Procès putsch manqué : Ce matin, début des témoignages !

Procès putsch manqué : Ce matin, début des témoignages !

Débutée le 29 juin 2018, l’audition des accusés dans le cadre du procès du coup d’Etat manqué  du 16 septembre  2015 a  pris  fin le vendredi 25 janvier avec l’interrogatoire complémentaire du sergent-chef Lawoko Mohamed Zerbo. Au total, 74 accusés  ont pu faire leur déposition à la  barre du tribunal militaire, tandis qu’une disjonction de procédure sera appliquée à 2 autres. Passée donc cette étape, place est maintenant fait aux témoignages qui débutent ce lundi 28 janvier 2019, avec Bénédicte Jean Bila comme premier témoin du parquet à passer à la barre.

Premier accusé à être appelé à la barre pour le début des auditions le 29 juin 2018, le sergent-chef Lawoko Mohamed Zerbo a également clôturé la première phase de cette procédure judiciaire suite à la décision du président du tribunal d’entendre à nouveau cinq accusés. Rappelé à la barre le vendredi dernier pour une audition complémentaire, celui qui se dit instructeur commando  est venu pour rétablir la vérité des faits, comme l’avait d’ailleurs annoncé son avocat. «Les gens se sont déchargés  sur lui car il a été le premier à comparaitre», nous confiait Me Idrissa Badini. Ainsi donc, répondant au président du tribunal, l’accusé affirme qu’il maintient sa déposition faite en première comparution.

«On m’a mis dans la prison de Blé Goudé»

Toutefois, il rejette certaines déclarations notamment celles contenues dans son Procès- verbal (PV) dressé par les enquêteurs ivoiriens après son arrestation le 20 novembre 2016, en vertu d’un mandat d’arrêt international.  Dans ce procès-verbal, l’ex-sous–officier du Régiment de la sécurité  présidentielle (RSP) dit avoir participé à l’arrestation des autorités de la transition. Mais pour lui, ce ne sont que des aveux suite aux tortures qu’il a subies de la part de ces enquêteurs. «Je leur ai dit ce qu’ils voulaient entendre», déclare- t-il. A l’en croire, il était dans la prison de «Blé Goudé», car enfermé nu dans une cellule carrelée de la Direction de la sûreté territoriale (DST). Pour faire ses besoins, c’est à l’aide d’un bidon d’eau divisé en deux qu’il se servait. «Je déféquais dans l’un et j’urinais dans l’autre», déplore le mis en cause. En outre, ce qui est d’autant   plus révoltant pour Lawoko Mohamed Zerbo est que ces enquêteurs ivoiriens avaient un fil conducteur parce qu’ils ont été conditionnés dans leur travail par le ministère public burkinabè qui n’a pas hésité de mettre à leur disposition un certain nombre d’informations dont des secrets militaires. Au regard donc de tout cela, le sergent- chef  récuse  ce PV. Devant l’insistance du parquet, il laisse entendre ceci : «je ne souhaite plus évoquer ce PV ivoirien, car je sais dans quelles conditions, j’ai fait mes déclarations. Avec tout le respect que je vous doit je vais user de mon droit pour ne plus répondre». Cependant, à  écouter le procureur militaire, ce n’est qu’une stratégie de défense connue de tous. Quand vous êtes en difficulté vous  ne voulez pas qu’on en parle, ajoute l’accusateur. Balayant du revers de la main la thèse de  Mohamed Zerbo, le ministère public l’interroge en ces termes : «Si tel était le cas, pourquoi n’avez-vous pas contesté ce PV devant le juge d’instruction ou à la Chambre de contrôle pour qu’il soit annulé ?». Les avocats des parties civiles, par le truchement de Me Guy Hervé Kam partage la même position. «Un homme peut tout perdre mais pas sa dignité. Ce n’est pas un honneur pour moi de raconter ce qu’on m’a fait», rétorque l’ex-RSP. Décidé à prouver la culpabilité de ce dernier sur les faits à lui reprochés, le procureur revient à la charge avec d’autres éléments du dossier. Se basant cette fois-ci sur des propos du caporal Dah Sami, la partie accusatrice souligne que le sergent-chef Zerbo à l’instar d’autres éléments n’était sous les ordres de personne durant les événements des 16 septembre et jours suivants. En plus, qu’il faisait partiedu groupe de soldats qui terrorisaient la population en ville. Face donc à ces accusations gravissimes, l’instructeur commando fait observer que le caporal Dah n’a jamais été avec lui sur le terrain. Ceci étant, il se demande : «Comment a-t-il fait pour savoir que je faisais cela ?». Pour couper court à cette accusation, il déclare n’avoir pas reçu d’ordre illégal du  colonel -major Boureima  Kiéré qui, selon ses dires  lui donnait des ordres au moment des faits. En ce qui concerne les missions durant les événements, il dit avoir effectué des patrouilles, fait le maintien d’ordre et assurer des missions d’escorte sur ordre de l’adjudant- chef major Eloi Badiel.

