RDC : Kabila ou l’art de parler faux

RDC : Kabila ou l’art de parler faux

Ainsi le mutique kabila, a decidé de rompre le silence, dont il en a fait une arme politique. Le président congolais Joseph Kabila, ô suprême grâce !, a daigné faire l’honneur aux Congolais et à l’Afrique de dépoussiérer les toiles d’araignée qui avaient élu domicile dans son palais à paroles, depuis cinq ans. Depuis cinq années, l’homme s’était muré dans un silence incommensurable, comme s’il avait été momifié, comme insensible aux réalités que vivent ses compatriotes.

Mais comme si l’outre à paroles était pleine à exploser, il s’est décidé à réunir la presse pour leur dire ce qu’il avait sur le cœur. Et en termes de dépoussiérage, beaucoup en ont éternué dans la salle de la rencontre, et même au-delà, les volutes ayant franchi les frontières du palais présidentiel pour s’épanouir  dans les rues de Kinshasa, enveloppant les colonnes marbrées de l’Eglise catholique, les portes de l’UDPS, parti d’opposant, bousculant les canons de la MONUSCO et dérangeant les drapeaux de la France, de la Belgique, des Etats-Unis, pour terminer aux couloirs nacrés de l’ONU. Personne n’a échappé à cette avalanche de poussière dont les grains sont des flèches trempées dans l’encrier de Kabila rempli d’aigreur, d’amertume et de ressentiments.

Des flèches qu’il aurait peut-être mieux fait de garder dans leur carquois. Car, en ne tournant pas sa langue sept fois avant de s’en servir, il ne fait qu’élargir davantage le fossé qui le sépare de la réalité et le rapproche d’une chute qui semble de plus en plus inévitable. Pour s’en convaincre, il suffit de se souvenir qu’il ne fait que suivre les pas de ses prédécesseurs  qui ont écrit le mot « Fin » d’une façon honteuse au terminal de leur règne au pouvoir.

Avant de s’éclipser par une meurtrière sous un soleil de plomb vers les landes de l’exil, Blaise Compaoré avait voulu mettre l’Eglise catholique à sa place, avait raillé son opposition et avait intimé la communauté dite internationale à respecter sa souveraineté (qu’il semblait découvrir pour la première fois) et  à se mêler de ce qui la regarde. L’épilogue de cette sortie (curieux, c’était également lors d’une interview accordée à des médias, alors qu’il en avait perdu l’habitude) a été inscrit dans les annales de la longue histoire des fins catastrophiques de dirigeants africains qui ont confondu le pouvoir  à leur jardin potager.

Comparaison n’est pas raison. Mais, n’est-ce pas le même scénario, qui semble avoir été écrit pour être joué par plusieurs acteurs différents, que le président congolais est en train de répéter ? Il s’attaque à l’Eglise catholique. « Jésus Christ n’a jamais présidé une commission électorale. Rendons à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu. Quand on essaie de mélanger les deux, c’est dangereux. Le résultat est toujours négatif».

Ces trois phrases prononcées par Joseph Kabila ressemblent à une prière faite pour régime condamné à mort, quelques heures avant son exécution. Auquel cas, on ne pourrait comprendre que le président ose s’en prendre à une institution aussi universelle et qui transcende tous les clivages, toutes couches stratosphériques de la société et les appartenances politiques. Lorsqu’il s’attaque à l’UDPS, il n’égratigne que les militants de ce parti et les Congolais qui partagent sa ligne de conduite. Mais en parlant ainsi de Jésus Christ, même ses propres conseillers, les partisans de son parti et les militaires qui semblent faire sa force risquent de ne pas trop apprécier. Il pourrait s’en mordre les doigts.

Ensuite, le président raille ses opposants. Ce qui n’est pas très nouveau. La manière dont il a marché sur les accords signés avec l’opposition démontre le peu de considération qu’il a pour elle. Enfin, le président congolais se découvre soudainement des vertus d’africaniste et de garant de la souveraineté de la République démocratique du Congo. Il déclare que son pays n’est pas à vendre et que la MONUSCO est une force inutile.

Des propos héroïques qui lui font oublier qu’il n’a pas été le seul à vaincre le M23, que son pays vit sous la perfusion des pays qu’il attaque, parce que justement il n’a pas su mettre en œuvre des politiques qui auraient fait fructifier les immenses richesses qui croupissent sous le sol congolais. Il a flotté comme un air d’ingratitude malsaine, lorsque le chef de l’Etat congolais tenait sa conférence de presse.

Mais comme dit plus haut, cette sortie médiatique aurait pu ne pas avoir lieu et le Congo ne s’en porterait pas plus mal. Car l’homme a bavardé sur tout, sauf sur l’essentiel. C’est certain que le monde n’en a cure des leçons de morale de Kabila Fils. Le mystère si tant est que c’en est un, reste entier. Le 23 décembre prochain, serait-il ou non sur la ligne de départ ?

Ce qui attise les tensions en ce moment, c’est bien sa candidature ou pas en 2019 et si la constitution ne sera pas modifiée en 2018. Muet comme une carpe, le chef de l’Etat n’a pipé mot sur ses intentions. Cherche-t-il à temporiser ? Conscient qu’il est actuellement sur plusieurs fronts, évite-t-il de s’en ouvrir un autre, qui serait fatal ? S’il est conscient de cette fatalité, ce serait déjà un grand pas vers une sortie de route moins fracassante. En attendant, il s’évertue à creuser, pelle en main, un trou dans lequel il a de fortes chances de tomber.

Ahmed BAMBARA

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