C’est fait, la France vient de mettre à la disposition du Burkina Faso, le dernier lot de documents d’archives déclassifiés dans le cadre de l’instruction du dossier sur l’assassinat de Thomas Sankara.
Dernier acte de la coopération d’entraide judiciaire dans le cadre de la commission rogatoire sur cette affaire, la remise de ce dernier lot par l’ambassadeur français en poste au Burkina, Luc Hallade au ministre burkinabè de l’Intégration africaine et des Burkinabè de l’extérieur, Maxime Koné constitue un geste fort de la France pour «la lumière». 96 heures après la mise en accusation de Blaise Compaoré et Cie, le Burkina Faso dispose de documents détenus par la France sur cette affaire d’Etat.
Selon le diplomate français, ce troisième lot de documents concerne les archives du ministère français de l’Intérieur, notamment le service de coopération policière présent au Burkina Faso, au moment des faits, et la Direction générale de la sécurité intérieure. Ce lot de documents arrive au moment où le dossier confié à un juge depuis fin 2015, a connu une avancée considérable et est en passe de passer en jugement, après l’audience de confirmation de charge de la Chambre criminelle qui a abouti à la mise en accusation de Blaise Compaoré et de 13 autres personnes.
C’est donc à un dossier déjà bouclé en instruction que ces archives censées «apporter» plus de clarté sur cette fin tragique du fringuant capitaine, père de la révolution burkinabè viennent en complément.
Si l’on peut se réjouir de cette remise qui boucle la boucle, il convient donc de regretter avec l’ambassadeur Luc Hallade leur venue tardive dans cette affaire dont les ramifications vont au-delà des frontières de l’ex-Haute-Volta et même du continent africain. Notamment quel rôle la France sous cohabitation a-t-elle joué et jusqu’où ? «Vous êtes tranchant, mais vous tranchez trop», avait répondu Mitterrand à Sankara lors d’échanges des toasts à Ouagadougou le 17 novembre 1986. Sankara dérangeait et pas seulement en Afrique mais aussi l’Occident en particulier l’ex-métropole.
Sans présager du contenu de ces documents transmis à la justice burkinabè, tout le mal que l’on pourrait espérer sur cette coopération judiciaire entre la France et son ex-colonie, c’est qu’ils permettent de lever les équivoques sur les rôles joués par la France mais aussi par les puissances étrangères dans la fin tragique du Che africain et de ses douze compagnons. C’est du reste, ce qu’a laissé entendre le ministre Koné après avoir reçu ce lot de documents des mains de l’ambassadeur français. Les informations contenues dans ce lot de documents devraient apporter plus de précisions au juge dans la suite de son travail.
C’est connu, l’assassinat de Thomas Sankara dont les positions donnaient l’urticaire à plus d’uns, a ruiné les espoirs d’un peuple et d’un continent qui aspiraient à plus de liberté dans ces choix de gouvernance. Et rien qu’à se poser cette question lancinante de : A qui profite le crime ? On est rapidement situé sur les «potentiels» suspects et commanditaires du coup de force du 15 octobre 1987. 34 ans après ces évènements, les parents des victimes du carnage du 15 octobre 1987 mais aussi, toutes les personnes éprises de justice piaffent d’impatience. En attendant donc de voir les personnes inculpées dans ce dossier dans le box des accusés, il importe aussi de saluer l’accomplissement de la promesse faite le 28 novembre 2017 à l’Université de Ouagadougou, par Emmanuel Macron de mettre à la disposition du Burkina, toutes les archives sur ce dossier épineux. Quoiqu’on puisse dire, la remise de ces trois lots de documents déclassifiés est un signal fort à mettre à l’actif de Jupiter qui aura eu le mérite d’ouvrir une porte jadis hermétiquement fermée et d’en franchir le seuil. Reste à démêler l’écheveau lors du procès pour découvrir la vérité dans ce dossier «politiquement lourd» .
Davy Richard SEKONE
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