Procès putsch manqué : La confraternité entre avocats plombe les débats

Procès putsch manqué : La confraternité entre avocats plombe les débats

L’ex-bâtonnier Me Mamadou Traoré, appelé à la barre le mercredi 21 novembre a regagné le box des accusés hier jeudi 22 novembre 2018. Lors de son deuxième passage, ses conseils ont tenté de prouver son innocence dans cette affaire tandis que les parties civiles et le parquet militaire ont quant à eux développé des arguments en vue d’attester sa culpabilité. Chaque partie a fait des observations qui sont dignes d’intérêt.

Le mercredi 21 novembre 2018, l’ex-bâtonnier Mamadou Traoré a été appelé à la barre pour s’expliquer sur le rôle qu’il a joué dans le putsch manqué du 16 septembre 2015. Il avait passé ladite journée à répondre aux questions du président du tribunal, du parquet et des parties civiles. Ses conseils, les bâtonniers Me Moussa Coulibaly de la Guinée et Me Patrice Montey du Cameroun, vont attendre la journée du jeudi 22 novembre pour faire leurs observations.

Prenant en premier la parole, le bâtonnier guinéen Me Moussa Coulibaly débute ses observations par une sagesse africaine qui dit ceci : «celui qui sait qu’il ne sait pas saura et celui qui ne sait pas et prétend savoir ne saura jamais». Estimant que cela fait 24 heures que le prévenu a répondu de ce qu’il sait et de ce qu’il a fait durant les évènements, l’avocat confie qu’il n’a fait qu’exercer son travail d’avocat contrairement au parquet.

Prenant au mot les parties adverses qui trouvent suspect le fait que l’ex-bâtonnier se soit rendu au camp Naaba Koom II alors qu’il y avait des tirs, son conseil note que c’est son sacerdoce. D’après lui, son client a exécuté une mission qui lui  été confiée. Il regrette que l’exécution de ladite mission l’ai conduit devant le tribunal et qu’il soit aussi porteur de charges infamantes et infondées.

Rappelant que le camp adverse a déclaré que l’avocat est un auxiliaire de justice, celui-ci indique qu’aujourd’hui l’avocat  est un acteur du service public. Il renchérit, «aujourd’hui la fonction d’avocat à un large spectre». Se basant sur ce fait, il a invité le tribunal à replacer son client dans cet aspect.

Son confrère Me Patrice Montey abondera dans le même sens que lui. Il rappellera au président du tribunal que ce qui l’échoit aujourd’hui, c’est la recherche de la vérité. Au nom de cette vérité, il a souhaité faire des observations car à l’en croire, des choses ont été dites et elles sont inadmissibles. Pointant du doigt l’observation du parquet selon laquelle, les déclarations de l’accusé contredisent celles faites par des témoins et coaccusés à savoir le médecin-colonel Seydou Yonaba, le chef de corps de l’ex-RSP Aziz Korogo, le capitaine Zoumbri, le général Gilbert Diendéré qui porte les péchés d’Israël selon ses mots ; l’avocat de l’ex-bâtonnier déclare que le ministère public fait une lecture à trou des déclarations de ces derniers. Convaincu que le parquet ne dispose pas d’éléments concrets pour incriminer son client, il rappelle que l’on est dans un procès pénal et que la charge de l’accusé incombe à l’accusateur.

Il plaide non coupable des charges de coups et blessures et de meurtres

Me Mamadou Traoré est resté camper sur sa position quand le président du tribunal lui a demandé de savoir s’il reconnaissait les faits de coups et blessures et de meurtres qui pèsent contre lui. A l’entendre, le fait qu’il soit poursuivi de ces chefs d’accusation alors qu’il ne porte même pas d’arme nécessite une réflexion. Pour la petite histoire, le prévenu confie que depuis qu’il exerce la profession d’avocat, c’est juste une seule fois qu’il a plaidé la peine de mort dans un procès où il était l’avocat d’un de ses professeurs dont la femme a été sauvagement assassinée.

De toute sa carrière il a lutté pour son abolition et qu’avec le CNT il a énormément œuvré dans ce sens, a-t-il soutenu. S’il a tenu a raconté l’histoire en question, c’est pour montrer que tuer ou blesser ne sont pas de ses habitudes.

Son mea-culpa n’a visiblement pas convaincu le procureur militaire. Il lui a rappelé qu’il était à l’hôtel Laïco où il a été présenté par le général Gilbert Diendéré comme faisant partie de sa délégation. Sans langue de bois, le ministère public déclare : «nous sommes convaincus que l’accusé a apporté un soutien, une aide à l’attentat à la sûreté de l’Etat». «Loin d’être un émissaire de Macky Sall, il était le conseiller juridique du général Gilbert Diendéré», a-t-il soutenu. Au regard donc de ces éléments, le procureur militaire conclut qu’il n’y a pas de doute, l’accusé est coupable et par conséquent l’article 67 lui est imputable.

Me Séraphin Somé ne partage pas la position de la défense

Tout comme le parquet, les avocats des parties civiles ont balayé du revers de la main les observations de la défense. Ces propos : «des choses ont été dites ce matin qui sont inexactes et qui méritent d’être clarifiées», de l’avocat des parties civiles, Me Séraphin Somé, en est une illustration.

Rappelant qu’il a été soutenu que les charges qui pèsent contre l’accusé sont infamantes, il confirme que c’est vrai. Pour lui, être accusé de complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat, de meurtres et de coups et blessures est infamant et gravissime. S’agissant d’un homme de droit, il ajoute que ces faits sont encore plus infamants. Prenant au mot la défense qui, dans ses observations avait parlé de rupture d’égalité des droits, l’avocat des parties civiles a cherché à savoir à quel moment les droits des accusés ont été bafoués dans ce procès ?

Face à une telle accusation, l’homme de droit dit comprendre la stratégie de la défense qui est de décrédibiliser la justice. «C’est de bonne guerre», a-t-il soutenu. Son inquiétude est que l’on sorte du procès en pensant qu’on s’acharne sur la personne de Mamadou Traoré. Sur ce, l’interrogatoire de ce dernier a pris fin peu après 15 heures. L’audience se poursuit ce matin avec à la barre Ousséini Faïssal Nanéma dont l’interrogatoire avait été interrompu le 8 octobre dernier pour conflit d’intérêt

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN

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