Il affirme avoir marqué un «penalty historique». Mais qui a sifflé la faute ? Quid des résultats même officieux qui l’ont oint vainqueur ? Rien que pour cela, mais Maurice Kamto mérite un carton rouge. Il fait partie de cette race de joueurs politiques dont les compétitions électorales africaines peuvent se passer. C’est une allégorie de mauvais goût que l’opposant de Paul Biya a évoquée en clamant sa victoire, 24 heures seulement après la fermeture des urnes. Qu’il incarne une nouvelle dynamique politique depuis qu’il a rompu les amarres avec le RDPC et Paul Biya, en 2011, dont il était le garde des sceaux, c’est un fait, mais qu’il soit élu face à son ex-mentor, ce serait un tsunami électoral. Car cela supposerait quelques hypothèses :
– que la machine RDPC s’est détractée, et que les Biyaistes ont effectué un vote-sanction.
– Qu’au regard de l’âge du capitaine, et de son interminable règne, les Camerounais l’ont carrément rejeté.
– Que tous les 6 autres candidats, y compris des militants du RDPC ont donné leur voix à Maurice Kamto.
Cette déclaration est si prématurée qu’elle boxe dans l’arène des plaisanteries de mauvais aloi, à la limite clownesques. Quels résultats a-t-il pu compiler juste 24 heures après que les électeurs soient allés aux urnes ? Quels chiffres a-t-il à l’appui de ses allégations de victoire ? Comment les a-t-il obtenus ? Quelle preuve donne-t-il qui soient fiables et lui garantissent le droit de se proclamer président à la place des institutions habilitées et avant que ces derniers n’aient du reste pas encore pu renverser le contenu des urnes pour commencer le décompte ? Au nom de quoi promet-il déjà une crise postélectorale au Cameroun ?
Proclamer ex cathedra qu’on est le vainqueur d’une élection, alors même que les dépouillements viennent à peine de se terminer, sans brandir de preuves pour étayer ce qu’on avance, c’est tout simplement jouer au vedettariat, à tout le moins, emboiter le pas à des devanciers, dont certains se mordent le doigt de nos jours. En effet une petite revue de détail, du Gabon avec le tango postélectoral Ali Bongo-Jean Ping, à la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo-Alassane Ouattara, en passant par le Kenya d’Uhuru Kenyatta-Raila Odinga, un petit inventaire non-exhaustif donc de ces cas de pays qui se retrouvent au lendemain de vote avec «2 présidents», montre que ça se termine au mieux, par abandon du «président bis» au pire par des violences terribles avec leurs corollaires de victimes et d’exilés. Au Gabon par exemple, le bras de fer Bongo-Jean Ping pour le palais du bord de mer, s’est soldé, par un récul du «Chinois». Au Kenya, la fièvre d’après-vote, a ensanglanté le rift, les plaines de Sherurguetti, tandis qu’en Côte d’Ivoire, elle a fait 3 000 victimes et les miasmes de cette crise malgré le retour à une vie constitutionnelle normale, se sentent toujours de nos jours.
Tous ces cas de présidence auto-proclamée, se sont faits après la publication, ne serait-ce que provisoire des résultats. Alors que dans le cas de Kamto, rien absolument rien ne lui permet d’avancer ce qui ressemble à une fanfaronnade, à une «fantasmagorie» pour reprendre les termes du représentant du pouvoir.
Certes, Paul Biya a 36 ans de «règne» au Cameroun. Les démocrates sont d’accord que ce n’est pas un bon exemple et beaucoup d’entre eux souhaiteraient sans doute, qu’il daigne enfin laisser le gouvernail du pays à d’autres filles et fils du pays. Mais ce n’est pas une raison pour faire «dégager le vieux» par des moyens contraires à la démocratie. Et c’est bien ce que Maurice Kamto s’efforce de faire dans un Cameroun qui ne lui a pas demandé ce type de service. Quoiqu’il en soit, pour avoir été un proche de Biya, et pour avoir vu le sort réservé à ceux qui se prennent trop au sérieux pour lorgner le fauteuil présidentiel, c’est-à-dire tous les dauphins en eaux claires ou troubles, beaucoup ont été emportés par le gros carnassier volatile que porte le nom de l’opération «Mains propres»: Epervier. Maurice Kamto a cherché la «bagarre», il devra assumer sauf s’il retourne vite faire amende honorable devant Biya, pour dire qu’il a été induis en erreur.
A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. A vaincre par des moyens aussi ridicules, le triomphe serait risible s’il ne comportait pas des germes dangereux, car l’euphorique proclamation de victoire pouvant virer en une crise postélectorale dramatique au pays de Samuel Eto’o. Paul Biya n’est pas un exemple de démocrate. Mais le Cameroun n’a pas non plus besoin d’un footballeur politique qui viole les règles de la démocratie footballistique. Comme le dit l’adage africain, « quand on dit qu’un jeune cultivateur laboure bien, il commence à arracher les sémis» Donc, du calme, monsieur Kamto !
Ahmed BAMBARA
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