Réinhumation des restes de Thomas Sankara et ses 12 compagnons : La famille participera-t-elle à ces secondes obsèques

Réinhumation des restes de Thomas Sankara et ses 12 compagnons : La famille participera-t-elle à ces secondes obsèques

35 ans après son enterrement à la sauvette au cimetière de Dagnoën, un quartier à la lisière de Ouaga, après le régicide du Conseil de l’Entente, et après son excavation pour des raisons judiciaires, les nouvelles obsèques de Thomas Sankara posent problème. Du bruit après ceux liés même à son déterrement et celui des 12 suppliciés, étant donné qu’en Afrique généralement, on ne déterre pas ce genre de mort, tués de façon violente selon des us et coutumes bien ancrés. Et d’aucuns ont condamné ce geste, même si c’était pour une bonne cause, faire triompher la justice.

Le 6 février 2023, le gouvernement de la Transition décidait après concertations avec la famille du père de la Révolution burkinabè, de le réinhumer, là où même il avait trouvé la mort sous des balles assassines : le Conseil de l’Entente.

Mais le même jour, la famille se fendait d’un communiqué dont la teneur, était sans équivoque : elle ne se sentait pas concernée par ces funérailles car le lieu choisi, en l’occurrence, le Conseil de l’Entente ne lui convenait pas : «c’est le moment de souhaiter que la réinhumation du président Thomas Sankara se fasse de façon consensuelle dans le calme… nous prenons l’opinion publique nationale et internationale à témoin que le lieu de réinhumation des restes de Thomas Sankara vient de nous être imposé sans autre forme de discussion consensuelle».

Le 17 février dernier, la famille revenait à la charge en adressant des supplications au président de la Transition pour qu’il sursoit à ce second enterrement de Sankara «là où il a été trucidé, au Conseil de l’Entente, sans compter d’autres meurtres perpétrés et le nombre de personnes qui y ont subi des atrocités». La famille informe dans la même missive, qu’elle a tenté en vain de rencontrer le Capitaine IB, idem pour les propositions consensuelles qui sont restées sans suite. La famille va jusqu’à proposer «le jardin de l’Amitié», au centre-ville jouxtant le Rond-point des Nations unies, ou le Jardin Yennenga, toujours au centre-ville. En dépit de cet appel du pied de la famille de l’ex-président du CNR, malgré les objurgations de Blandine, sœur cadette de Sankara et porte-parole de la famille, le gouvernement par un communiqué daté du 17 février a maintenu ces secondes obsèques du fringant capitaine qui mit l’ex-Haute-Volta en pôle-position en le débaptisant en Burkina-Faso : ces funérailles décidées par l’Etat auront lieu donc ce 23 février à 9 heures, au Conseil de l’Entente. Fermées au public, elles seront accessibles à des personnes invitées. Les populations sont invitées au recueillement ce jour-là, et quant aux hommages officiels, ils lui seront rendus le 15 octobre prochain, date-anniversaire de son assassinat avec ses 12 compagnons d’infortune.

Que dire de ces deuxièmes obsèques polémiquées de Thomas Sankara ?

Vivant, la capitaine à la joute oratoire poignante des années 80 dérangeait, créait le raffut, du bruit et 35 ans après sa mort tragique devant le pavillon «Haute-Volta» du Conseil de l’Entente, «Tom Sank» continue à être source de vives disputes.

La famille Sankara a sans doute en partie raison au regard de ces 3 décennies de lutte, de tristesse, de recherche de vérité et de justice, elle a raison de vouloir enterrer son parent pour enfin faire le deuil, après le procès. Et peut-être que pour toutes ces raisons, le pouvoir de la Transition aurait pu accéder à ses vœux.

Cependant, chacun le sait, le corps d’un militaire mort, de surcroit dans l’exercice de ses fonctions, appartient à l’armée, qui organise les obsèques. Après le 15 octobre 1987, lors d’une de ses rares déclarations, Blaise Compaoré avait du reste déclaré : «Sankara ne peut être inhumé qu’au cimetière militaire !». A ce titre, Sankara n’appartient plus à sa famille nucléaire, a fortiori, il fut chef d’Etat. Donc, l’Etat peut s’occuper de tout ce qui concerne ses funérailles. Sankara est universel, il appartient désormais à l’Afrique et au monde, c’est un patrimoine mondial.

Enfin, à écouter le Colonel-major, Sibiri Coulibaly des pompes funèbres de l’armée, toutes les pistes ont été explorées : les services municipaux qui sont allés du côté du Monument des Martyrs, où techniquement, ce n’est pas faisable. Et puis, les coutumes, selon lui, ont estimé aussi que pour «laver le sang et clore la parenthèse tragique », c’est mieux qu’ils reposent là où ils ont été tués…

Mais cultive-t-on l’apaisement lorsque ce 23 février, lors des réinhumations, on ne verra pas Mariam Sankara, ni Blandine, et ses frères, encore moins Auguste et Philippe, les fils de Sankara ? On a encore 3 jours pour espérer un aggiornamento que la famille Sankara acceptera de venir pour éviter une seconde mort à ce digne fils du Burkina. Et aussi, qu’on puisse tourner la page et que leurs âmes puissent reposer en paix.

La REDACTION

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