Présidentielle en Mauritanie : La politique des khaima et des casernes s’éloigne peut-être…

Présidentielle en Mauritanie : La politique des khaima et des casernes s’éloigne peut-être…

Du coup d’Etat de Maaouiya Ould Taya le 12 décembre 1984 à sa chute le 3 août 2005, et du règne du président transitaire Ely Ould Mohamed Vall, coauteur du putsch avec son cousin germain,  Mohamed Ould Abdelaziz, tous généraux, au pronunciamiento de ce dernier le 6 août 2008, excepté le bref pouvoir civil issu des urnes de Sidi Ould Cheick Abdellahi (mars 2007, août 2008), la Mauritanie n’a jamais véritablement connu d’alternance civile et sereine.

Il est vrai que le putschiste Ould Aziz s’est fait oindre par les urnes le 18 juillet 2009, puis réabsolution en 2014, mais c’était toujours sous le prisme du raccourci militaire qu’on le regardait.

C’est dire que la présidentielle de ce samedi 22 juin 2019 est à la fois inédite, prometteuse et pourrait être le point de départ d’une rupture copernicienne d’avec les mœurs politiques en Mauritanie.

Les Cassandres peuvent toujours affirmer que même avec 80% des dépouillements, à la date d’hier c’était maladroit de la part du général Ould Ghazaouni de se proclamer déjà vainqueur, seule la CENI étant habilitée à le faire. Les Mauritaniens dénoncent également l’orgie de moyens et la monopolisation quasi-permanente des médias pour la campagne du poulain du président-sortant.

Sous inventaire et résultats de la même CENI, le challenger de Ghazaouni, l’ex-premier ministre Sidi Mohamed Ould Boubacar a également fait une campagne efficace, sans oublier que le puissant parti d’opposition islamiste Tewassoul a massivement voté pour lui. En outre, le camp du représentant du sortant à contre lui, le poil à gratter du chef de l’Etat, le richissime homme d’affaires Mohamed Ould Bouamatou, un Bouamatou qui a même financé la campagne ‘’d’Aziz’’ en 2009.

Mais si toutes ces considérations et ses réalités électorales mauritaniennes ne sont pas à balayer d’un revers de la main, il faut reconnaître qu’on ne devrait pas trop crier au scandale, ni au hold-up électoral si le compagnon de 30 ans du président Aziz, celui qui fut 10 ans son chef d’état-major de l’armée, et ses yeux et oreilles au Bataillon de la sécurité présidentielle (le redouté BASEP), avait la faveur des urnes, car Ghazaouni bénéficie de beaucoup de facteurs par translation, à commencer par  la prime au sortant. Le mystérieux et austère militaire Ould Aziz qui prit le pouvoir par les armes en 2008, a ôté le treillis pour le costume-cravate, et a crapahuté dur pour améliorer un tant soit peu le quotidien de ses compatriotes durant ses deux baux.

Infrastructures routières et administratives,  pauvreté passée de 44% à 33%, sans oublier quoiqu’on dise, le front sécuritaire, qui a été pacifié. Lointains les attentats d’Al-Quaida de 2008, et désormais le train touristique siffle dans le désert mauritanien .

Et si sur tous ceux qui lui sont proches, le taiseux Aziz a jeté son dévolu sur un militaire, en l’occurrence Ghazaouni, c’est qu’il sait qu’il est aussi le seul à pouvoir lui succéder et à remplir certaines taches régaliennes et surtout qu’après une retraite quinquennale dans son fief natal, a Akjoujt, dans le désert, il pourra tranquillement revenir par les urnes en 2023. Ould Aziz poursuit cahin cahan l’œuvre de son cousin germain, Ely Ould Vall (paix à son âme) qui avait implanté les greffes de la démocratie, durant les 19 mois qu’a duré son pouvoir.

Et Bienvenue au second Poutine africain, après Kabila le Congolais! Avec ces revendications tous azimuts de la victoire de chaque camp, on aura sans doute quelques froufrou des derae, ce voile dont se drapent les Mauritaniens. Mais, convenons qu’avec la présente élection, la Mauritanie épouse l’alternance paisible et du coup, la politique sous les Khaima, ces fameuses tentes climatisées ou non, c’est-à-dire la politique des coups tordus et celle des casernes (sédition) s’éloignent peut-être… Place à la démocratie conviviale, recentrée. Faut-il s’en plaindre ?

Zowenmanogo ZOUNGRANA

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