Prise en charge des enfants autistes: Plus qu’un fardeau pour les parents

Prise en charge des enfants autistes: Plus qu’un fardeau pour les parents

 

Nombreux sont ceux qui ignorent l’existence de cette pathologie au Burkina Faso. Pourtant, elle est une réalité. L’autisme, puisque c’est de ça qu’il s’agit, est un trouble neuro-développemental envahissant, qui affecte l’enfant au niveau de la communication, de l’interaction sociale et du comportement. Vu la sensibilité du sujet et la honte qui l’entoure, la plupart des parents d’enfants autistes, dès l’apparition des premiers signes, se confie rarement à leur entourage parce que refusant d’admettre la situation de leur rejeton. Ce qui n’est pas sans conséquence. «Plus tôt le diagnostic est posé, mieux la prise en charge permet des thérapies comportementales, éducatives et familiales pouvant réduire les symptômes et favoriser le développement et l’apprentissage», estime Kiswendsida Noëllie Kouraogo, psychologue de l’éducation et de développement

Commémorée chaque 2 avril, la Journée mondiale de sensibilisation à l’autisme vise à mieux informer les populations sur les réalités de ce trouble neuro- comportemental du développement, qui n’est pas bien connu et son diagnostic parfois difficile à poser.

L’autisme et les troubles envahissants du développement forment un groupe hétérogène de pathologies caractérisées par des altérations qualitatives des interactions sociales, des problèmes de communication, des troubles du comportement, et dans la majorité des cas, des troubles des apprentissages. Les troubles apparaissent dans la petite enfance, c’est-à-dire avant 3 ans. En effet, comme le Diagnostic and statistical manual of Mental Disorders (DSM–5) ou manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, la Classification internationale des maladies Onzième révision (CIM-11), inclut l’autisme dans la catégorie des troubles neurodéveloppementaux. D’autres signes non spécifiques (troubles du sommeil, troubles de l’alimentation…) peuvent être également présents.

Psychologue de l’éducation et de développement, Kiswendsida Noëllie Kouraogo qui reçoit permanemment en consultation ces patients, fait savoir que les causes de l’autisme ne font pas encore l’objet d’un consensus au sein de la communauté scientifique.

«Un enfant ne devient pas autiste mais vient au monde avec ce trouble. Bien que l’on reconnaisse aujourd’hui l’importance des facteurs génétiques dans la survenue de l’autisme, la nature des variations génétiques impliquées n’est pas encore connue», explique-t-elle. C’est pourquoi, d’après notre spécialiste, il est actuellement raisonnable de considérer l’autisme comme étant un désordre neuro-développemental d’origine biologique impliquant un grand nombre de facteurs génétiques, dont on ignore cependant à ce jour le mode de transmission. Ainsi, l’éducation et la qualité de la relation mère enfant, n’ont rien à voir. Il en est de même du lien entre l’autisme et les vaccins contre la Rougeole, les oreillons et la rubéole (ROR) qui a aussi été scientifiquement réfuté.

A en croire Noëllie Kouraogo, si l’on se réfère à la dernière version de DSM-5, il existe une seule forme d’autisme, les TSA et dans ce cas, le syndrome d’Asperger et le trouble désintégratif n’existe plus. «Dans le DSM-5, on considère que c’est un continuum, c’est-à-dire qu’il s’agit des mêmes troubles qui se manifestent différemment», explique la psychologue de l’éducation et de développement. Et de faire remarquer que dans la précédente version, on retrouvait le syndrome d’Asperger, le syndrome de Ret, les troubles désintégratifs de l’enfant…

Bien qu’il soit entouré d’un tabou, l’autisme est une réalité au pays des hommes intègres. Et, nombreux sont les enfants atteints de cette déficience.

Cependant, il convient de souligner qu’aucun chiffre n’est disponible à l’heure actuelle. «Le trouble n’est pas bien connu et le diagnostic parfois difficile à poser. Dans ces conditions vous comprenez qu’il est difficile d’avoir des chiffres fiables», déplore la vice-présidente de Soleil Autisme Burkina, une association de professionnels qui accompagne les enfants autistes et leurs familles.

   «Il faut respecter le mode de fonctionnement de l’autiste»

Autre bémol, la plupart des parents d’autistes refuse de reconnaître la situation de leur enfant et partage difficilement leur vécu. Ce qui n’est pas sans conséquence. En effet, plus tôt le diagnostic est posé, mieux la prise en charge permet des thérapies comportementales, éducatives et familiales pouvant réduire les symptômes et favoriser le développement et l’apprentissage.

