Procès Dabo Boukary : Journée de confrontations entre acteurs vivants et outre-tombe

Procès Dabo Boukary : Journée de confrontations entre acteurs vivants et outre-tombe

Dans l’après-midi de l’ouverture du procès le lundi 19 septembre, le général Gilbert Diendéré a affirmé que l’ordre d’arrestation des étudiants venait du cabinet de la présidence du Faso, dont le locataire n’était que Salif Diallo ; lequel a été auditionné dans cette affaire avant sa disparition. Hier, second jour des audiences, «Golf» a chargé Gaspard Somé, lieutenant au moment des faits, lequel selon le célèbre général burkinabè haut de forme, «n’en faisait qu’à sa tête». Gaspard Somé serait-il le sicaire qui a fait trépasser Dabo Boukary ? En tout cas, le général Diendéré a fait un lien entre Gaspard Somé et Salif Diallo, (supposée connivence entre «Gorba» et Gaspard au Conseil de l’entente à l’insu de Diendéré). Sur ces faits historiques, le grain de sel de Halidou Ouédraogo, infirme pourtant la déposition de Salif Diallo. Ce fut une journée de confrontations entre acteurs vivants et même post mortem politiques, sécuritaires, droit-de-l’hommiste, à laquelle on a assisté. 

Le procès Dabo Boukary, étudiant en 7e année de médecine assassiné le 19 mai 1990, était à son deuxième jour d’audience. Le mardi 20 septembre 2022, le général Gilbert Diendéré s’est défendu en chargeant le lieutenant Gaspard Somé qui malheureusement n’est plus de ce monde pour se défendre. Selon son récit, cet officier n’en faisait qu’à sa tête. Il fait cas de dysfonctionnements au sein du corps, et déclare ne pas être au courant de tout ce qui se passait. A la question de son conseil, Me Mathieu Somé de savoir s’il était au campus au moment de l’arrestation des étudiants, l’accusé répond par la négative. D’après lui, les étudiants manifestaient pour leurs intérêts. Lui qui était chargé de la protection du chef de l’Etat (à l’époque Blaise Compaoré) dit ne pas savoir ce qu’il irait chercher à l’université. Pour ce qui est de la manifestation qui a conduit à l’interpellation de l’étudiant et son assassinat, le général voit une manœuvre des politiques. Selon lui, il n’est pas exclu que Gaspard Somé soit de connivence avec ces derniers.

C’est Blaise Compaoré qui a informé Salif Diallo

Il faut rappeler que dans son témoignage qui a été lu, feu Salif Diallo, directeur de cabinet du président du Faso au moment des faits, a confié que c’est au téléphone, que Blaise Compaoré lui a annoncé le décès de Dabo Boukary. Quand il lui a demandé de savoir comment cela a pu arriver alors que la manifestation était terminée, le président a déclaré : «ce n’est pas les Gaspard-là». Poursuivant, le témoin estime que pour faire la lumière sur ce qui s’est passé, il va falloir entendre le général Gilbert Diendéré et le lieutenant Gaspard Somé, car ce sont ces deux qui dirigeaient le Conseil de l’entente à l’époque. La réponse de Golf ne s’est pas fait attendre. «Il n’y a pas deux capitaines dans un bateau. Je suis le commandant et si Salif Diallo dit que c’est Gaspard et moi qui dirigeons, cela veut dire qu’à mon absence, il vient le voir». A travers cette réponse, l’officier militaire à la barre, fait le lien avec ses déclarations selon lesquelles, il n’est pas exclu que le lieutenant agisse de connivence avec les politiques. Pour sa part, il réitère sa déclaration selon laquelle, il n’a pas assisté à l’assassinat de la victime ni donné d’ordre ou des moyens à qui ce soit et n’était au courant de rien. D’ailleurs souligne-t-il : «j’étais écœuré de savoir que des étudiants ont été séquestrés et qu’ils ont subi des sévices et même qu’il y a eu mort. C’est inadmissible». A la question de son conseil, Me Abdoulatif Dabo de savoir pourquoi avoir accepté enterrer le défunt s’il n’était au courant de rien, il déclare : «humainement, je ne peux pas voir un corps, le laisser comme ça et ne rien faire».

Il faut rappeler que pour sa défense, l’accusé Gilbert Diendéré, au premier jour de l’audience, a chargé l’ancien directeur de cabinet de Blaise Compaoré, Salif Diallo. Selon lui, c’est ce dernier qui a donné l’ordre d’arrêter les étudiants et c’est encore lui qui a pris la décision de l’inhumation dans la ville de Pô de la dépouille de Dabo Boukary

Des témoins qui n’ont rien à dire

Après l’audition de Gilbert Diendéré, c’est autour des témoins d’être appelés pour témoigner. A la barre, Georges Compaoré membre du CNEC (qui était sous le commandement de Gilbert Diendéré), commandant de compagnie, va déclarer ne rien savoir sur ce qui s’est passé après avoir indiqué que c’est le lendemain qu’il a appris le décès de Dabo Boukary. Il va décharger l’accusé en affirmant à la suite d’une question qui lui a été posée, que Gaspard Somé n’était pas aussi discipliné que ça, et qu’il ne refuse pas d’ordre. Cependant, il va indiquer qu’il ne peut pas amener des «étrangers» au Conseil de l’entente sans l’autorisation de la hiérarchie. A la question de Me Prosper Farama de la partie civile de savoir de qui le lieutenant recevait-il ses ordres au CNEC, le témoin va donner le nom du général Gilbert Diendéré. Mais avant, il souligne qu’il y avait des dysfonctionnements au sein du corps, et que des choses peuvent se passer à l’insu du premier responsable.

A sa suite, c’est Bertin Somda, gendarme à la retraite qui a déclaré ne rien savoir de cette affaire. D’après lui, c’est à travers les informations diffusées par les médias, qu’il a eu vent de ce qui s’est passé. Il faut rappeler qu’il était chef d’Etat-major de la gendarmerie au moment des faits. Dans la même veine, l’actuel ministre en charge de l’Administration territoriale, le colonel-major Omer Bationo, dans son témoignage, va déclarer n’avoir pas grand-chose à dire parce que tout simplement n’étant pas présent.

Me Halidou Ouédraogo, membre du MBDHP, à l’époque, a aussi témoigné. Il s’est impliqué dans la libération des étudiants interpelés à la suite de la manifestation. Il a appelé Salif Diallo dans ce sens, une déclaration que confirme le défunt dans son témoignage. S’il a déclaré qu’ils sont partis tous les deux en plus d’un autre membre du MBDHP au Conseil de l’entente pour la libération des étudiants, ce n’est pas l’avis de l’avocat de profession. Diendéré viendra confirmer plus tard, qu’il n’était pas effectivement présent au Conseil de l’entente.

A la suite de ces témoins, d’autres également ont été appelés à la barre.

Edoé MENSAH-DOMKPIN

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