«Je suis un commando qualifié confirmé mais pas invisible»

Le sergent- chef Zerbo était- il un indiscipliné et un incontrôlé au RSP ? A cette interrogation, bon nombre d’officiers dont le chef de corps adjoint en personne répondront certainement par l’affirmative. En effet, si l’on s’en tient aux dépositions du commandant Aziz Korogo, du capitaine  Ousseine  Zoumbri, des lieutenants Aliou Ghislain Gorgo, et Relwindé Compaoré pour ne citer que ceux-là, le régiment de la sécurité présidentielle que les Burkinabè vantaient les mérites regorgeait   en son sein des bidasses  qui n’en faisaient qu’à leur guise et ne se soumettaient point aux ordres de la hiérarchie. Certains officiers s’indignaient à la barre du fait que des sanctions étaient prises à leur encontre mais n’aboutissaient jamais, preuve qu’ils  bénéficiaient du soutien d’autres chefs. Pire, pendant les événements de septembre 2015, ce groupe d’indisciplinés qui échappaient au contrôle de la hiérarchie du corps, dont faisait partie Mohamed Zerbo, selon des officiers  a été qualifié de «commando invisible», compte tenu de ses agissements : patrouilles en ville dans des V8 noirs, port de cagoules, exactions sur la population, opposition au désarmement. Tout en réfutant catégoriquementtoutes ces accusations, celui qui est condamné à 30 mois de prison pour désertion a d’abord confié qu’il est un commando qualifié, confirmé mais pas invisible. Ensuite, il s’est déployé à apporter des preuves par rapport à l’utilisation des motos du corps, que lui reprochait son chef lors de son passage à la barre. Continuant son argumentaire, il dit n’avoir jamais eu de problème avec le commandant Korogo. «Il est mon chef et je le respecte au même titre que les autres officiers», assure-t-il. Mais, qu’à cela ne tienne, il martèle : «il faut  rétablir la vérité des faits, car beaucoup de choses ont été dites sur moi du fait que j’étais en fuite». Enfin, relativement au désarmement, le fantassin clame qu’en aucun moment il ne s’y est opposé. Mieux, il a réintégré son pistolet automatique et sa kalachnikov le 24 septembre mais également, contribué à raisonner les jeunes qui s’opposaient à cette décision de la hiérarchie militaire.

Me Badini demande au parquet de se contenter des  propos tenus à la barre

Vent opposé à l’exploitation du PV ivoirien par l’accusateur contre son client, Me Idrissa  Badini  s’interroge : «Est-ce qu’une personne qui a été amenée à déposer dans ces conditions, peut déposer raisonnablement pour qu’on utilise cela pour le charger ?» Et de répondre : «Ce n’est pas possible». A cet effet, il invite le parquet militaire à s’en tenir qu’à la déposition de l’accusé faite  à la barre et non vouloir les ramener en arrière en parlant de ce PV.  S’adressant cette fois-ci au commandant Korogo, l’auxiliaire de justice se dit persuadé que  c’est une  parenté à plaisanterie de sa part. Sans quoi, il ne comprend pas pourquoi il cite son client comme faisant partie des instigateurs du coup d’Etat. «Il n’a pas pu se justifier. Il s’est contenté de dire qu’il a eu à faire à lui avant et pendant les événements», a laissé entendre Me Badini.

Des témoins  attendus à la barrece matin

L’interrogatoire du sergent-chef Lawoko Mohamed Zerbo vient mettre fin à ces auditions complémentaires qui a concerné cinq accusés. Toutefois, le président du tribunal tenait à débuter la deuxième phase de cette procédure judiciaire que ce sont les témoignages dans l’après-midi du vendredi. Mais en concertation, les avocats des parties civiles et de la défense ont sollicité un ajournement afin de se préparer  convenablement. Cette requête a eu l’onction de Seidou Ouédraogo qui a renvoyé le début de ces témoignages pour ce lundi 28 janvier 2019 tout en communiquant la liste  des dix (10)  premiers témoins. Sur ce, l’audience a été suspendue. Elle reprend ce matin à la salle des banquets   de  Ouaga  2000 faisant office de tribunal militaire.

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN

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