Procès putsch manqué : Révélation sur les identités des hauts gradés ivoiriens

Procès putsch manqué : Révélation sur les identités des hauts gradés ivoiriens

C’est le deuxième jour que le colonel-major, Boureima Kiéré passe à la barre dans le cadre du procès du putsch manqué du 16 septembre 2015. L’audition de ce mardi 13 novembre 2018 sera marquée par un désaccord entre les différentes parties en ce qui concerne les identités apparemment de hauts gradés de l’armée ivoirienne que le parquet n’a pas voulu dévoiler quand il opposait l’accusé aux messages qu’il a reçus de ces autorités ivoiriennes.

Le colonel-major Boureima Kiéré a-t-il soutenu de son plein gré le coup d’Etat du 16 septembre 2015 ? Si l’accusé le reconnaît tout en indiquant l’avoir fait par contrainte, le parquet n’est pas de cet avis. C’est convaincu de sa position qu’il va tenter de prouver la culpabilité de l’accusé. Pour cela, le procureur va opposer le prévenu aux messages qu’il a reçus et dont les destinateurs sont visiblement de hauts gradés de l’armée ivoirienne. Il faut rappeler qu’il y a eu d’autres messages que l’officier militaire de l’ex-RSP a reçus et dont les expéditeurs sont des Burkinabè. Quelques exemples : «j’ai besoin de vous pour pouvoir régler le problème de technicien à la télé». Il est signé épouse de Golf.

Un autre exemple : «mon frère mon soutien tenez bon», de Dr. Zouré. Un troisième : «obtenu soutient Le Balai citoyen de Bobo pour vous». Invité à s’expliquer, le prévenu en ce qui concerne le premier message a déclaré ne pas l’avoir lu. Pour ce qui est du second, qu’il reconnaît l’avoir lu, et confie que c’est par courtoisie qu’il a répondu à l’expéditeur. Afin d’en savoir un peu plus, le parquet va lui demander de savoir de quel soutien parle-t-il dans son message ? Comme réponse, l’accusé va indiquer qu’il traversait une situation et c’est pour le soutenir que le message lui a été envoyé. Le parquet ne partageant pas cet avis a fait savoir que le soutien dont il est question ici est lié à la prise du pouvoir par le RSP. Revenant sur le premier, il indique que l’épouse de Golf est Fatou Diendéré. D’après lui, il y avait un besoin de technicien à la télévision et ces problèmes sont liés à la lecture de la déclaration du CND.

Les messages envoyés par les hauts gradés ivoiriens

Ce ne sont pas que des Burkinabè qui ont envoyé des messages au colonel-major Boureima Kiéré. Il en a reçu également d’officiers ivoiriens. Exemples : «demande au grand frère s’il peut rentrer d’urgence en contact avec moi», «mon patron cherche à joindre le général en vain. Le joindre urgemment sur ce numéro», «mes respects mon colonel, le CEMGA voudrait savoir si la situation s’est calmée». Invité à s’expliquer de nouveau, le prévenu a confié qu’il a été pendant 20 ans, l’aide de camp de l’ancien président du Faso, Blaise Compaoré ce qui fait qu’il a gardé les relations avec beaucoup d’hommes politiques ivoiriens. Pour ce qui est du premier message, il confirme que le grand frère doit être le général Gilbert Diendéré. Il y a aussi un message envoyé par le capitaine Zoumbri au colonel-major dans lequel, le capitaine lui a donné trois numéros appartenant au président de l’Assemblée nationale  de la Côte d’Ivoire, Guillaume Soro en lui signifiant que l’homme politique ivoirien demande à ce qu’il l’appelle si on en croit le procureur militaire.

Le désaccord entre les différentes parties au procès

Si l’audition du colonel-major a débuté ce mardi 13 novembre 2018 avec des questions portant sur les messages, la série de questions posées par le procureur militaire sera interrompue avec l’intervention de l’avocat des parties civiles, Me Prosper Farama. Il a en effet souligné le fait que le procureur militaire en lisant les messages, ne donne pas les identités des expéditeurs. En réponse à l’observation de Me Farama, le parquet va déclarer qu’il ne veut pas mettre à mal les relations entre la Côte d’Ivoire et le Burkina Faso. Afin de calmer Me Farama, il fait savoir qu’il se peut qu’une procédure  de dénonciation soit entamée contre les personnalités ivoiriennes impliquées dans le dossier.

L’argument avancé par le parquet n’a pas convaincu l’avocat qui va lui demander de donner les identités. D’après lui, la justice n’a rien à voir avec la politique. Estimant que l’on est à la recherche de la vérité dans ce procès, il soutient que le parquet doit donner les identités surtout s’il n’y a pas de base juridique qui l’autorise à ne pas le faire. Pour lui, il n’est pas question d’affirmer que c’est un pays ami dont il est question et qu’il ne faut pas remuer le couteau dans la plaie comme tente de le faire croire le parquet. «Même si c’est un général, il faut donner son nom car un ami ne soutient pas un coup d’Etat, il ne vient pas tuer dans un pays frère», a-t-il conclu.

