains mois qui suivront le scrutin.
Rompre le statut quo est une volonté qu’on peut comprendre au regard des inconnus. Mais l’inconnu que créera une institution présidentielle qui ne rassemble pas un minimum de consensus populaire n’est-il pas plus préoccupant ? Or ce 12 décembre, c’est véritablement vers ce scénarii auquel on s’achemine. Ce que refuseront, les millions de partisans de ce printemps arabe sur le tard.
Ahmed BAMBARA
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