Présidentielle au Mali : L’atmosphère hier avec notre Envoyé spécial

Présidentielle au Mali : L’atmosphère hier avec notre Envoyé spécial

Jour attendu s’il en est, les Bamakois se sont réveillés ce dimanche matin, sous une pluie bienfaisante. Un réveil en douceur qui s’est déteint sur les centres de vote qui n’ont enregistré que des incidents mineurs. Par contre, au Centre et au Nord, notamment à Lafia, à l’Est de Tombouctou (16 000 électeurs) des urnes et bureaux de vote ont été brûlés par des inconnus, tandis que dans une localité de Douentza, des attaques ont empêché le vote. Si Iyad Ag Ghali n’a pas frappé, la menace djadiste était elle prégnante. La centralisation a commencé, alors que les observateurs internationaux attendent toujours vainement la liste des communes où le vote n’a pas eu lieu pour cause d’insécurité. Une liste introuvable, car le gouvernement fait des chichis pour la livrer.

Comme si la pluie matinale avait adoucie les nerfs des Bamakois, les populations de la capitale malienne ont voté dans le calme et la sérénité. Madame Konaté, une ancienne employée à la BCEAO, nous confiera d’ailleurs avoir pris quelques précautions avant de sortir de chez elle. «J’ai attendue jusqu’à 11 heures, j’ai même appelé des gens pour savoir si les élections se déroulent sans incident. On m’a rassuré avant que je ne vienne voter», dira-t-elle. Tout comme elle, beaucoup d’autres, selon le représentant d’un parti qui s’est confié à nous, «attendent de voir comment va évoluer la situation avant d’aller accomplir leur devoir. C’est pour cela qu’il n’y a pas une grande affluence. En début d’après-midi, vous verrez de longs rangs», prophétise notre interlocuteur.

A l’école fondamentale de Kalanban-Coura où nous sommes arrivés à 8 heures 15 mn, la rue se faisait déjà étroite. Femmes, hommes, vieilles personnes étaient déjà présents pour choisir leur président. Dans cet établissement qui regroupe 2 cycles, la difficulté consistait à retrouver son bureau de vote. Les incessants va-et-vient entre les 2 cycles qui avaient les mêmes numéros de bureau de vote n’ont pas manqué d’irriter certains électeurs. A l’instar du centre de vote de Kalaban-Coura, presque tous les bureaux de vote ont ouvert à 8 heures comme prévu. Les quelques retards d’ouverture de bureau constatés ont vacillé entre 5 et 15 minutes. L’une des rares incidents relevés à Bamako c’est d’ailleurs produit sous nos yeux, dans ce centre de Kalaban Koura. «Un problème de remplacement de délégués des partis absents. Il fallait juste obéir à une procédure, mais le problème a été résolu très rapidement», explique un membre du comité de modération.

Si Soumaïla Cissé le chef de file de l’opposition a voté dans son village natal de Nianfouké, le président sortant lui, a accompli son devoir civique parmi les siens, dans son quartier. Tout de blanc vêtu, c’est à l’école AB, situé non loin du marché de Sebeninkoro que Ibrahim Boubacar Keïta a glissé son bulletin dans l’urne du bureau numéro 14, sous le coup de 9 heures et quart.

Dans ce centre, qui enregistre un taux de participation assez intéressant, jeunes et personnes âgées se bousculent devant les portes des bureaux. Farima Koné, étudiante âgée de 21 ans, avec une surprenante maturité, nous confiera être toute «heureuse d’user de son droit de citoyen pour la première fois. C’est une responsabilité dont je suis fier. Les jeunes doivent prendre conscience qu’ils sont l’avenir de ce pays. Le choix du président d’un pays est très important, nous ne devons pas nous auto-exclure du débat», lâche-t-elle.

