Rached Ghannouchi n’aura eu ni le temps de faire son Iftar (rupture de jeûne), ni de participer à la nuit sacrée du «destin» ce 17 avril 2023, puisqu’il a été arrêté à son domicile par la police. Motifs de cette arrestation : Propos séditieux notamment que la disparition d’Ennahdha (islam politique) entraînerait une «probable guerre civile».
Le Palais de Carthage n’a pas pris ses propos à la légère, venant de l’ancien président du parlement, dissous en juillet 2021, lequel n’est pas à sa première interpellation.
Courant 2022 et début 2023, il aura été arrêté plusieurs fois pour des raisons diverses. Non content de l’avoir fait tomber de son perchoir, en dissolvant l’ancien parlement tout en mettant au pas la justice, Kaïs Saied continue à traquer le patron du parti islamiste. A-t-il peur de Ghannouchi ? Puisque tous les bureaux d’Ennahdha ont été fermés et ses réunions interdites !
Il y a de quoi au regard du parcours de cet octogénaire, figure totémique de l’opposition depuis Habib Bourguiba «le combattant suprême» jusqu’au rais Zine Ben Ali. En effet, bien que transi par le temps et la révolution de Jasmin de 2011, et jadis par un long exil de 20 ans à Londres, le vieux lion a certes, les griffes élimées, mais quelques dents toujours acérées.
Ses alliances souvent désarçonnantes, d’autres parlent de pirouettes comme avec le parti libéral Qalb Tounes de Nabil Karoui ou avec l’ancien président Béji Caïd Essebsi, le placent toujours dans une position difficilement surmontable sur l’échiquier politique.
Ses lointaines accointances avec les Frères musulmans égyptiens dérangent-elles tant le chef de l’Etat qu’il lui faut le mettre en prison pour être tranquille ? Evolue-t-on vers une mise sous éteignoir de ce parti islamiste, par sa dissolution pure et simple ? En s’acharnant sur ce vieux briscard de la politique, dont le parti est toujours représentatif en Tunisie quoiqu’on dise, en faisant de lui un martyr, Kaïs Saied prend le risque de s’isoler davantage, lui déjà qui essuie marches et désapprobations de ses concitoyens.
Les Tunisiens sont déçus de la classe politique à juste raison, car 12 ans après la Révolution arabe, le pionnier de cette révolution qu’est la Tunisie a fait du surplace, sinon, a reculé. Le quotidien des Tunisiens n’a pas bougé d’un iota. La classe politique, y compris Ghannouchi ne trouve pas forcément grâce aux yeux des citoyens, mais en l’arrêtant pour l’empêcher de parler, le pouvoir braque ses partisans et les autres opposants, mais aussi une bonne partie du peuple. Déjà que lui, Kaïs Saied, n’a pas le vent en poupe, avec sa gouvernance à pas forcés, ses sorties xénophobes contre les Noirs, il serait bien inspiré de ne pas en rajouter. Mieux vaut que Rached Ghannouchi soit dehors, très bavard, qu’en prison et silencieux ! Le bâillon sur la bouche des opposants est toujours mauvais pour le pays.
La REDACTION
COMMENTAIRES