Procès en appel Khalifa Sall : Une justice qui court  après une présidentielle

Procès en appel Khalifa Sall : Une justice qui court  après une présidentielle

Le tango que danse Khalifa Sall, ancien maire Dakar, et l’Etat sénégalais pèche par le tempo. Insistance des avocats de l’ex-bourgmestre de Dakar pour que la Cour reconnaisse l’arrêt de la Cour de justice de la CEDEAO, et surtout à un report de l’audience.

Fin de non-recevoir du juge Demba Kandji aux requêtes des avocats de la défense et pas seulement eux. Toujours est-il que ce début de procès en appel, reflète ce que subodorent et même lancent ex-cathedra de nombreux Sénégalais et pas que les ouailles de Khalifa Sall : ce procès exhale un parfum politique. En effet, comment comprendre que la Cour reconnaisse la décision de la CEDEAO et est même prête à verser les 35 millions de FCFA au célèbre embastillé de Rebeuss mais refuse d’accéder aux autres clauses de l’arrêt à savoir : violation de la présomption d’innocence, procès non équitable, détention arbitraire et ignorance de son immunité parlementaire ?

La question qui intrigue est : pourquoi ce procès au pas de charge, alors qu’il n’y a aucun facteur qui incite à cette accélération ou plutôt à cette précipitation ? La réponse à cette frilosité judiciaire se trouve à l’évidence dans le timing électoral et surtout dans les bouts de phrases lâchées par Me Félix Sow, avocat de l’Etat sénégalais : «le temps judiciaire est différent du temps politique… ils (Khalifa Sall et Cie) ont un agenda, et l’ont même dit. Ils veulent gagner du temps pour que M. Sall puisse se présenter comme candidat… donc, nous estimons que le dossier en l’état, il faut le plaider…».

L’explication, la voici donc : l’ancien édile se hâte lentement usant de tous les arguments pour se rapprocher le plus possible de février 2019, date de la présidentielle, alors que la justice veut serrer l’écrou de sa geôle, le plus tôt possible, afin qu’il fasse le deuil de cette compétition pour le mandat suprême. Pendant que la Justice sénégalaise veut aller vite pour solder cette affaire d’escroquerie dans laquelle le maire est supposé avoir trempé, le principal concerné freine des quatre fers pour retarder tout verdict judiciaire. Il n’est pas besoin d’être un stratège politique aux neurones dopés pour savoir que le véritable enjeu de ce tiraillement politico-judiciaire est la présidentielle de février 2019.

Toute confirmation de la décision en première instance du 30 mars à 5 ans de prison contre Khalifa Sall par la Cour d’appel lui ôte de la bouche toute opportunité d’être sur la ligne départ. La décision de la Cour de justice de la CEDEAO, intimant à l’Etat sénégalais de libérer le maire parce que son jugement en première instance n’a pas respecté ses droits fondamentaux a pris les traits aux yeux de l’accusé comme un sac de parachute qui apparaît par miracle sur les épaules d’un homme qui se dirigeait en chute libre vers le sol. Cependant, la Justice sénégalaise semble être décidée à trouer la toile de ce parachute, décidée à ne pas en tenir compte. L’imposition des décisions des juridictions supranationales aux juridictions nationales a toujours posé débat et ce dernier, avec cette affaire, n’est pas prêt d’être épuisé.

Quoi qu’il en soit, ses espoirs risquent d’être déçus et de s’envoler. Peut-on dire pour autant, comme le clament ses avocats, que Macky Sall, le président-candidat à la présidentielle de 2019, est maestro qui orchestre toute cette symphonie, caché derrière les rideaux opaques de la séparation des pouvoirs ? Il y a dans tous les cas des coïncidences troublantes.

Pourquoi cette affaire Sall a-t-elle débarqué à quelques encablures du scrutin présidentiel contre un homme qui est présenté comme candidat sérieux ? L’élection du maire comme député alors qu’il était en prison a-t-elle effrayé le parti au pouvoir ? Peut-être que la règle du parrainage, imposée pour donner plus de «sérieux» à la présidentielle et surtout pour diminuer le nombre de candidats, n’a pas suffi à dissuader Khalifa Sall, faisant douter son «frère» Sall.

Le doute est permis. La politique n’est pas une cour réservée aux enfants de chœur et les coïncidences fortuites se rencontrent rarement sur ce boulevard truffé de guet-apens et de pièges en tout genre, aussi dangereux que multiformes.  Et lorsqu’un avocat de l’Etat se lâche ainsi, c’est qu’il avoue que la justice supposée indépendante, est dans ce cas de Sall, stipendiée, usée et abusée par l’exécutif pour empêcher un sérieux challenger au président-candidat Macky Sall, de rempiler. Oui, le refus catégorique de la Cour de renvoyer ce procès en appel, et l’aveu d’un des hommes en robe, confirme que Khalifa Sall n’est pas un justiciable comme les autres et c’est moins les 1,8 milliard de FCFA qu’il aurait dissipé à la mairie que son dur désir d’étrenner le mandat suprême que lui valent ses avanies judiciaires. Mais attention tout de même, bien souvent, la prison de Rebeuss a été  un purgatoire, mais également un passage et même un marche-pied pour la présidence de la République.

Ahmed BAMBARA

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