Par ailleurs, il est à relever que le trouble autistique s’accompagne parfois de troubles du comportement. «Les enfants autistes peuvent présenter parfois des comportements inadaptés voire violents. Ces comportements sont le plus souvent liés à leurs difficultés à communiquer», note Mme Kouraogo, qui affirme que pour vivre avec un enfant autiste, il faut connaitre et respecter son mode de fonctionnement.

En somme, à ce jour, il n’existe pas de traitement curatif contre l’autisme qui selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), concerne un enfant sur 140 dans le monde. Cependant, plus tôt le diagnostic est posé, mieux la prise en charge permet des thérapies comportementales, éducatives et familiales pouvant réduire les symptômes et favoriser le développement et l’apprentissage.

Plus qu’un fardeau pour les parents

A la suite des explications de la psychologue de l’éducation et de développement, nous avons recueilli le témoignage d’une maman d’enfant autiste, qui a souhaité gardé l’anonymat. A.S est mère d’une fillette autiste d’environ 3 ans. Le diagnostic a été établi par un spécialiste en la matière alors qu’au tout début, elle dit avoir mené des recherches sur Internet pour se faire une idée des comportements étranges de son rejeton. Le premier signe qui a attiré l’attention de cette maman, très émue en évoquant le sujet, c’est quand l’enfant n’arrivait pas à fixer du regard les gens. Ensuite, à l’appel de son nom, elle ne se retournait pas, on ne pouvait pas avoir son attention. Pire, la fillette s’est mise à tout manger. «Si elle tombe sur quelque chose seulement elle mange, même ce qui n’est pas comestible. Jusqu’à manger même ses propres selles, les crottes de souris, le sable, les cailloux…», fait-elle savoir. En plus de cela, l’enfant, à 18 mois, ne pouvait toujours pas marcher. A.S avait honte d’en parler à son entourage. «Comment dire à quelqu’un que ton enfant mange ses selles», s’interroge-t-elle avant de d’indiquer qu’il lui arrivait parfois de s’enfermer seule dans sa chambre pour pleurer en se demandant pourquoi cette situation lui est arrivée».

Comme la plupart des parents, elle vit difficilement cette situation. «C’est très difficile à supporter et à vivre. Quand une femme prend une grossesse, sa prière c’est d’arriver à terme en bonne santé et mettre au monde un enfant qui jouit de toutes ses capacités physiques, mentales, intellectuelles. Mais si d’aventure ce n’est pas le cas on peut dire que c’est plus qu’un fardeau que tu portes», assure-t-elle. Ajoutant : «lorsque tu as un enfant pareil, ce n’est pas le présent que tu vois mais le futur. Tu ne cesses de te demander ce qu’il deviendra». En outre, dans une société comme la nôtre où l’autisme est un sujet tabou, avoir un enfant autiste vous attire des regards. «Les gens ont souvent tendance à comparer les enfants et à faire leur diagnostic. D’aucuns vont dire que c’est un enfant possédé, certains diront que c’est un sorcier, etc. «Ils ne comprennent pas que ça peut arriver à tout le monde. Il n’y a pas cette maman qui souhaite vivre cette situation», foi de A.S

Une attitude exemplaire

Les regards moqueurs, les préjugés, les critiques et les questions de certaines personnes amènent des parents à enfermer leurs enfants à la maison. Un piège dans lequel il ne faut pas tomber mais on le fait malgré nous, a-t-elle concédé.

Mais qu’à cela ne tienne, elle dit n’avoir pas désespéré. Mieux, elle s’est armée très tôt de courage grâce aux prières pour chercher des solutions pour son enfant. Et, avec les différentes séances de rééducation entreprises, on note une nette amélioration. «Mon enfant ne mange ni ses selles, ni les crottes d’animaux. Si elle veut déféquer elle arrive à prendre toute seule son pot pour venir s’asseoir», se réjouit notre interlocutrice. Actuellement, c’est sur l’interaction avec les autres enfants qu’ils sont en train de travailler.

Pour assurer une meilleure prise en charge de leurs enfants, A.S invite les mamans qui se trouvent dans la même situation qu’elle, à l’accepter et à se lever tôt pour la recherche de solutions. La mise en place d’une association de mères d’enfants autistes serait également la bienvenue selon elle afin de se soutenir mutuellement.

Par ailleurs, elle n’oublie pas de faire un plaidoyer pour la réduction des coûts de prise en charge, qui constituent un casse-tête chinois pour nombre de parents. De ses dires, ce sont des enfants qui nécessitent beaucoup d’attentions, un suivi spécial. Et rien que les séances avec l’orthophoniste les forfaits vont de 40 000 francs à plus. Il y a aussi les séances chez le pédopsychiatre qui va analyser le comportement des troubles mentaux, la formation à suivre, les outils utiliser. Les difficultés sociales aussi ne manquent pas.

Boureima SAWADOGO

 

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