RDC :  Une campagne électorale à couper à la machette

 RDC :  Une campagne électorale à couper à la machette

Ce 23 novembre 2018, la campagne présidentielle va ouvrir ses portes en République démocratique du Congo (RDC). Les candidats piaffent d’impatience de se lancer. Le candidat unique d’une partie de l’opposition, la coalition Lamuka, Martin Fayulu est arrivé à Kinshasa 48 heures avant le début des «hostilités». Il a déjà fourbi ses armes et ses arguments : social libéralisme,  citoyenneté, pacte pour le développement, bonne gouvernance,  réconciliation nationale, principe gagnant-gagnant.

Une campagne qui a d’ailleurs débuté avant la lettre avec le discours-programme quinquennal du candidat du FCC, Ramazani Shadary il y a trois jours, et ce retour du champion de l’opposition, du moins du camp anti-Kabila désuni avec désormais le 7 moins 5 c’est-à-dire le conclave de Genève expurgé des deux défections, Félix Tshisekedi et Vital Kamerhe. En accueillant triomphalement Martin Fayulu,  Lamuka lance un message clair : l’opposition sera derrière le patron  de l’Engagement pour la citoyenneté et le développement (écidé) avec qui elle espère l’avènement du grand soir pour le 23 décembre prochain. En théorie, ce sera le colossal investissement de 86 milliards de dollars de Shadary contre ce que promettra Fayulu, puisque toute présidentielle est en principe la rencontre d’un homme avec son peuple.

Les autres candidats, notamment ceux qui ont «fui» la coalition, Vital Kamerhe et Félix Tshisekedi, ne sont pas en reste. Ils aiguisent leurs slogans, leurs propositions, pendant que le candidat par procuration de Joseph Kabila s’apprête aussi à sillonner les régions de ce pays-continent pour tenter de faire rester au pouvoir le fils de Désiré Kabila.

C’est le moins que l’on puisse dire, la campagne électorale s’annonce épique. Elle ne sera pas monocolore, inodore, sans saveur comme celle camerounaise où un tyrannosaure s’est amusé contre des alevins politiques. De vrais poids lourds vont s’affronter dans l’arène de la RD Congo, avec comme spectateurs des Congolais qui auront la chance de voir leurs hommes politiques jouer les pitres pour tenter de les convaincre de leur donner leurs voix.

Tant que la farandole effrénée à laquelle les candidats vont se livrer se tiendra dans un registre où se disputeront le comique et le sérieux, les anges qui ont la garde de maintenir la paix en RDC peuvent toujours respirer. Mais dans cette contrée sur laquelle Dieu semble avoir trop souvent fermé les yeux, les choses ne se passent généralement pas aussi doucement et tranquillement. A partir d’aujourd’hui 23 novembre, jusqu’au jour du scrutin, chaque candidat ira à la pêche d’électeurs via des meetings, des conférences de presse, des rassemblements divers, des prestations radio-télévisées, en espérant que la majorité des 40,2 millions ne restent cloîtrés chez eux, par dégoût pour le peu de sérieux, la vénalité, bref l’indigence comportementale d’une classe politique, qui, il est vrai n’en mène pas large, mais cette part importante de ce corps électoral, pourrait aller à la pêche par peur des déflagrations électorales, car en RD Congo, que ce soit en 2006 ou dans une moindre mesure en 2011,  lors des deux précédentes présidentielles, les élections sont consubstantielles aux violences avec leurs lots de victimes. Premier casus belli pendant dans ce processus électoral ces fameuses machines à voter ou à voler, selon que l’on se situe de part et d’autre de la ligne de fracture que constituent opposition et pouvoir. Déjà que la CENI est suspectée de rouler pour le pouvoir, ces machines à problèmes, risquent d’être le détonateur à minima de recours postélectoraux.

Déjà sans élections, ses habitantes et habitants se livrent à des affrontements sanglants qui  ne peuvent être nommés que par le nombre de tombes qui jalonnent les cimetières. Que se passerait-il lorsqu’il sera question de ce sujet où le Diable lui-même avoir fait graver les pires de ses tentations : le pouvoir ? Zones particulièrement à hauts risques :

– le Kasaï, fief de Félix Tshisekedi, dont le parjure sèmera un embrouillamini, et où la moindre  étincelle pourrait mettre le  feu aux poudres.

– Bukavu, c’est-à-dire le Sud-Kivu électoralement pesant avec ses 3 millions d’électeurs, et bastion du second «traitre» du conclave de Genève.

– Enfin, il y a l’Equateur et naturellement Kinshasa, avec ses 5 millions d’électeurs.

Assurément, les anges retiennent leur souffle. Surtout que les serviteurs de Dieu, en l’occurrence les prêtes de la Commission justice et paix (CJP) de la conférence épiscopale nationale du Congo (CENCO) n’ont pas émis des pronostics très rassurants quant à la forte probabilité de risques de crise post-électorale. En tous les cas, ils ont prévenu que les choses risquent de dégénérer, vu les forces et les intentions en présence. On le constate donc, c’est une campagne électorale nimbée d’une atmosphère à couper à la machette, et ni le dispositif sécuritaire, encore moins l’absence d’un «Accord de bonne conduite» ne sont des pare-feux.

Pourvu alors que les prédictions des prélats ne valent pas assertions divines et que les Congolais, citoyens et acteurs politiques y compris, restent divinement sages.

Ahmed BAMBARA

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