Présidentielle malienne Main tendue d’IBK : «Soumi» privilégiera -t-il la surenchère ou l’aggiornamento ?

Présidentielle malienne Main tendue d’IBK : «Soumi» privilégiera -t-il la surenchère ou l’aggiornamento ?

 

Situés dans le quartier ACI 2000 de Bamako à 10 minutes l’un de l’autre, le contraste de l’ambiance entre le QG de campagne d’Ibrahim Boubacar Keïta et celui de Soumaïla Cissé était saisissant. Normal. Les uns jubilaient, les autres peinaient à contenir leur déception… Accepteront-t-ils seulement la main tendue d’IBK ?
Surnommée la Dame de fer, la présidente de la Cour constitutionnelle du Mali, a assuré le show le lundi dernier, lors de la cérémonie officielle de validation de l’élection présidentielle. D’entrée de jeu, elle plantera le décor en laissant entendre clairement, qu’elle n’a pas une tête à démissionner, avant d’expédier un à un, les recours formulés par le pool d’avocats de Soumaïla Cissé dans la corbeille, quand elle ne trouve pas un refuge confortable dans l’irrecevabilité de certaines requêtes, dû à un dépôt hors délai ou un vice de forme.

Sous une bâche déployée dans la grande cours du QG d’IBK, les nombreux militants qui savaient la victoire acquise, ont suivi le déroulé des 24 pages de la présidente, dans des conditions de confort requises. A l’annonce des résultats (67,16% pour IBK et 32,84% pour Soumaïla Cissé), ce sont des acclamations, des embrassades et des cris de joie qui ont fusé. D’autres ne se sont pas privés d’esquisser des pas de danse.
A 10 minutes de marche de là, c’est plutôt la désolation. Personne ne s’attendait à une annonce contraire de celle du Ministère de l’administration territoriale, mais tout au moins, beaucoup espéraient que la dizaine de recours formulés parviendront à réduire l’écart des voix. Devant l’entrée de l’immeuble qui abrite le QG de campagne de Soumaïla Cissé, les militants devisent en petits groupes. Même si la musique tonne à la gloire de «Soumi champion», on sent que l’heure n’est pas à la fête.
Au premier étage, le directeur de campagne Tiébilé Dramé, élégamment vêtu dans un boubou blanc, garde son flegme et sa voix posée habituelle. Répondant à une chaîne de télévision guinéenne, il met en relief la partialité de la Cour constitutionnelle et annonce que le candidat animera un point de presse ce mercredi 22 août. L’équipe de télévision sortie, deux partisans lui soumettent le programme des jeunes qui piaffent d’impatience. Il s’agit de descendre dans les rues en début d’après-midi. Tiébilé Dramé opte de calmer les ardeurs et leur conseille d’échanger avec les responsables de la cellule jeune, question de mener des actions concertées et non spontanées, avec des possibilités de dérapage. Dans les couloirs, les va-et-vient laissent clairement imaginer que «la lutte ne fait que commencer», comme nous confiera un militant, qui estime que le «Burkina Faso n’a pas donné l’exemple pour que l’Afrique ne suive pas. Le Mali en tant que voisin, a le devoir d’amplifier l’effet boule de neige», dira-t-il, avec des gestes qui trahissent sa nervosité et son envie d’en découdre.
Pendant ce temps, le QG du vainqueur s’apprêtait à accueillir le président élu. Dans un discours poignant, IBK qui se veut rassembleur a salué ses militants, mais aussi et surtout tous les Maliens sans distinction d’appartenance politique, saluant la mémoire de ceux qui sont tombés au cours de ce scrutin, félicitant au passage l’armée et le peuple malien qui a su «déjouer certains pronostics, et prouvant au monde entier que nous sommes un grand peuple».
Sans détour, le président IBK n’occultera pas les insuffisances de cette élection 2018. «Le niveau de participation à cette élection, qui aurait pu être meilleur, nous interpelle tous. Il doit amener de notre part, acteurs politiques et société civile, une réflexion profonde sur l’évolution de nos institutions et de nos pratiques, pour améliorer notre système démocratique», plaidera-t-il.
Avec la sagesse qui le caractérise et au regard des immenses chantiers qui attendent les Maliens, IBK a réitéré dans sa déclaration que la «République n’exclura personne. J’en serai le garant», a-t-il asséné avec force. C’est sans doute dans cette optique qu’il dira ceci : «A mon jeune frère, Soumaïla Cissé, chef de file de l’opposition républicaine, je voudrais tendre la main. Après la bataille électorale, il y a les retrouvailles. Car pour bâtir un avenir de tous les possibles, le Mali doit pouvoir compter sur toutes ses filles et tous ses fils. Chacun aura sa place».
Si le ton se veut rassurant, ils sont nombreux à se demander ce que renferme cette «main tendue», d’autant plus que nulle part dans sa déclaration, le président IBK ne laisse germer les prémices d’un gouvernement d’ouverture. Du coup, c’est à se demander s’il ne s’agit pas d’une stratégie pour ramollir les velléités d’une opposition bien décidée à user de «tous les moyens légaux dont elle dispose» pour se faire entendre. De toute évidence, ces acteurs politiques qui se connaissent depuis bien longtemps et qui ont en commun bien de roublardises, n’ignorent pas qu’il faut aller au-delà des phrases mielleuses pour espérer faire chuter la fièvre qui couve au-dessus de Bamako. De ce point de vue, personne ne s’attend à ce que cette main tendue soit saisie systématiquement par une opposition qui sait que dans le contexte actuel, elle gagnera à maintenir la pression, pour espérer une bonne portion du gâteau. Prévue pour cet après-midi, la déclaration de Soumaïla Cissé est attendue avec une certaine frilosité. Elle situera davantage les Maliens sur l’ambiance d’après Tabaski. «Soumi» privilégiera-t-il la surenchère ou l’aggiornamento

Hamed JUNIOR, à Bamako

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