A 80 ans révolus, Oumar Konaté est dans la même dynamique. «J’ai 4 femmes, je les ai motivés à s’inscrire, à retirer leurs cartes et à venir voter. Nous sommes venus ensemble ce matin, chacun a accompli son devoir, c’est très important en tant que bon citoyen», dira-il, avant d’appeler «tout le monde à faire attention pour ne pas créer des troubles inutilement. Quand je regarde comment se déroulent les votes, je ne vois pas comment on peut frauder ici. Mais comme je ne suis pas assez instruit, je me garde d’affirmer que ce n’est pas possible». Pour Mohamed Ibrahim Coulibaly, coordonnateur communal du réseau citoyen de médiation, «les membres de son organisation sont repartis dans plusieurs centres et ont pour mission d’intervenir dans tout différend, successible de dégénérer, et d’alerter rapidement les autorités. Mais pour le moment, tout se passe bien».

A Lafiabougou dans la commune n°4, il est 11 heures 21 mn lorsque nous débarquions. Dans ce centre qui compte une quinzaine de bureaux de vote, l’affluence n’est pas au rendez-vous. Le 1er bureau que nous avons visité ne totalisait qu’une centaine de votants sur 467 inscrits. L’ambassadeur de l’Allemagne Becker Dietrich, qui était de passage s’est dit satisfait du déroulement des votes. «Avec la biométrie, c’est nettement mieux que par le passé, je constate que les Maliens sont politiquement sensibilisés, d’ici à la fermeture on appréciera le taux de participation». Quant à la crainte que le pouvoir n’opère des fraudes, le diplomate Allemand dit la comprendre. «Il y a eu des réunions entre observateurs à ce sujet, il y a eu une rencontre entre le 1er ministre et les candidats… mais on attend de voir comment vont évoluer les choses demain ou après-demain. Le problème ce n’est pas aujourd’hui, c’est lors de la centralisation des résultats des différents bureaux de vote», lâche-t-il avec l’air d’admettre qu’il va falloir être vigilent.

Alors que nous nous apprêtions à quitter les lieux, nous avons aperçu l’ancien président de la transition Dioncounda Traoré qui venait de voter. Pour ce militant de l’ADMA qui a pris fait et cause pour IBK, son «souhait est que tout se passe bien, pour l’ancrage de la démocratie malienne». Pour le reste, Dioncounda dit être quelqu’un qui n’est « pas du genre à chercher la petite bête un peu partout.  Avec tous les efforts qui ont été fait pour que les choses se déroulent normalement, il faut positiver et essayer d’aller de l’avant. La démocratie veut qu’un seul l’emporte, je souhaite que le meilleur gagne», dira-t-il en toute décontraction.

A Ouolofobougou Bolibana (commune n°3) où nous étions sur le coup de 12 heures, aucun incident non plus à signaler, même si une militante du parti URD de Soumaïla Cissé relèvera le laxisme de certains présidents de bureaux qui laissent des «votants accéder aux isoloirs avec leur portable et leur sac à main».

Attaques, enlèvements, destructions de matériels

Absentes à certains endroits du territoire malien, les autorités ne doutaient pas que cette élection présidentielle connaitra de sérieuses zones sombres. En la matière, c’est Fatoma à quelques km de Mopti qui s’est mis en exergue très tôt ce dimanche matin. Une attaque menée aux environs de 4 heures du matin à la sous-préfecture a mis le matériel électoral hors d’usage. Il a fallu tout le dévouement des autorités locales pour procéder rapidement au remplacement dudit matériel. Dans plusieurs communes rurales, les menaces proférées à l’endroit des agents électoraux ont atteint son comble avec des tirs en l’air et la prise de motos des agents qui ont finalement renoncé à la tâche. Même désarrois à Gondani ou à Youworou où les bureaux de vote sont restés portes closes. A Kidal, une dizaine d’obus auraient eu raison de la citoyenneté des populations qui ont préférer terrer chez elles, abandonnant les bureaux de vote aux plus téméraires

Si dans le Nord et au Centre, des incidents qui ne surprennent plus personne sont signalés, les grandes villes comme Bamako n’enregistre que quelques mineurs incidents. Cependant, il convient de ne pas se leurrer. Et nous rejoignons l’ambassadeur d’Allemagne pour dire que le calme de Bamako qui constitue le baromètre des mouvements politiques et sociaux, sera tributaire de  la suite des opérations. Les prétendues images de fraudes qui circulent sur les réseaux sociaux ne sont pas pour rassurer et démontrent à souhait, que les QG sont en alerte maximum.

Hamed JUNIOR à Bamako

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