Prestation de serment d’Odinga au Kenya : Ultime lubie d’un opposant transi et sénile ?

Prestation de serment d’Odinga au Kenya : Ultime lubie d’un opposant transi et sénile ?

Vue de loin, la scène  de ce mardi 30 janvier au Uhuru parc peut paraître ahurissante et surréaliste ! Les partisans de Raila Odinga ne partageront certainement pas cet avis. Mais la cérémonie de prestation de serment de leur mentor a quelque chose de nauséabonde et caresse également les aspérités du ridicule. Un député et avocat a joué office de juge. Une Bible est censée conférer le caractère sacré de l’acte que l’opposant a posé. Mais quelle valeur aura-t-il aux yeux de l’ensemble du Kenya et quel impact sur l’histoire de  la marche politique du pays ? Même sans casse, ni présence de securocrates, cette prestation de serment est aussi puérile que risible.

Le scénario n’est pas nouveau. Le plus récent cas s’est produit en Côte d’Ivoire. Deux capitaines se sont retrouvés à la barre du navire battant pavillon Eburnie : Alassane Ouattara et Laurent Gbagbo. La suite, on  la connaît. Un bain de sang, un dénouement sanglant et un pays qui a de la peine à se relever, dix ans après. Si l’on sondait le fond des Ivoiriens, peut-être qu’ils auraient jugé ce bicéphalisme momentané mais désastreux, inutile pour la bonne marche de leur pays. Au Gabon déjà en 2009 l’opposant André Obame et «frère» d’Ali Bongo, le chef de l’Etat avait expérimenté ce double exécutif qui a fini en eau de boudin.

Plus récemment toujours pour les lambris du palais de bord de mer,  l’opposant Jean Ping qui n’a pas la «chance» (si on peut parler en ces termes) ou disons, n’a pas bénéficié des mêmes circonstances que le locataire de l’hôtel du Golf, entendez par là, Alassane Dramane Ouattara, s’est proclamé président «élu» du Gabon, déniant la victoire à  son adversaire politique, Ali Bongo. Mais jusque-là, il n’arrive pas à convaincre grand monde, pas plus qu’il ne jouit d’une réelle parcelle de pouvoir. Il n’est pas certain que la donne change véritablement jusqu’à la fin du mandat du fils de Bongo.

Les choses seront-elles différentes au Kenya ? Là, Odinga a purement refusé de participer au scrutin. Même si la commission électorale l’a maintenu dans la course, «contre son gré», peut-il aujourd’hui se prévaloir d’un quelconque résultat d’élection pour prêter serment ? Baraka et lois de la République ont mis momentanément les billes du côté de Raila Odinga, car l’acte héroïque de David Maraga, patron de la cour suprême quasiment rarissime sur le continent pour ne pas être souligné avait rebattu les cartes. Place pour une nouvelle présidentielle, avec d’ailleurs, une commission électorale épiée comme du lait sur du feu, pour ces travers et bourdes de la première présidentielle. Réélection dont Odinga sortira perdant, non sans avoir encore une fois excellé dans l’exercice qu’il pratique depuis plus d’une décennie : jeter ses ouailles dans les rues, battre le macadam, et offrir leur poitrail aux balles assassines des securocatres étatiques.

A l’évidence, il y a quelque chose de malaisé, une pièce gênante dans la manœuvre que le désormais président autoproclamé du Kenya a adoptée. Il n’est pas certain qu’elle prospèrera, à moins d’être l’antre qui portera les germes d’une nouvelle crise dans ce pays.

En attendant, il faudrait déjà qu’il donne une explication de l’absence de Kalonzo Musyoka, Musalia Mudavadi et Moses Wetangula, les trois autres leaders de la Nasa, qui devraient prêter serment avec lui. Mésentente ? Non partage des idéaux ? En 2008, on a indexé Uhuru Kenyatta qui a même tâté de l’épée de la CPI avec son vice-président, pour les violences post-électorales avant qu’un gentlemen agreement les exonérent. Cependant, on oublie souvent que Raila Odinga a également sa part de responsabilité dans l’inflammation de la valle du Rift et des plaines du Sherungetti.

En refusant de participer à la seconde présidentielle du 26 octobre 2017 de participer au second tour de ce combat suprême, Raila Odinga a opté de se retirer. Mais quel chemin empruntera-t-il pour cette retraite politique ? La grande ou la petite ? Avec le recul, on se convainc d’ailleurs que les Kenyans ont eu raison de ne pas voter Odinga qui prouve par cette prestation qu’il ne peut pas admettre une vie sans l’illusion d’être assis sur le fauteuil présidentiel. Avec ce geste insensé, Raila Odinga achève de lever le doute qui habitait certains qu’il faut se méfier des opposants dont la barbe a blanchi sous le harnais des combats politiques. Ils sont souvent soit de piètres présidents, s’ils sont élus, soit de mauvais perdants, prêts à instaurer le «Moi ou le chaos». Au Kenya, malgré cette prestation paisible, une paix fourrée règne désormais au Kenya, et nul ne sait comment seront faits les semaines et les mois à venir, avec cette ultime lubie d’un vieil opposant, transi et noyé par l’amertume.

Ahmed BAMBARA

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