Procès Thomas Sankara du 11 octobre : Quelques ficelles pour  être dans le bain

Procès Thomas Sankara du 11 octobre : Quelques ficelles pour  être dans le bain

34 ans après que le fringant capitaine et père de la Révolution burkinabè tomba sous les balles assassines au Pavillon Haute-Volta du Conseil de l’Entente, l’épais brouillard sur l’identité de ses tueurs va-t-il enfin se lever à l’issue du procès qui s’ouvre le 11 octobre prochain ?

Tout ou presque a été dit sauf la vérité sur la mort de celui qui passa à la postérité comme le Che Guevara africain, le vrai étant tombé sous la mitraille de soldats boliviens. En tout cas, dans l’imaginaire des burkinabè, et pas seulement eux. Quant à la justice, il aura fallu le courage et la ténacité de la famille notamment la veuve Mariam et toute la myriade d’associations et d’ONG qui portent le nom de celui qui adopta la rustique Renault 5 comme voiture officielle en lieu et place de la rutilante Limousine, et la Transition aussi pour que ce procès voit le jour.

Et Houphouët et la France dans tout ça ?

A J-7 de ce jugement hors normes de par le gabarit du défunt, nous consacrons un dossier sur l’évènement : Les Doc d’Auj (Documents d’aujourd’hui), à travers plus d’une dizaine de pages, en donnant la parole à d’anciens compagnons du Président du CNR.  Les survivants donc, car on aurait aimé écouter les Valère Somé, Babou Paulin Bamouni, Patrice Zagré, Frédéric Kiemdé… mais il y a toujours les Fidèle Toé, Nongma Ernest Ouédraogo, Abdoul Salam Kaboré, Nayabtigougoum Congo Kaboré alias le «Nayab», Laetare Basile Guissou, Boukary Kaboré dit le «Lion» …

Qui sont les commanditaires de la mort de Tom Sank? «Ils sont connus, certains ne s’en cachaient pas» affirment en chœur Fidèle Toé, et «Le Lion» et que c’est à celui que profite le crime qui a ourdi sa disparition en l’occurrence Blaise Compaoré, disent-ils en substance. Le 15 octobre selon les camarades de Sankara a été bien mûri. Sankara amorçait un virage, par un long mea culpa dont le texte a été écrit soutient par exemple Fidèle Toé, lequel ne croit guère à cette chimère de Coup d’Etat de 20 heures (lire page 4-5)

La Force d’intervention du ministère de l’Administration territoriale et de la Sécurité (FIMATS) qui était pratiquement créée et dont le commandement allait échoir au redoutable Askia Sigué dont les relations avec Blaise étaient exécrables, cette FIMATS a-t-elle précipité les évènements ? De Téma-Bokin, où il est désormais maire (UNIR/PS), Nongma Ernest Ouédraogo (lire page 8-9) affirme qu’effectivement  «l’affectation de Sigué à cette unité posait problème». Pour Nongma Ernest, cette histoire qu’on était allé  pour arrêter Thomas au Conseil est un conte pour enfant, «difficile à avaler».

Le procès du 11 octobre selon l’ex-premier flic de Sankara est «une occasion en or pour Blaise». Dans cette galerie de compagnons-survivants, figure évidemment le Lion, qui depuis son champ de Makognadougou, où il a troqué depuis des années la Kalach contre un habit de gentleman-farmer local, Boukary Kaboré, ex-patron du Bataillon d’intervention aéroporté (BIA), basé à l’époque au palais de Maurice Yaméogo (NDLR : 1er président du pays) à Koudougou, soutient que si lui et ses hommes ne se sont pas opposés à Blaise, ils ont surtout condamné l’assassinat de Sankara, car si réaction il devait y avoir du BIA, «personne n’allait survivre à Ouaga , ce n’est ni le prétendu refus des camps de Dédougou et de Bobo qui ont fait que le BIA a déposé les armes, mais pour préserver des vies» (NDLR : Malgré cela plusieurs soldats du BIA ont été tués le 27 octobre 1987 à Koudougou) .

De Makognadougou, le «Lion» continue de rugir

Le Lion estime que «Blaise a été téléguidé» pour assassiner Sankara, et Houphouët et la France ont été les commanditaires.

L’ex-président ivoirien est soupçonné d’avoir commandité le régicide du Conseil, chacun se rappelle les passes d’armes lors d’un sommet du Conseil de l’Entente entre les deux. Sankara devait en assurer la présidence. Houphouët s’opposa : «Pas vous (Sankara) car vous êtes irrespectueux». Sankara répliqua au père de la nation ivoirienne : «Et vous un vieux gâteux !»

En octobre 1983, au sommet France-Afrique de Vittel, Sankara a quasiment tout boycotté et malgré que le président Mitterrand ait envoyé son fils Jean-Christophe alias «Papamadit» à son hôtel, il a boycotté le diner, et au sommet n’a pas pris la parole. Lors de son séjour ouagalais, Mitterrand, le 17 novembre 1986 s’est frotté à lui pour des amabilités. L’ex-métropole a-t-elle fait assassiner le bouillant révolutionnaire ? Nul ne le sait de façon tranchée.

Pour Laetare Basile Guissou, ancien chef de la diplomatie sous Sankara, ce sera des faits concrets qu’on va juger le 11 octobre, et pour lui, «le général Gilbert Diendéré est l’accusé VIP du procès».

Ce tour de table serait incomplet sans Alouna Traoré, l’unique rescapé qui estime que «Thomas Sankara a été tué pour avoir aimé son pays» et, espère que ce procès tournera définitivement la page pour une réconciliation véritable entre Burkinabè.

Aline Ariane Bamouni, Directrice  de publication déléguée

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