Procès Vamoulké au Cameroun et Kabuga en France : Vraie et fausse recherche de l’injustice minimale

Procès Vamoulké au Cameroun et Kabuga en France : Vraie et fausse recherche de l’injustice minimale

D’une justice, l’autre. Alors que le jugement de celui qui vraisemblablement est l’un des bouchers de l’holocauste rwandais de 1994, Félicien Kabuga a repris hier pour le préparer à aller au mécanisme pour les tribunaux internationaux (MTPI), celui de notre confrère Amadou Vamoulké qui a repris le mardi se poursuit au Cameroun. Deux procès judiciaires, pas pour les mêmes raisons, ni par la même justice. Deux procès, deux justices !

Félicien Kabuga, selon les témoignages, a utilisé sa fortune pour armer les génocidaires, avec machettes, munitions et armes à feu et via la radio Mille Collines, il a incité à la haine, à la violence, à tuer, il a transformé le Rwanda en mille fosses communes. Depuis quasiment un quart de siècle, ce presque nonagénaire se planque en changeant de pays, d’identités, et bénéficiant  sans doute, grâce à ses moyens de complicités.

Son arrestation en France le samedi 16 mai, est un ouf de soulagement pour les parents des victimes, les rescapés et pour cette deuxième comparution, il s’est agi de statuer sur sa demande de mise en liberté provisoire. Demande rejetée par la Cour d’appel de Paris, à juste raison d’ailleurs car pour quelqu’un qui aura réussi à se tapir dans l’ombre pendant plus de deux décennies, lui octroyer cette liberté provisoire, équivaut à un passeport pour se fondre dans la nature ou à suborner des témoins sans compter les troubles éventuels de la part des rescapés. Ensuite, la Cour videra son délibéré le 3 juin prochain sa décision sur son transfert en MTPI, il faut qu’il reste embastillé !

Superfétatoire donc, l’invocation par ses avocats de son âge (87 ans) et l’état de sa santé. On l’a vu avec Augusto Pinochet, qui libéré pour le même argument de santé, sitôt descendu de son avion en chili, a marché alors qu’il était parait-il à l’article de la mort. Si donc, Kabuga fait face à la justice, pour ses crimes, il n’est est pas de même pour le journaliste Amadou Vamoulké, ex-DG de la CRTV, la radio-télé nationale camerounaise, qui croupit dans un donjon depuis 4 ans. Il y a 48 heures, le Tribunal criminel spécial a débuté à compulser les choses sérieuses, par le défilé des témoins. Des témoins d’ailleurs difficiles à trouver, selon l’un de ses avocats, Me Alice NKom, tant la vacuité du dossier est visible comme un nez crasseux sur un visage propre.

C’est d’ailleurs, l’absence de ces témoins à charge forcement, qui provoque ces renvois, et qui fait que le journaliste est en prison depuis 4 longues années. Avec son âge et le coronavirus, alors qu’ils sont 10 prisonniers dans une pièce de 20m2, le risque est grand pour Vamoulké d’où l’insistance de la défense pour qu’il recouvre la liberté. Que reproche-t-on à ce journaliste ? Ses avocats sont catégoriques : pour un DG de la CRTV, sa position et le traitement de l’info, pendant la présidentielle étaient suspectes, suffisantes pour qu’il goute à cet univers carcéral. Ce qui n’est pas sans rappeler celui de Ahmed Abba, accusé d’intelligence avec l’ennemi dans le même Cameroun.

Justice donc avec balance en équilibre en France, avec Kabuga, mais déséquilibré au Cameroun pour notre confrère, dont les faits, les indices et les preuves sont tellement pelliculaires qu’on en vient à subodorer une justice aux ordres.

 Fragiles justices selon donc le lieu géographique d’où la pertinence des juridictions supranationales, qui pourraient être des instruments contre l’impunité, mais aussi contre les chasses aux sorcières savamment maquillées. Car si la justice humaine a la balance comme emblème, c’est qu’elle est toujours en quête de l’injustice minimale. Réelle avec Kabuga, et dévoyée avec Vamoulké !

Pélagie OUEDRAOGO

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