Il sera soutenu par son confrère Me Séraphin Somé qui va rappeler que l’on ne veut pas d’un procès «mouta-mouta». Comme son prédécesseur, il souhaite que les identités de ces hauts gradés soient données. C’est important, a-t-il soutenu, car «si on refuse de donner les identités, quand le général Djibrill Bassolé passera à la barre, comment va-t-on procéder ?», s’est-t-il demandé. Prenant la parole, Me Dieudonné Boukoungou de la défense fera savoir que les parties civiles se sont réveillées d’une léthargie qui a trop duré ; ce qui l’amène à poser la question suivante : «c’est maintenant que vous savez que le procès est mouta-mouta» ? Pour lui l’attitude qu’adopte le parquet montre que le procès est manipulé. Son avis sera partagé par Me Mireille Barry aussi de la défense qui va parler de manipulation du procès. Rappelant que le parquet dès le début de l’interrogatoire a donné les noms des organes de presse burkinabè tels que Le Courrier confidentiel et Le Reporter, elle dit avoir l’impression que l’on veut envoyer certains en pâture et protéger d’autres.

Se désengageant de la position de la défense, Me Olivier Yelkouni aussi de la défense, va rappeler qu’il y a des messages d’ordre sécuritaire qu’il faut manipuler avec prudence. S’opposant à lui, Me Barry pense que cette façon de voir les choses, rejoint la manipulation. Elle confie qu’il a été demandé de retranscrire seulement les messages ayant trait au procès. Sa position est que si des messages dits sensibles se retrouvent dans le dossier c’est dans le but d’étayer une thèse. Convaincue des propos qu’elle avance, l’avocate de l’accusé à la barre déclare qu’elle va utiliser les éléments en question pour défendre ses clients.

Chacun campé sur sa position, le président du tribunal a procédé à une suspension dans le but de s’entretenir avec ses collaborateurs. Après réflexion, il va délibérer comme suit : «le parquet est loisible de présenter les éléments à charge comme il l’entend. C’est quand l’on a l’impression que le secret-défense est en jeu, que le tribunal va intervenir». A la suite de cette délibération l’interrogatoire de l’accusé s’est poursuivi.

A quoi devrait servir  les 160 millions du général Diendéré ?

Prenant la parole au niveau des avocats des parties civiles pour ses questions et observations, Me Ali Néya a interrogé le colonel–major de savoir pourquoi il n’a pas démissionné de son poste de Chef d’état-major particulier de la présidence du Faso (CEMPPF) lorsqu’il y a eu la prise d’otage ? «Démissionner n’était pas la bonne solution. Ça serait catastrophique, car il fallait rester à côté pour faciliter la médiation», a préconisé Boureima Kiéré.

Reconnaissant le lundi avoir remis la somme de 100 000 francs au caporal Dah Sami (Il était venu m’exposer un problème social et je l’ai aidé), avait indiqué l’officier supérieur, l’auxiliaire de justice a voulu savoir s’il y avait une caisse noire à l’état-major de la présidence. Mais à entendre le mis en cause, c’est avec ses propres fonds qu’il venait en aide aux jeunes soldats. «Depuis que je suis officier,  je suis toujours sensible aux problèmes des jeunes soldats et je n’hésite pas à les soutenir». Ainsi donc, il précise que cette largesse n’est pas liée à son poste à la présidence du Faso.

En ce qui concerne le communiqué du Conseil national de la démocratie (CND), l’ex- chef d’état-major particulier, répondant à une question de Me Gui Hervé Kam, a laissé entendre qu’il n’a pas assisté à sa finalisation. Par contre, il a participé à la désignation du lieutenant Boureima Zagré, celui qui devait le lire le 17 septembre à la télévision nationale (TNB).

Toutefois, le Conseil national pour la démocratie (CND) du général Gilbert Diendéré a pendant son laps de temps de règne bénéficié de  soutiens extérieurs notamment  de pays frontaliers du Burkina Faso.  Au nombre de ces soutiens il y a les 160 millions venus de  la  Côte d’Ivoire. En effet, considéré comme celui qui a reçu cette somme de la part de Golf le 26 septembre 2015, en vue de motiver la troupe à résister, le colonel Kiéré a tenu à s’expliquer suite à cette question de Me Gui Hervé Kam : «A quoi devrait servir les 160 millions que le général Gilbert vous a remis ?» ; «Il ne m’a pas expliqué clairement ce que je devais en faire. Il avait promis de me revenir plus tard pour me donner des instructions», a t- il rétorqué.

Tout en assurant avoir confié 75 millions à la secrétaire du trésorier de l’ex-RSP, Seydou Gaston Ouédraogo par mesure de prudence et gardé par devers lui le restant (85 millions), le colonel–major soutient que dès le lendemain le général l’a rappelé pour réclamer son argent. Par ailleurs, il a reconnu que les éléments de l’ex-RSP avaient  sollicité une aide financière au général Gilbert Diendéré. L’interrogatoire du colonel-major Boureima Kiéré se poursuit ce matin à la salle des banquets, tenant lieu de tribunal militaire.

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN

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